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Recits pour les jeunes (Hachette 1971) Textes en francais facile

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Récits pour les jeunes
extraits de la revue Passe-Partout
Présentation de Annie TRAINAUD
LIBRAIRIE HACHETTE
79, boulevard Saint-Germain, Paris VIe
CARTE D'IDENTITÉ
Titre
Auteur
Série
Age des lecteurs
Nombre de mots
Récits pour les jeunes
Passe-Partout
Récits
A partir de 11 ans
Environ 1 300
Préface
Librairie Hachette, 1971.
La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de
l'Article 41, d'une part, (lue les s copies ou reproductions strictement
réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation
collective s , et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans
un but d'exemple et d'illustration, a toute représentation ou reproduction
intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses
ayants-droit ou ayants-cause, est illicite » (alinéa 1" de l'Article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit,
constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et
suivants du Code Pénal.
Vous connaissez Passepartout, Jean Passepartout, ce
personnage d'un roman de Jules Verne, gai, intelligent,
curieux de tout et toujours en mouvement, qui, avec l'An-
glais Phileas Fogg, a fait en 1872, le Tour du monde en
80 jours.
Vous connaissez sans doute aussi Passe-Partout, la revue
qui, tous les mois, informe, instruit, amuse, aide, aux quatre
coins du monde, des milliers de jeunes qui veulent se fami-
liariser avec la langue et la civilisation françaises.
Que vous soyez fidèles lecteurs ou non de Passe-Partout
nous avons pensé que vous aimeriez trouver réunis un cer-
tain nombre de récits et d'aventures publiés chaque mois
dans ce journal depuis déjà trois ans.
Nous espérons avoir choisi les plus passionnants. Chacun
des textes est écrit dans une langue simple. Les mots ou
expressions présentant quelque difficulté y sont signalés
par un astérisque et trouveront leur explication dans un
lexique à la fin de l'ouvrage.
Les récits sont regroupés suivant des genres que nous
avons voulu variés. Le lecteur pourra choisir selon ses
goûts : des aventures humoristiques, d'émouvants récits de
Noël, de passionnantes intrigues policières, ou des récits
de vacances aux péripéties imprévues.
Quelques questions sont proposées à la fin du livre pour
chacun des textes; elles doivent permettre d'utiliser, dans des
phrases, des expressions particulièrement intéressantes
et de contrôler si l'histoire lue a été correctement comprise.
Le jeu des questions peut se poursuivre et donner lieu
à l'emploi d'expressions nouvelles du texte.
Nous espérons que ce choix de récits vous fera passer
d'aussi agréables moments que la lecture de votre journal
Passe-Partout, et vous aidera dans votre effort de familia-
risation avec le vocabulaire courant de la langue française.
3
L'effort récompensé
Victoire'' d'équipe *
Depuis trois mois déjà, Hervé n'était plus qu'un
corps sans mouvement et Jean, qui venait le voir tous
les jours, avait mal, chaque fois, de trouver son ami
sans force et sans courage devant la maladie. Le méde-
cin l'avait dit et répété : « Hervé pourrait" marcher
et n'avait qu'à vouloir; il ne semblait pas que l'attaque
de polio avait été très forte, mais il fallait, pour guérir,
apprendre à nouveau tous les mouvements, les plus
simples pour commencer, les autres après. » Cela,
Hervé ne voulait pas le faire et ses pauvres parents
n'osaient plus le lui demander. Ils n'espéraient plus
qu'une seule chose : que Jean arrive à décider son
ami... Jean ne croyait pas pouvoir réussir. Ou plutôt il
ne savait pas comment commencer.
Pour Hervé, sa maladie était une affaire terminée
contre laquelle on ne pouvait rien : il était infirme' et
il le resterait. Alors, dans les moments terribles où il
criait sa peine, Jean baissait la tête et n'osait plus rien
dire. Il attendait de pouvoir parler plus tard.
Il recommença par un bel après-midi de printemps :
« Hervé! lança-t-il, dès son arrivée, au garçon couché
sur son lit, tu n'as pas envie de remuer par un temps
pareil?
— Tu es toujours aussi bête, répondit Hervé.
— Pas si bête que ça, dit Jean en respirant un bon
coup. Tu étais fou de sport, tu n'étais jamais fatigué
quand il fallait gagner. Pourquoi maintenant as-tu
changé? Avec les mêmes efforts, tu peux sortir de la
maladie, j'en suis sûr.
5
76
— C'est vite dit, répondit Hervé, je voudrais te voir
à ma place; et puis, parlons d'autre chose, s'il te plaît. »
Jean, une nouvelle fois, ne savait pas comment faire
et, sans trop penser, il répondit simplement :
« Rien n'est impossible!
Hervé, rouge de colère, réussit à s'asseoir sur son lit
en s'aidant des mains.
« Si c'est vrai, Jean, explique-moi pourquoi tu es
toujours si mauvais en mathématiques. »
Jean, aussi en colère qu'Hervé, allait répondre
tout de suite; il réussit à rester une seconde sans parler
et, beau joueur, se mit à rire :
« Bien, tu as raison. Si je ne fais rien en maths,
c'est ma faute, mais toi, reconnais aussi : si tu passes
ta journée dans ton lit ou sur une chaise longue'',
c'est en partie ta faute. Donc, essayons l'un et l'autre
de nous en sortir. Et je serais curieux de savoir quel
est le moins bête des deux qui arrivera à s'en sortir
le premier? Es-tu d'accord?
— D'accord », dit Hervé, en essayant de sourire.
Il était sûr que Jean, qui détestait les maths, ne
pourrait pas faire de grands progrès et il se sentait
très tranquille. Et Jean, lui, se demandait si Hervé
allait, enfin, faire quelques efforts.
Les mois qui suivirent furent des mois de grand
silence entre les deux amis. Ils se rencontraient, ils se
parlaient aussi; mais ils prenaient grand soin de ne
pas poser la question qui leur brûlait les lèvres :
l'autre faisait-il des progrès? Se souvenait-il seulement
de ce qu'il avait promis? Ils se regardaient sans être
sûrs.
Hervé ne savait pas que son ami Jean ne perdait
plus son temps en classe de maths, faisait avec soin
ses devoirs et redemandait même des explications au
professeur, étonné mais content. Et Jean ne pouvait
pas penser qu'Hervé, pendant les heures où il était
seul, refaisait dix fois de suite, en comptant à voix
basse pour se donner du courage, les mouvements
les plus simples et les plus faciles. L'un et l'autre
se cachaient depuis plusieurs mois leurs efforts quand,
un jeudi après-midi, Jean ouvrit la porte de la
chambre d'Hervé et s'arrêta :
J'ai une grande nouvelle pour toi! Essaie de trou-
ver. »
i
Hervé sourit.
« Dis-la-moi, ça ira plus vite!
— Eh bien, je suis second en maths avec 17. Qui dit
mieux?
— Le premier, bien sûr, mais attends! »
Jean vit Hervé chercher avec la main ses béquilles,
les prendre et se lever lentement, difficilement. Tout
étonné, Jean ne pouvait bouger. Hervé le regarda dans
les yeux et commença à marcher vers lui :
« Reste où tu es », commanda-t-il.
Plusieurs fois, Jean eut envie d'avancer; Hervé pen-
chait à droite, à gauche, prêt à tomber; mais son regard
ne quittait pas celui de son ami et Jean ne voulait pas
avoir l'air de plaindre Hervé.Le malade avançait,
c'était là la chose étonnante.
Au bout d'un long chemin, il se laissa tomber entre
les bras de Jean : il avait laissé les béquilles dans un
mouvement de victoire et Jean le reçut avec une joie
sans fin. Le garçon respirait avec bruit.
« Bien sûr, dit-il après un moment, mes progrès
ne sont pas aussi extraordinaires que les tiens, mais
enfin...
— Ils le sont beaucoup plus », répondit Jean.
Et, passant ses bras autour de son ami, il le porta
vers le fauteuil, et l'aida à bien s'asseoir.
• Belle victoire d'équipe, n'est-ce pas? » dit-il en
riant.
Fatigué mais heureux, Hervé eut, pour son ami, le
plus beau des sourires.
Anne Guilhem
Deux vies pour la science
Douze heures par jour, Marie travaille dans son
laboratoire" à l'école de physique et chimie. Mais peut-
on donner ce nom à la pièce qu'elle occupe, très chaude
en été, humide en automne, froide en hiver? Les appa-
reils? Ils ne valent pas beaucoup mieux. Peut-on ainsi
faire des recherches`? Oui, car' pour Marie et pour
Pierre, son mari, tout est possible. Ils s'aiment, ils
sont heureux, et leur bonheur*, c'est d'essayer de
découvrir" ensemble un métal qu'aucun savant" au
monde ne connaît encore.
Elle, c'est Maria Sklodowska, née en 1867 à Varsovie,
en Pologne. Sa mère dirige* une petite école; son père
est professeur de mathématiques et de physique. A
dix-sept ans, Maria, la meilleure de sa classe, a passé son
baccalauréat'. Hélas, les jeunes filles n'ont pas le droit
d'aller à l'Université`. Il faudrait pouvoir continuer
ses études à Paris! Oui, mais cela coûte cher. Alors
Maria travaille dans une famille polonaise. En 1891,
elle a mis un peu d'argent de côté et elle part pour
Paris.
Je veux apprendre tout ce que les savants ont déjà
découvert », écrit-elle. Et Maria fait des mathématiques,
de la physique, réussit à passer deux licences-. Chaque
soir, elle pense au jour heureux où elle retournera dans
son pays pour être professeur à son tour. Mais sa vie
devait se passer autrement. A Paris, chez des amis,
Maria rencontre un grand professeur...
Pierre Curie, lui, est fils d'un médecin de Mulhouse,
en Alsace. Il n'est jamais allé en classe : son père et
8 9
un professeur lui ont donné des leçons à la maison.
La méthode* est bonne : il a son baccalauréat à seize ans,
sa licence à dix-huit. En 1882, Pierre Curie devient chef
de travaux à l'école de physique et chimie à Paris. Un
jour de l'année 1894, il rencontre Maria Sklodowska.
C'est étrange'`, dira-t-il plus tard, de parler à une
femme des travaux que l'on aime et de voir cette femme
comprendre et discuter certains points avec une grande
intelligence. » En juillet 1895, Pierre épouse* Maria.
Leur cadeau" de mariage? deux bicyclettes avec les-
quelles ils vont courir la campagne pendant quelques
jours, quelques jours seulement...
Marie et Pierre travaillent dans la fièvre pour trouver
ce métal inconnu. Marie, la première, commence les
recherches. Elle a lu les travaux du savant français
Becquerel qui s'est aperçu qu'un morceau d'uranium,
placé dans un endroit où il fait noir, laisse une trace`
sur une plaque" de photo. Marie veut savoir quelle est
la substance* contenue dans ce métal qui a ce pouvoir
auquel elle donne le nom de radioactivité. Elle fait de
longues et nombreuses expériences*. Elle remarque
que 1a radioactivité n'est pas la même pour tous les
métaux, ce qui veut dire que les substances radio-
actives n'ont pas les mêmes proportions* dans tous les
métaux.
Un dur travail va commencer. Les jours se suivent et
se ressemblent... Pendant quarante-cinq mois! Marie
élève leur fille Irène, née en 1896, fait le ménage et conti-
nue ses expériences. Pierre travaille avec elle, mais donne
aussi des cours à des ingénieurs. Leur vie n'est pas facile.
Mais ils ont enfin une première récompense*. En juillet
1898, Pierre et Marie Curie ont pu identifier une pre-
mière substance radioactive.
Pierre, veux-tu que nous lui donnions, en sou-
venir' de mon pays, le nom de polonium? »
1 0
Trois mois plus tard, une nouvelle substance est
découverte : le radium. Est-ce le succès*? Pas encore.
Quelques savants ne sont pas d'accord. (( Qu'est-ce
que le radium? en a-t-on vu? en a-t-on touché? Montrez-
nous un morceau de radium. Alors seulement nous vous
croirons. » Eh bien, Pierre et Marie le montreront!
Mais à quel prix! Il faut faire venir le minerai'' (la
pechblende) de Bohême; il faut, peu à peu, jour après
1 1
12
jour, traiter* des centaines de kilos de minerai pour
avoir à la fin moins d'un gramme de radium! Pierre
continue ses recherches dans le laboratoire, Marie tra-
vaille comme un homme : avec un grand morceau de
fer, elle remue le minerai qui bout sur le feu. Enfin,
en juillet 1902, 1/10 de gramme de radium est
préparé.
Ce même soir, comme leur petite Irène dort, les
deux savants retournent au laboratoire. « N'allume
pas », dit Marie. Dans l'ombre, Pierre et Marie voient
briller* le petit morceau de radium. Cette substance,
des millions de fois plus radioactive que l'uranium,
donne de la chaleur, rend radioactif tout ce qu'elle
touche; cette substance avec laquelle on va pouvoir
guérir des malades, le radium, est là, devant eux, fruit
de leur travail. Les deux savants se taisent. Marie
se met à pleurer, Pierre pose tendrement sa main sur
son épaule. Ils viennent d'ouvrir une grande porte à
la science.
Jacques Verdol
Le Gourdi
Hervé était sûr d'être né sous une mauvaise étoile...
A treize ans, tout le monde semblait penser qu'il était
encore un bébé. Il faut dire qu'il était toujours mal
peigné, qu'il avait du mal à parler et qu'il n'était pas
très adroit... On se moquait de lui et il était très mal-
heureux.
Pendant l'année, cela allait encore : il avait ses
petites habitudes, une vie tranquille entre l'école, sa
chambre et son chat. Mais, pendant les vacances, ce
n'était pas pareil : Hervé voulait jouer avec les autres
garçons, mais il les dérangeait. Quand il arrivait, tous
lui criaient des choses méchantes et riaient en l'appe-
lant : « le Gourdi ». Le Gourdi?... C'était un mot qu'ils
avaient inventé* pour expliquer qu'Hervé ne savait
pas très bien se débrouiller dans la vie, qu'il n'était
pas très dégourdi.
Ce soir-là, ils parlent tous ensemble sur la plage*.
« Moi, je trouve qu'on s'ennuie ici! dit le grand
Lucas, le chef du groupe. Ce village est bon pour les
poules, les cochons ou ceux qui sont nés un jour de
grand vent, comme le Gourdi...
— Oh! la campagne est si jolie au mois d'août, dit
doucement Hervé. Vous pourriez... »
Mais personne ne l'écoute, même pas son grand frère
Yves.
« Faisons quelque chose d'étonnant, continue Lucas.
Allons au Groun! »
Le Groun est une petite île balayée par les vagues*,
à quelques centaines de mètres de la côte.
13
« Le Groun? c'est dangereux, dit Yves. Personne
n'y va jamais.
— Tu as un bateau? demande le petit Gédéon.
—
Un bateau, un bateau... Tu es fou! répond Lucas.
Ce n'est pas amusant. Il faut y aller en nageant! Quand
la mer est basse, il n'y a que trois cents mètres à faire,
et nous trouverons bien un endroit sans rochers'' pour
monter sur l'île.
— D'accord », répondent Jacques et Marc.
Hervé s'avance vers eux. Aller au Groun? Jamais
il n'y a pensé... Bien sûr, il sait très bien nager, mais
quand même, le Groun!
« Aujourd'hui, dit-il, la mer est basse à huit heures.
Il fera presque nuit. »
Tout le monde se met à rire. Mais il a l'habitude :
chaque fois qu'il ouvre la bouche, c'est la même chose.
« Merci, bébé! On le savait... Et après? Nous n'y
resterons pas une heure, au Groun. Laisse-nous tran-
quilles. »
Hervé se tait, mais il ne part pas et quand tous les
garçons commencent à se déshabiller, il enlève, lui aussi,
sa chemise et son pantalon.
« Dis donc, le Gourdi, dit Gédéon en le voyant.
Tu n'as pas l'idée de venir avec nous, j'espère? »
Lucas se retourne:« Ah! non, surtout pas. Le Groun, ce n'est pas pour
les enfants. »
Hervé fait semblant de ne pas entendre et s'avance
vers l'eau, mais le grand Lucas lève le poing.
« Va-t'en, je te dis! On ne veut pas de toi.
Pauvre Hervé... Il est bien obligé d'obéir". Le voilà
seul sur la plage pendant que les autres s'en vont en
riant.
Décidément, il n'y a rien à faire : il est « le Gourdi »,
il le restera... Hervé a du mal à ne pas pleurer. Pour
14
w..
^I
mieux voir ce qui se passe, il monte sur un rocher et
regarde les petits points noirs qui s'avancent vers l'île.
Tous les garçons sont bons nageurs. On reconnaît la
tête de Lucas qui a mis son grand mouchoir bleu autour
de sa tête pour ne pas le mouiller.
Voilà. Ils sont arrivés... Hervé peut les voir en train
de courir sur l'île. Et puis, maintenant, en haut de la
tour du Groun, le grand mouchoir bleu de Lucas vole
au vent comme un drapeau.
La nuit est tombée. Les garçons sont rentrés. Tout
contents d'avoir réussi, ils ont allumé un grand feu de
joie. Assis un peu plus loin, Hervé les écoute.
« Je dois dire que j'ai eu peur, dit Marc. Quand j'ai
vu Yves près de ce rocher pointu, avec les vagues qui
l'empêchaient de monter... »
Yves regarde sa jambe entourée d'un gros panse-
ment.
« Moi aussi, j'ai eu peur... surtout en revenant,
j'ai bien cru que je n'y arriverais jamais!
— Moi, je n'ai jamais eu peur, crie Lucas. Et pour-
tant ce n'était pas facile ce que nous avons fait, avec
le courant"!
— Si vous étiez passés un peu plus à droite, vous
n'auriez pas été gênés par le courant, dit la petite voix
tranquille d'Hervé.
— Dis donc, Gourdi, tu veux dire que je ne connais
pas le pays?
— Si, mais tu ne connais pas bien les courants... »
Tout le monde regarde Hervé. C'est la première fois
qu'il ose répondre au grand Lucas! Qu'est-ce qui lui
arrive?
« Oh, bien sûr, c'est facile de donner son avis quand
on est assis sur la plage. Tu peux parler, toi qui n'as
pas osé venir!
— C'est toi qui m'as empêché de vous suivre.
16
— C'était pour rire... Mais tu étais bien content
d'avoir une bonne raison de ne pas venir : tu avais
peur! »
Peur? Hervé devient tout blanc. Il veut bien qu'on
l'appelle bébé, le Gourdi, qu'on se moque de lui,
mais on n'a pas le droit de dire qu'il a peur. Ce n'est
pas juste! Une fois de plus, tous les rieurs sont du
côté de Lucas, et Hervé se tait. Quand on est né
sous une mauvaise étoile, que voulez-vous faire?
Il s'en va, malheureux...
Bon voyage », crie Gédéon.
Le jour suivant, au petit déjeuner, quelque chose
a changé. Hervé est arrivé en souriant, la tête
haute, très sûr de lui. Il semble ne pas entendre
les garçons qui se moquent de lui, comme d'habi-
tude.
« Tu penses! il n'est pas allé bien loin hier soir,
il avait trop peur du noir...
— Bien sûr : il a dormi dans le grenier, il n'osait
pas rentrer.
— Pas vrai, le Gourdi? » dit Lucas.
Hervé le regarde bien droit dans les yeux, se lève
et sort quelque chose de sa poche. C'est un petit
mouchoir bleu.
o Tiens! dit-il, je crois que c'est à toi.
Les rires s'arrêtent. Tous ensemble, les garçons
courent vers la fenêtre, et regardent la mer.
Le Groun est toujours là... mais en haut de la tour,
il n'y a plus de mouchoir bleu...
D'après Claude Senniz
17
Rions un peu!
Le paravent
« C'est la première fois que je vais en Autriche, et
toi?
— Moi aussi.
—
On ne parle pas l'allemand.
—
On se débrouillera`!
—
Mais oui, ça n'a pas d'importance.
—
C'est d'accord, on y va. »
Ils sont d'accord, mais où vont-ils?
Et qui sont-ils?
Ils, ce sont Pierre et René, deux jeunes étudiants de
dix-huit et dix-neuf ans.
Où vont-ils? A Salzbourg. Vous pensez tout de suite
qu'ils vont au « Festival Mozart » et vous avez raison.
Ils ont bien compté : prix du billet, prix de l'hôtel, du
restaurant, billets pour les concerts ' , promenades et
autres dépenses. Et : « C'est d'accord, on y va.
... Le train, même en seconde classe, c'est très bien
pendant les premières heures. Nos jeunes gens regardent
par la vitre, parlent de leurs études, des amis, des pro-
fesseurs, de Salzbourg et de Mozart.
Peu à peu, la fatigue commence à venir. Le soir
vient aussi, lentement. Le paysage' " « disparaît », il ne
reste que le bruit du train qui endort peu à peu nos
jeunes mélomanes'.
En arrivant, ils ont les yeux qui se ferment, les bras
et les jambes raides*.
Ils prennent leurs valises et les voilà sur le quai.
Au loin, une horloge' sonne onze coups. Il faut trou-
ver un hôtel.
« Et vite, je dors debout. Et toi?
— Moi, je suis mort de fatigue.
— Allons-y. »
Près de la gare, il y a toujours un hôtel : l'hôtel de la
Gare.
« Avez-vous une chambre, s'il vous plaît? Pour
deux. »
Et Pierre montre René, se montre lui-même, penche
la tête sur sa main et ferme les yeux.
Le portier" a compris. Il connaît assez de français
pour répondre :
« Chambre?... Pas chambre. Festival. Pas chambre.
— Et alors, où est-ce qu'on trouve des chambres? »
Le portier lève les bras vers la ville et la nuit.
« Il ne faut pas s'en faire. On trouvera », dit René.
Et ils partent dans les rues.
C'est plein. Nous n'avons plus de chambre. Deman-
dez à l'hôtel qui se trouve dans la deuxième rue à
droite. »
Là, on leur dit :
« Impossible, messieurs. Il n'y a plus rien.
Et la promenade dans les rues recommence.
« Mon vieux, je crois qu'on ne trouvera rien.
— Bien sûr, avec le Festival...
— Il y a un peu de lumière ici. On va demander. Il y
a peut-être des habitants qui louent des chambres.
— Tiens, on ne voit plus rien maintenant.
— Je crois qu'il y a une panne d'électricité.
— Ça ne fait rien. Je frappe à la porte. »
La porte s'ouvre assez vite.
1918
« Pardon, monsieur. Nous sommes Français. Nous
venons pour le Festival. Avez-vous une chambre à
louer, s'il vous plaît?
— Entrez, vous ne pouvez pas rester dehors. Atten-
tion! Il y a une panne d'électricité et ma bougie
n'éclaire pas très bien. Suivez-moi. a
Pierre et René arrivent au fond d'une pièce. On
voit, mais très mal, la forme d'un petit lit et celle d'un
fauteuil.
« Installez-vous ici, et bonne nuit! »
Le monsieur allait partir quand il ajouta en montrant
un grand paravent :
« Surtout, ne le changez pas de place! »
Pierre se couche sur le petit lit. René se met sur le
fauteuil.
Bonne nuit.
— Dors bien. »
Mais ils ne peuvent pas dormir.
« Dis, René, qu'est-ce qu'il peut bien y avoir derrière
ce paravent?
— Je n'en sais rien. Allons voir. »
En silence, ils se lèvent et passent la tête sur le
côté.
« Ho! a font-ils ensemble.
Ils voient là, près d'eux, un lit. Un grand lit à
colonnes' tout préparé. René se décide tout de suite :
« Passons de l'autre côté du paravent et couchons-
nous dans ce lit. Nous nous réveillerons très tôt demain
et nous retournerons où nous étions.»
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Bientôt, ils dorment tous deux d'un profond som-
meil. C'est René qui, au matin, est tiré le premier
de son sommeil. Il lui semble entendre des bruits et
surtout des rires. Il ouvre un oeil. Un cri sort de sa
bouche.
20
Des vingtaines de visages rieurs sont devant lui.
Pierre et lui sont dans la vitrine` d'un magasin d'anti-
quités*. Ce jour-là, leur hôte` les invita' à un amical
repas. Il leur trouva une chambre, une vraie.
Et, devenus amis, ils sont allés tous les trois écouter
Mozart...
Élisabeth Clochez
21
r
Joyeux anniversaire
Je ne dors plus, mais je ne suis pas encore réveillée.
Dans mon demi-sommeil, je pense qu'une belle, une
très belle journée m'attend : c'est le jour de mon anni-
versaire*! Tout le monde va penser à moi : « Bon anni-
versaire! Joyeux anniversaire, Élisabeth! » Et l'on va
m'offrir beaucoup de cadeaux*. La vie est belle. J'es-
père que maman a compris ce que je voulais dire,
il y a quatre jours. Nous étions devant la vitrine* d'un
magasin.Il y avait là une robe rouge, mais quelle robe!
« Regarde, maman, cette robe.
— La bleue?
—
Mais non, la rouge, celle qui est au milieu.
— Oui, elle est belle!
—
Elle m'irait bien, j'en suis sûre.
— Tu as vu le prix : 390 francs, c'est cher!
— Pour une fois... »
Nous sommes parties, mais maman a bien compris.
Cette robe serait un cadeau magnifique * pour mon anni-
versaire. Et c'est aujourd'hui...
Et Martine, ma meilleure amie, qu'est-ce qu'elle va
m'offrir? Un disque, un livre, des chocolats?
Vraiment, la vie est belle.
Je descends à la cuisine pour prendre mon petit
déjeuner. Mes frères, Charles et René, sont déjà partis
en classe. Ils ont certainement laissé un mot pour moi.
Mais non, rien... rien sur la table que ces garçons n'ont
même pas essuyée. Ils n'ont pas pensé à moi...
Dans la salle de bains, papa chante. Il chante faux,
comme d'habitude. Heureusement, le bruit de l'eau est
22
aussi fort que sa voix*. Je lui dis bonjour. Il répond :
« Bonjour, Élisabeth. » Lui non plus, ne parle pas de
mon anniversaire. ,4
Je frappe à la porte de la chambre de maman. Elle
me reçoit avec son sourire de tous les jours. Elle me
demande de prendre le boudin* qu'elle a commandé
pour le déjeuner. Du boudin pour mon anniversaire!
Maman sait bien que je n'aime pas beaucoup le bou-
din, que je ne l'aime même pas du tout.
« Dépêche-toi, tu vas être en retard en classe! »
Je sors de la chambre, triste, très triste.
Mes frères oublient mon anniversaire, mon père n'y
pense pas, cela ne m'étonne pas trop. Mais maman! Je
pense à cela en allant au lycée. Là, Martine aura pensé
à moi. La voilà justement qui traverse la cour. Elle
vient vers moi.
« Dis donc, Élisabeth, est-ce que tu as su faire le
problème*? J'ai cherché hier soir pendant deux heures.
Je n'ai rien compris. Je vais encore avoir 2 ou 3. »
Il est l'heure d'entrer en classe. Je laisse vite Martine
pour n'avoir pas à lui répondre. J'ai envie de pleurer.
Mme Terrieu, notre professeur, ouvre son livre de géo-
graphie. Elle commence une nouvelle leçon sur les
montagnes de l'Espagne...
Non, vraiment, la vie est trop triste.
Personne ne pense à moi. Personne ne pense à me
souhaiter mon anniversaire. Je n'ai plus qu'à mourir.
Et je vois mon enterrement*. Maman pleure, papa ne
dit rien. Martine a un mouchoir sur les yeux et l'on dit :
Que c'est triste, mourir le jour de ses seize ans... »
Et tout à coup :
« Élisabeth, eh bien, Elisabeth, vous dormez? »
Je saute sur ma chaise.
Mon Dieu! qu'est-ce que Mme Terrieu vient de me
demander?
23
De quoi parlait-elle déjà? Ah, oui, des montagnes de
l'Espagne.
Je réponds n'importe quoi" sur la Castille que j'ai
vue cet été, en vacances.
Mme Terrieu ne me quitte pas des yeux.
« Nous en sommes à la Sierra Nevada, Élisabeth. Je
vous rappelle que nous sommes le 18 novembre et que
l'interrogation ' écrite de géographie a lieu' dans huit
jours. Il faut faire un peu plus attention. »
Qu'a-t-elle dit? « Nous sommes le 18 novembre... »
Alors, mais alors, c'est seulement demain mon anni-
versaire!
Demain, tout le monde m'aimera, tout le monde
m'embrassera, tout le monde me dira : « Joyeux anni-
versaire!
Quels beaux cadeaux je vais recevoir! La vie est
belle.
Claude Dugers
Boum!
7 h 51. Il pleut sur Paris, il pleut même très fort.
Nicole conduit sa voiture. Elle descend le boulevard
Saint-Michel et arrive sur les quais. A ce moment-là, le
feu vert — les feux sont toujours prêts à vous faire un
mauvais coup!... — le feu vert, donc, change de couleur.
Nicole veut s'arrêter, mais avec la pluie, la rue est
mouillée et sa voiture continue à rouler quelques mètres.
Elle continue même... jusqu'à ce qu'on entende un
grand bruit, quelque chose comme ... BOUM! « Bien sûr,
c'est une femme, crie le chauffeur du taxi que Nicole
vient d'accrocher. Ah! ces femmes sont terribles! »
Nicole a grande envie de sortir pour aller lui répondre,
mais la pluie va mouiller son manteau neuf. Elle pré-
fère ne pas descendre de voiture.
« Oh! Je roulais à 30 à l'heure, pas plus, lui crie-
t-elle par la fenêtre, mais je n'ai pas pu m'arrêter à
cause de la pluie. Et vous, qu'est-ce que vous faites là?
Je suis passée à l'orange. C'est donc vous qui êtes
dans votre tort.
— A l'orange? Il était bien rouge, votre orange, ma
petite dame! »
Nicole va répondre quand... BOUM! ça recommence.
C'est une troisième voiture, une camionnette conduite
par un jeune homme.
« Oh! pardon, dit le garçon... je roulais à 30 à
l'heure, pas plus. Mais je n'ai pas pu m'arrêter à cause
de...
— La pluie, oui, on sait », dit le chauffeur de taxi...
Mais lui non plus ne peut finir sa phrase'. Coup de sif-
flet'', coup de képi" : c'est un agent qui arrive.
2524
OP*,, ,p,
« Allons, roulez, roulez, vous voyez bien que vous
gênez tout le monde! » C'est vrai. Il est 7 h 59; le carre-
four' Saint-Michel offre un spectacle extraordinaire".
Plus personne ne peut avancer à cause des trois voi-
tures arrêtées en plein milieu.
« Mais vous voyez bien que je ne peux pas partir,
monsieur l'agent, crie le chauffeur de taxi, de plus en
plus en colère. La voiture de Mademoiselle me coupe
la route. » Nicole est prête à pleurer.
« Je ne peux pas rouler, explique-t-elle. L'aile avant
frotte sur ma roue. »
8 h. Il pleut de plus en plus. Pour en finir, l'agent et
le chauffeur de taxi essaient de réparer la voiture de
Nicole. Le garçon s'occupe de sa camionnette.
8 h 09. Dans tout le carrefour, les klaxons* se mettent
en marche. Tout autour, les rues sont bouchées sur
plusieurs centaines de mètres.
8 h 20. Dans la moitié de Paris, les autos sont arrê-
tées.
8 h 30. Un peu partout, les gens sortent de leurs voi-
tures et commencent à se battre.
8 h 40. Quelques femmes sont malades, mais il est
impossible de les conduire à l'hôpital puisqu'on ne peut
pas avancer dans les encombrements*.
8 h 50. Le roi du Dzimboumstan, qui attend depuis
une heure dans sa voiture, téléphone à l'Élysée. Il veut
faire appel à l'O. N. U.
8 h 51. « Attention! Attention! déclare*-t-on à la radio.
Il est défendu aux Parisiens de prendre leur voiture. On
ne peut plus rouler dans les rues de la capitale. Atten-
tion! Attention!... »
8 h 55. Les gens partent à pied, laissant leur auto au
milieu de la rue.
9 h. Le Gouvernement décide de se réunir' pour
étudier la question.
9 h 15. Drrrrin... le réveil sonne. Nicole ouvre les
yeux et regarde tout autour d'elle. Elle est dans son lit,
dans sa chambre, chez elle. Ouf! Toute cette histoire
n'était qu'un rêve*. Quelle chance! Nicole se lève,
s'habille, prend son petit déjeuner, met son manteau
neuf, et court jusqu'à sa voiture. Il pleut sur Paris, il
pleut même très fort. Nicole descend le boulevard
Saint-Michel, arrive sur les quais. A ce moment-là, le
feu vert change de couleur. Nicole veut s'arrêter, mais
avec la pluie, la rue est mouillée et sa voiture continue
à rouler sur quelques mètres. Elle continue, continue...
jusqu'à ce qu'on entende un grand bruit, quelque chose
comme... BOUM!
D'après Noël Carré
2726
Joyeux Noël
C'était le 24 décembre...
Comment Mathieu est-il entré à la chorale, lui qui
chante si mal?
Personne ne peut le dire... Poussé par un camarade,
aidé par son air « bon garçon » ou par un moment de
distraction* du directeur?
Depuis près de trois mois, ses voisins l'entendent
chanter faux, lui seul ne s'en rend pas compte. Heureu-
sement, il est si gentil que personne n'a l'idée de se
plaindre ou de demander qu'il s'en aille. Pourquoi lui
faire de la peine?
Mais, c'est bientôt Noël et l'on prépare les chants
pour ce grand jour. Il faut répéter trois fois par semaine.
Le 24 décembre, gagné par la fièvre des jours de fête,
Mathieu a envie de crier sa joie : il chante de tout son
coeur` . Mais, au milieu de l'Adeste fideles, le directeur de
la chorale s'arrête :
« Quelqu'un chantefaux, dit-il. Recommençons. »
D'un même mouvement, toutes les têtes se tournent
vers Mathieu. Alors, le malheureux comprend : tous les
garçons ont regardé ensemble de son côté parce que
c'est lui qui chante faux. Tout triste, il baisse le nez,
devient tout rouge, tousse un peu pour cacher sa gêne.
Le directeur semble ne s'apercevoir de rien mais, lorsqu'il
fait reprendre le chant, Mathieu se tait. Il n'ose plus
chanter... La répétition est finie. Tout contents, les gar-
çons s'en vont. Ils rient et se poussent pour aller plus
vite. Personne ne s'aperçoit que Mathieu est resté là,
seul dans le silence, avec sa peine, et qu'il pleure sur
une chaise. « Je ne suis bon à rien, pense-t-il. Déjà en
classe, je suis toujours dernier; je joue si mal au ballon
que tout le monde se moque de moi et maintenant je ne
peux même plus chanter... »
Mathieu a de la peine, mais il ne manque pas de cou-
rage. Le plus important, c'est que la chorale marche
bien. Il chante faux? Eh bien, il ne chantera plus
jamais.
D'un air décidé, il se lève et frappe à la porte du
bureau du directeur. Il retire sa robe blanche de chan-
teur et la lui tend :
« Tenez! monsieur le directeur, faites-en ce que vous
voulez. Donnez-la à un autre, moi je ne suis bon à rien! »
Le directeur de la chorale pensait justement à
Mathieu : depuis longtemps, il savait que l'enfant
chantait faux. Il n'avait jamais rien voulu lui dire pour
ne pas lui faire de peine. Mais le jour de Noël, devant
tout le monde, c'était vraiment impossible de le laisser
faire des fautes.
« Bon à rien? Il ne faut jamais dire une chose pareille,
répond-il doucement. Tu vas m'aider à préparer la
crèche`, veux-tu? »
Silence.
« Écoute, Mathieu, tu me rendrais service en allant
à l'atelier de M. Duras. Les santons doivent être prêts
et je n'ai vraiment pas le temps d'y aller moi-même.
Va les chercher et nous les arrangerons ensemble, tu
veux?
— Bien sûr. »
Mathieu se dépêche, content de se rendre utile. A
l'atelier, un vieux monsieur le reçoit avec un bon sourire.
Tu viens pour la crèche? Tout est prêt.
Et il ouvre devant Mathieu deux grandes boites où
dorment les santons, entourés de papier blanc.
« Regarde. »
Tout heureux de montrer son travail, M. Duras ouvre
2928
un par un les petits paquets : l'âne, le bœuf, les moutons
sortent de leur enveloppe, puis Marie, Joseph et l'Enfant
Jésus.
« Oh! dit Mathieu.
— Tu ne les aimes pas?
— Moi? si... au contraire. Comment faites-vous? »
M. Duras n'est pas un commerçant comme les autres.
`J'est un artiste, et il aime les enfants.
« Je vais te montrer. »
De ses mains adroites, il prend de la pâte, se met à la
travailler et, sous les yeux étonnés de Mathieu, fait une
étoile, la plus jolie des étoiles de Noël.
« A toi d'essayer maintenant », dit-il, en tendant de
la pâte à son nouvel ami.
A son tour, Mathieu travaille la pâte, le visage éclairé
de joie. De ses doigts sort la forme très réussie d'un
santon.
M. Duras le regarde étonné :
« Comment es-tu arrivé à faire cela sans avoir jamais
appris!
Mais Mathieu doit partir..., il faut qu'il apporte la
crèche là-bas. M. Duras lui fait promettre de revenir
travailler avec lui et l'enfant s'en va, serrant un morceau
de pâte dans le creux de sa main.
Dehors, il neige.
Mathieu frappe à la porte du directeur de la chorale,
entre avec son gros paquet, veut enlever la ficelle. Mais,
à ce moment-là, endormies par le froid, ses mains lâchent
la grande boîte qui tombe par terre. Vite, il déchire les
papiers, sort les santons un par un et trouve, dans le
fond de la boîte, un ange" en mille morceaux.
• Je me rappelle, dit Mathieu, il avait les ailes
ouvertes. C'était le plus joli de tous... Attendez, je vais
essayer. »
Alors, prenant la pâte que M. Duras lui a donnée,
30
comme tout à l'heure à l'atelier, ses doigts se mettent à
travailler tout seuls...
Étonné, le professeur de chant le regarde faire. Il ne
dit rien mais, avec un grand sourire, prend l'ange et le
pose en haut de la crèche.
C'est le 24 décembre... Mathieu a compris qu'il chan-
tait faux, mais cela n'a plus d'importance. Il a trouvé
un autre moyen d'exprimer tout ce qu'il y a dans son
Cœur. _,
31
Surprise de Noël
En allant en classe, ce matin-là, Patrick voit que son
ami Philippe est triste : « Qu'est-ce que tu as, Phil?
— Maman dit que nous ne pouvons pas garder Mous-
tique. Il est trop gros pour rester dans l'appartement.
Chaque fois qu'il bouge", il casse quelque chose. On va
être obligé de le vendre.
— Vendre ton chien? Ce n'est pas possible. Écoute,
j'ai une idée. Chez nous, il y a le jardin. Et puis, Maman
est si seule toute la journée, si triste. Je pourrai lui offrir
Moustique pour Noël, il lui tiendra compagnie*.
A la sortie de l'école, Patrick donne à Phil son ballon,
son couteau à six lames et toutes ses petites voitures. Ce
n'est pas tellement cher pour faire une belle surprise' à
sa mère!
« Tu verras, promet Phil, il est très gentil. La seule
chose, c'est qu'il n'aime pas beaucoup voir des gens en
uniforme'. Une fois, le facteur lui a donné un coup de
pied : il ne l'a jamais oublié. Mais Papa dit qu'il finira
par s'habituer à ne plus mordre les facteurs et les agents
de police... »
Cette histoire d'uniforme est un peu gênante. Patrick
commence à se demander s'il a bien fait. En arri-
vant à la maison, il comprend qu'il s'est tout à fait
trompé.
« Sors ce veau de ma cuisine! crie sa mère.
— Ce n'est pas un veau, c'est un chien. Le père de
Phil dit qu'il est très rare.
— Eh bien, s'il est tellement rare, qu'il le garde! »
Comment lui expliquer que Moustique est son cadeau*
32
de Noël? Vraiment, les grandes personnes sont impos-
sibles, elles ne comprennent rien à rien, pense Patrick.
Heureusement, son père semble vouloir l'aider :
« Va l'installer dans le garage, Patrick, et attache-le.
Demain, nous déciderons ce que nous pouvons faire
de lui. » Patrick obéit* tristement : « Sois gentil, Mous-
tique, s'il te plaît. Peut-être que Maman changera
33
d'avis. » Moustique a compris. Il se couche sans rien
dire et, le matin, on ne l'entend pas.
Plusieurs jours se passent. Patrick n'ose plus parler
de Moustique. Deux fois par jour, il lui apporte à
manger et le promène dans le jardin. Sa mère semble
habituée à l'idée qu'un « veau » vit dans son garage.
Maintenant, c'est même elle qui lui prépare ses repas.
Elle lui achète de la viande chez le boucher.
Elle ne va jamais le voir mais, un matin, en regardant
Patrick le promener, elle lui crie par la fenêtre de la
cuisine :
Pourquoi ne le laisses-tu pas en liberté? C'est mau-
vais pour cette bête d'être toujours attachée.
— Tu veux dire qu'il peut aller où il veut? » demande
Patrick, fou de joie.
Mais ce n'est pas encore ce matin-là que les choses
doivent s'arranger. Au moment où Moustique, tout con-
tent de cette nouvelle liberté, se lance en courant dans
le jardin, Patrick voit le facteur arriver.
« Moustique, Moustique, viens ici! »
Trop tard! Moustique est parti, rapide comme un
éclair. Sa vieille colère s'est réveillée, et le pantalon du
facteur est déjà tout déchiré quand Patrick réussit à
attraper son chien. Tête basse, Patrick part pour la
classe. Demain, c'est Noël : il n'aura pas de cadeau à offrir
à sa mère. Au contraire, il lui a fait de la peine avec cette
mauvaise idée. Et Moustique, que va-t-il devenir? Le
père de Phil n'en veut plus non plus. La vie est trop
difficile, vraiment. Le soir, en rentrant à la maison,
Patrick va tout droit au garage. Il veut être seul pour
dire au revoir à son ami, mais Moustique n'est plus là...
Mon Dieu, est-ce que Maman l'a déjà fait partir?
Patrick court à la maison. Dans la cuisine, sa mère
prépare le dîner. A côté d'elle, un gros chien est assis.
Le petit garçon se frotte les yeux.
34
« Eh bien, Patrick, entre. Moustique ne va pas te
manger.
— Mais...—
Mais quoi? Tout cela est ma faute, après tout.
Moustique a des excuses. Il était attaché depuis huit
jours, il avait envie de jouer. Ce n'est pas étonnant! »
Patrick n'y comprend plus rien, mais ce qui est impor-
tant, c'est le sourire de sa mère, le premier depuis si
longtemps. Il se jette dans ses bras.
« Maman, il faut que je te dise quelque chose. Mous-
tique, je voulais te le donner pour Noel. »
La joue de Maman est un peu mouillée, mais Patrick
sait qu'elle n'est pas malheureuse avec son petit garçon
sur les genoux et sa main droite dans les poils d'un gros
chien qui frotte sa tête contre sa jupe. A son tour, il
sourit en l'entendant dire d'une drôle de voix.:
« Demain, c'est Noël, le facteur ne passe jamais les
jours de fête... »
Aleth Delorme
«
35
Aventures policières
Cadavre* en vacances
Tout a une fin, même les choses les plus agréables.
Mes vacances françaises sont finies : j'ai passé un mois
chez mes amis Girard, mais aujourd'hui, Jacques, le
plus vieux des garçons, me conduit à la gare de Lyon
où je dois prendre mon train pour Rome.
Nous sommes arrivés trop tôt : j'ai toujours peur
de manquer le train...
Jacques m'installe à ma place, en face d'un vieux mon-
sieur qui a l'air très gentil; nous nous disons au revoir
et il descend sur le quai. Alors, je me rappelle quelque
chose. Vite, je me penche par la fenêtre et je lui crie :
« Oh Jacques! surtout, n'oublie pas de t'occuper
du cadavre.
— Non, non, n'aie pas peur. Ce sera fait. »
Il sourit et le voilà parti.
« Voie 13. Train rapide Rome-Express. En direction
de Lyon, Aix-les-Bains, Modane, Turin, Gênes, Flo-
rence, Rome, Naples. Départ 19 h 50. »
Un peu triste, je retourne m'asseoir et je ferme les
yeux pour me rappeler ces belles journées de vacances
en Bretagne, et puis Paris, où j'ai passé les quinze der-
niers jours.
« Mademoiselle, mademoiselle... »
Un très grand agent de police est planté devant
moi, l'ceil sévère`. Qu'est-ce qu'il fait là, celui-là? Le
vieux monsieur me regarde lui aussi, tout étonné.
« Mademoiselle, suivez-moi, s'il vous plaît.
— Qui, moi?
— Oui, vous. Allons, dépêchez-vous!
— Mais c'est impossible, le train part dans un quart
d'heure, à dix-neuf heures cinquante...
— Eh bien, vous prendrez le suivant.
— Oh! Mais... monsieur, non...
— Il n'y a pas de « mais ». Ne discutez pas et venez. »
Il prend ma valise et descend du train. Je n'y com-
prends rien, mais je suis bien obligée de le suivre. Nous
traversons la gare et arrivons devant une porte où
est écrit le mot : « Police ».
Me voici dans un petit bureau en face d'un autre
agent de police, encore plus grand et plus sévère que
le premier. Il me regarde avec attention avant de com-
mencer à parler.
« Asseyez-vous, mademoiselle. Votre nom, s'il vous
plaît?
— Pezzani.
— Nationalité?
— Italienne.
— Profession?
— Je suis étudiante.
— Où habitez-vous d'habitude? Que faisiez-vous à
Paris? Depuis combien de temps y étiez-vous? Avec
quel argent viviez-vous? Où alliez-vous? »
J'ai fait des progrès en français, mais, quand même,
cet homme parle quatre fois trop vite. Et puis, pour-
quoi veut-il savoir tout ça?
« Alors, mademoiselle, j'attends! »
Oui, mais mon train, lui, ne m'attendra pas. A
dix-neuf heures cinquante, il sera parti. Les trains
français sont toujours à l'heure...
Je regarde ma montre. Ça y est; il doit être parti.
Et mes parents qui vont m'attendre à la gare. Les
questions continuent :
« A quoi avez-vous employé votre temps depuis
jeudi matin?
36 37
— Jeudi matin, jeudi matin, je ne sais pas, moi...
je ne ... Ah, oui! je suis allée au Louvre, et, l'après-
midi, au cinéma. Hier, j'ai fait mes bagages et j'ai
dit au revoir à tous mes amis français.
— Connaissez-vous Mme Renaud qui habite, ou
plutôt habitait, 40, rue Saint-Honoré?
—Non, je ne sais pas; mais enfin, pourquoi?...
Enfin, non, je ne connais pas cette dame.
— Naturellement, vous ne la connaissez pas! Vous
mentez... Suivez-moi. Nous allons voir si votre ami
dit la même chose que vous. »
Mon ami, quel ami? Cet homme doit être fou. Bien
sûr, les Girard habitent rue Saint-Honoré, mais elle
est longue, cette rue. En quinze jours, je n'ai pas
eu le temps de connaître tous les habitants du quartier!
Nous entrons dans un autre bureau et je vois...
Jacques, assis sur une chaise devant un autre agent.
Je n'ose rien dire à Jacques. C'est mon agent qui
parle le premier.
« Bien sûr, ils ont raconté les mêmes histoires.
Mais personne n'a vu cette vieille dame depuis jeudi
soir et ces deux-là ont tué quelqu'un!
— Je vous défends de dire une chose pareille.
C'est faux, faux, faux!
— Alors, pouvez-vous m'expliquer pourquoi made-
moiselle vous a dit avant de partir : « N'oublie pas
« de t'occuper du cadavre? » C'est bien ce qu'elle a dit,
n'est-ce pas? Un voyageur sur le quai l'a entendu et
il est venu nous le raconter. »
Jacques et moi, nous nous regardons et nous écla-
tons ` de rire.
« Ah, ah, ah!...
— Ah, c'était donc ça!
— Oh, ce que c'est drôle, cette histoire!
— Ah, ah, ah!... »
38
Les agents ont l'air très en colère. Jacques sort alors
un petit livre jaune de sa poche. Sur la couverture,
on peut lire : « Cadavre en vacances ». C'est un livre
qu'une amie française m'avait prêté. Je n'avais pas
eu le temps de le lui rendre : Jacques devait le faire
pour moi et j'avais peur qu'il n'oublie. Tout s'explique.
Les deux agents sont un peu rouges. Il semble bien
qu'ils se sont trompés...
« Allô! Bon... très bien, oui... d'accord. La prochaine
fois, faites attention à ce que vous dites, hein? Allez,
au revoir. »
C'est mon agent qui a répondu au téléphone. Il est
de plus en plus rouge.
« Tout va bien, la vieille dame est retrouvée. Ma-
demoiselle, monsieur, vous êtes libres. Excusez-nous. »
Nous nous quittons bons amis.
Une deuxième fois, Jacques me conduit à ma place.
Il m'achète des bonbons* et des journaux, me dit
au revoir, descend sur le quai.
« Voie 7. Express 609 Paris-Naples. Fermez les por-
tières. Attention au départ. »
« A bientôt, Jacques, merci... et surtout, n'oublie
pas de t'EN occuper! »
D'après Catherine Dumas
39
Une petite faute
En quittant son bureau, Georges Delage est content :
le moment qu'il a préparé et attendu pendant six
longues années est enfin arrivé.
Dans sa serviette, il emporte 600 000 francs en billets.
Il n'a pas été difficile pour lui de les voler : employé
modèle', toujours à l'heure, aimé de ses directeurs,
Georges Delage était chargé de payer tous les ouvriers
de l'usine à la fin de chaque mois. Aujourd'hui, 30 avril,
les ouvriers ne seront pas payés à l'heure, mais Georges
Delage ne sera jamais puni pour ce vol... Dans quel-
ques minutes, il aura disparu". La police pourra le
chercher, les journaux pourront montrer sa photo à
tout le monde : dans quelques minutes, il n'y aura plus
de Georges Delage!
Sans se dépêcher, l'homme descend l'escalier du
métro'. Il y a beaucoup de monde, personne ne fait
attention à lui. Il entre dans le cabinet de toilette " et
commence à détruire"' le personnage* imaginé"' par
lui, il y a six ans.
Georges Delage était un homme grand et mince,
avec les dents et les doigts jaunes de tabac, des che-
veux blonds, des lunettes, une jambe plus courte que
l' autre.
Tranquillement, l'homme enlève ses faux cheveux
blonds, ses lunettes, ses dents jaunes, le morceau de
caoutchouc mis dans sa chaussure droite (pour grandir
une de ses jambes). Il range tous ces objets * dans un
paquet qu'il mettra tout à l'heure à la poste. Il lave
avec soin* les taches de tabac sur ses doigts, met dans
40
sa bouche vide de belles dents bien blanches. Il retourne
son manteau qui est gris d'un côté et bleu de l'autre,
et sur sa tête nue, il pose un chapeau.
Et voilà! Georges Delage est mort. Un sourire aux
lèvres, Philippe Ledoux se regarde dans la glace au-
dessusdu lavabo. Il se reconnaît à peine! Il y a si long-
temps... Tout va bien. Il prend le métro, descend à
Saint-Lazare. Dans une rue, tout près, il y a un bureau
de poste. Philippe Ledoux envoie son paquet à Phi-
lippe Ledoux, en Normandie, dans le petit village où
il va pouvoir maintenant vivre tranquillement, sans
travailler. Puis, il prend un taxi pour aller au garage
où — deux jours plus tôt — il a loué une voiture, déjà
habillé en Philippe Ledoux.
La jeune fille du garage se rappelle très bien et le
reconnaît tout de suite :
« Bonjour, monsieur Ledoux, je vais demander qu'on
sorte votre voiture. En attendant, si vous le voulez bien,
il y a quelques papiers à signer.
— Mais bien sûr.
— Voilà, c'est pour l'assurance". Nom. Adresse.
Numéro de permis de conduire*. Très bien, il ne
manque plus que votre signature, s'il vous plaît. Là,
en bas... »
M. Ledoux signe, monte dans la voiture.
« Merci beaucoup, mademoiselle, au revoir. »
Trois heures plus tard, sorti de Paris, il chante gaie-
ment en conduisant. Près de lui, sa grosse serviette
remplie de billets; le ciel est bleu, il fait doux, c'est le
printemps, quelle belle journée!
Mais qu'est-ce que c'est? On dirait que cette voiture
noire le suit depuis plusieurs kilomètres. La police?
Non, ce n'est pas possible. Il a tout arrangé, pensé à
chaque petite chose; pourquoi la police le suivrait-elle?
Tout à coup'`, la voiture noire va plus vite, roule
41
Vive le sport!
quelques secondes à côté de lui, passe devant et l'oblige
à s'arrêter. « Vos papiers, s'il vous plaît. Police! »
C'est fini... Tout de suite, M. Ledoux comprend
qu'il a perdu. Les policiers le font monter dans la voi-
ture noire qui fait demi-tour et repart vers Paris. Au
revoir le printemps, au revoir la Normandie! Triste-
ment, il regarde par la vitre : le ciel lui paraît gris main-
tenant. Il a même un peu froid...
Mais que s'est-il passé? Comment l'ont-ils retrouvé?
Quelle faute a-t-il faite? Il cherche, mais ne trouve
pas.
Alors, il se tourne vers l'un des policiers :
« Dites-moi, je voudrais vous poser une question,
une seule. Où et quand ai-je fait la petite faute qui
vous a permis de me retrouver?
— Quand vous avez signé les papiers d'assurance
pour la voiture louée, vous avez signé Georges Delage.
La jeune fille du garage a lu les journaux de l'après-
midi qui parlaient du vol : elle a tout compris. C'est
elle qui nous a téléphoné. »
Philippe Ledoux pleure de colère. Ainsi, ce tout
petit employé qu'il a lui-même créé", lui si intelligent,
ainsi ce petit employé s'est montré plus fort que lui!
Pendant six ans, au bureau, il a signé Georges Delage.
Par la force de l'habitude, il a continué une fois, une
seule fois de trop...
D'après Alex Stuart
Balle de match"'
« Vous cherchez quelqu'un pour une partie?... Moi
aussi. »
Vincent lève la tête, regarde la jeune fille qui lui
sourit, sa raquette à la main. Quelqu'un, enfin, lui parle
dans ce club'. Une fille qui ne doit pas très bien jouer,
c'est sûr!... Mais pourquoi pas?... Ce ne serait pas gentil
de dire non.
Ils entrent; ils commencent. Vincent envoie une
balle molle en plein milieu. Deux pas rapides, et la fille
renvoie une bonne balle, dure, dans un coin.
« Tiens, pas si mal que je croyais », pense Vincent.
Pour la seconde balle, il faut un coup plus difficile;
elle le reçoit aussi facilement.
« Si je joue un peu vite, dans cinq minutes elle sera
perdue », pense Vincent, et il demande :
« On fait un match?
— Si vous voulez...
— Cela ne va pas vous fatiguer?
— Commençons toujours, on verra bien. »
Vingt minutes plus tard, Vincent est mort de fatigue;
la jeune fille, qui a gagné, est fraîche comme une rose.
« Bien joué! reconnaît Vincent. Vous êtes plus forte
que moi.
—Un peu plus d'habitude, c'est tout », dit-elle
gentiment.
Vincent se met à rire :
« Et moi qui vous ai demandé si cela ne vous fati-
guerait pas! Vous avez dû me trouver bien ridicule`.
Dites-moi, pourquoi vouliez-vous faire une partie avec
4342
moi? Vois ne devez pas manquer de partenaires'...
—
Pourquoi? Eh bien, voilà : depuis huit jours, je
vous vois tourner autour des terrains. Oui, je vous vois
de ma fenêtre : j'habite la maison à côté du club. Je
m'appelle Claire Cognet. »
Vincent devient tout rouge. Claire Cognet! Tout le
monde la connaît et sait qu'elle est la meilleure joueuse
du club.
« Est-ce que je peux vous dire tu? demande Claire.
Oui?... merci. Où jouais-tu avant de venir au club?
— Avec des amis.
—
Toujours les mêmes, cela se voit. Tu as de bons
coups, mais tu ne sais pas conduire ta partie.
—
Ce n'est pas ici que j'apprendrai, répond Vincent
d'une voix triste. Personne ne veut jouer avec moi.
—
Parce que personne ne te connaît. Fais les cham-
pionnats "` du club. Si tu passes deux tours, tu seras
connu.
—
Et si je suis battu?
—
Impossible! Si tu veux, je serai ton professeur.
Première leçon, demain, à la même heure, ça te va? »
Et Claire devient le professeur de Vincent : chaque
jour, elle oblige Vincent à répéter les mêmes coups
dix fois, vingt fois, trente fois de suite. Elle lui explique
ses fautes, lui apprend à jouer d'une façon intelli-
gente.
« Le tennis, ça se joue aussi avec sa tête. Regarde
bien ton adversaire et essaie de trouver son point
faible. »
Enfin, trois jours avant les championnats, Claire lui
dit :
« Bon, eh bien, aujourd'hui, on fait une vraie partie,
pour s'amuser. »
Vincent se rend compte alors des progrès qu'il a
faits : Claire gagne encore, mais pas du tout comme le
44
premier jour. Cette fois-ci, elle est obligée de se donner
du mal!
« Bravo! lui dit-elle à la fin. Maintenant, repose-toi
jusqu'à samedi. »
Le grand jour arriva. Les trois premiers joueurs que
Vincent doit rencontrer sont faciles à battre. Et le pre-
mier tour est vite passé; il faut maintenant faire les
demi-finales". Le jour suivant, Vincent doit jouer avec
un certain Forestier.
« Tu verras; c'est un bon joueur », lui dit Claire.
C'est vrai, Forestier est très bien. Meilleur que Vin-
cent, qui perd le premier set"". Au second, ils arrivent
à 5-3, 40-0, balle de match!
C'est la fin... Vincent va perdre. Mais à ce moment-
là, Forestier s'arrête et dit : « J'abandonne""! »
Puis, il explique à Vincent :
« De toute façon, je dois partir en voyage demain.
Je ne pourrai pas faire la finale*, je préfère vous laisser
la place. Bonne chance! »
Vincent n'a pas vraiment gagné, mais enfin, il sera
en finale... Même s'il est battu, tout le monde le verra.
Il sera enfin connu au club. Et puis, pourquoi battu?
On ne sait jamais...
Le jour de la finale, il part vers le club de bonne
heure. Mais... qui est ce garçon, là-bas, de l'autre côté
de la rue? On dirait Forestier! Eh oui, c'est bien lui.
Il avait dit qu'il devait partir en voyage. Pourquoi lui
avoir fait ce cadeau'? « Ce doit être Claire..., pense
Vincent; mais oui, bien sûr, c'est elle qui a tout
arrangé. » Vincent, qui était si joyeux' , devient alors
très triste... Au club, il rencontre la jeune fille.
« Pourquoi Forestier a-t-il abandonné?
— Il te l'a dit, il partait en voyage.
— C'est faux, je viens de le rencontrer.
— Alors, il a changé d'avis, c'est tout.
45
—
C'est toi qui le lui as demandé!
— Qu'est-ce que tu racontes?
—
Oui, tu le lui as demandé. Et tout le monde va le
savoir. Vainqueur ' ou battu, je serai de toute façon
ridicule à cause de toi!
—
Tu es bête, bête et méchant. » Et elle lui tourne
le dos.
« Finale du simple Messieurs, crie l'arbitre " . René
Hémond contre Vincent Duc. »
La partie commence, mais Vincent n'a plus envie
de gagner. Sa raquette tremble" dans sa main. Très
vite, il perd le premier set, puis le second. Changement
de côté : Claire lui tend une serviette pour s'essuyer.
« Laisse-moi tranquille D , dit-il. Il va à sa place
et le jeu recommence.
Faute!« C'est bientôt fini », pense Vincent, et alors il
rencontre le regard de Claire, un regard tout mouillé,
et il comprend. Il se rend compte de tout ce qu'elle a
fait pour lui, de tout le mal qu'elle s'est donné pour
qu'il devienne un grand joueur. Pauvre Claire, elle a été
si gentille... Vincent décide donc de se battre, et il
attaque"!
Tout étonné, Hémond voit en face de lui un nouveau
joueur, rapide, adroit, intelligent, qui gagne le troi-
sième set. Au quatrième set, ils arrivent à 4 partout,
puis 5 partout, 6-5, 6 partout. A 7-6, Vincent sauve
deux balles de match, une autre à 8-7. Il y a deux
heures que le match est commencé. 10-9 pour Hémond.
Ça y est, cette fois, c'est la balle de match. C'est fini,
Vincent a perdu. Il quitte le terrain, il ne voit plus rien
tellement il est fatigué! Claire s'avance vers lui.
« Tu as perdu, mais tu t'es battu, c'est ça l'impor-
tant. La prochaine fois... »
Alors Vincent se met à rire : « Eh, laisse-moi res-
pirer. Si tu veux bien, on attendra demain pour
reprendre l'entraînement""!
Paul Cogan
47
avoir une voiture à soi, c'est
raconter tout cela à Paul.
« Paul, Paul, on a gagné, on
— C'est vrai, tu as réussi?
— Mais oui, je te dis.
— Mais ton père sait ce que
— Oui, oui, il est d'accord.
— Et ta mère?
— Je ne lui en ai pas encore
peut-être plus difficile... »
Après avoir discuté deux
Jacques emporte la victoire* :
« Bon, je veux bien... si
différent... Vite, il faut
les a!
nous voulons faire?
parlé. Avec elle, ce sera
Le rallye
La scène se passe dans une salle de ventes.
« Et... pour finir, trois 4 CV : elles sont usées, mais
un bon bricoleur * peut s'en servir pour fabriquer "' une
voiture qui marchera. Mise à prix : 500 francs.
-- Achète-les, papa.
— Mais pour quoi faire?
—
Pour faire des rallyes" avec Paul.
—
Mais tu es fou? Il faudrait des semaines de
travail pour faire une auto entière" avec ces vieux
morceaux.
—
Mais je m'occuperai des réparations.
—
Toi, laisser le cinéma pour rester à l'atelier? Je
voudrais bien voir ça!
Eh bien, tu le verras si tu les achètes.
—
Je répète" : 500 francs, c'est une affaire! Alors,
qui les prend?
— Papa, s'il te plaît!
—
Mais, tu n'as pas l'âge de faire des rallyes.
—
C'est Paul qui conduira.
—
Bon, d'accord. Essayons. 500 francs : je prends!
—
500 francs, qui dit mieux? 500 francs pour ce
monsieur devant moi. Rien à droite..., rien à gauche;
c'est bien vu? Une fois, deux fois, trois fois : adjugé"!
Toc! Le petit marteau d'ivoire " est tombé. Les voi-
tures sont vendues.
Jacques est fou de bonheur " . Depuis deux ans, il
travaille dans le garage de son père, à l'atelier. Ce
n'est pas toujours très amusant, mais travailler pour
48
heures
vous réussissez à me
avec sa mère,
faire tourner une de ces voitures, ... et si ton père
me promet qu'elle n'est pas dangereuse, et, et aussi,
si tous les deux vous faites très attention, alors, je vous
permets d'essayer.
— Merci, maman! »
Tous les soirs, quand le travail pour les clients est
fini, les deux garçons travaillent à leur oeuvre; ils
nettoient, réparent, essayent, recommencent. On ne
peut plus les arrêter...
« Jacques, viens dîner : il est huit heures.
— Je n'ai pas fini.
—
Mais tu ne peux pas rester toute la nuit sans man-
ger. Allons, viens.
— Encore une minute.
—
Comme cet enfant a changé! » dit encore son
père.
Trois semaines passent et puis, le chef-d'oeuvre` est
prêt. La voiture ne ressemble plus du tout à une 4 CV.
Rouge et blanche, elle brille', prête à « manger » les
kilomètres de toute la force de son nouveau moteur.
« Allons l'essayer avec papa. Il nous dira ce qu'il
en pense. »
La petite voiture se lance, gagne de la vitesse, monte
les côtes, prend les tournants en épingle à cheveux,
passe comme un éclair dans les lignes droites.
« Ouf! tout va bien.
— Quel est le prochain rallye?
—
Le rallye des Sept-Monts; ce n'est pas le plus
facile...
—
Ah, ce n'est pas le moment de reculer, Paul:
nous avons une voiture, il y a un rallye, nous devons
le gagner! »
Le soir du rallye, il neige.
Soyez très prudents".
—
Arrêtez-vous même, si c'est nécessaire.
50
— Mais oui, mais oui. »
Et les voilà partis...
Dans la nuit, la première partie n'est pas trop mau-
vaise. Paul arrive à garder une bonne vitesse. A côté
de lui, Jacques le prévient :
« Ici, il y a un tournant difficile. Attention! un mau-
vais creux à cet endroit-là. Là, c'est tout droit, tu peux
y aller. Ah! nous avons fait la moitié du premier tour,
courage, mon vieux!
— Oui, mais maintenant, il fait beaucoup plus
froid... Il y a de la glace sur la route... Je ne peux plus
aller aussi vite. »
Ils finissent le premier tour avec un quart d'heure
de retard.
« Oh! Nous n'avons plus qu'à arrêter.
— Non, ne faites pas ça, dit le directeur de la course.
Les autres n'ont pas fait mieux, vous n'êtes pas si mal
placés.
— Allez, hop! On repart. »
Mais la neige tombe de plus en plus serrée.
« On n'y voit pas à vingt mètres, quel sale temps!
— Oh! regarde à droite, ça brûle!
— Quoi? Nous brûlons?
— Non, pas nous, là-bas, dans le fossé, c'est une
autre voiture. Arrête-toi.
— Et notre place?
— C'est moins important, arrête! »
Les deux garçons courent, il était temps! Deux corps
sont couchés dans la neige. Jacques et Paul les tirent
loin de la voiture en feu juste avant que l'essence se
mette à brûler avec un grand bruit.
« Aide-moi, installons les blessés à l'arrière.
— On va les conduire à l'hôpital. »
« Alors, docteur?
51
Partons en vacances
52
—
Leurs blessures sont légères. Dans quelques
jours, ils seront debout.
— Merci, docteur, bonsoir! »
« Bon, eh bien! on rentre à la maison, maintenant?
—
Passons d'abord voir les résultats. C'est amusant
de savoir qui a gagné. »
« Vite, donnez-moi vite votre feuille, dit le direc-
teur de la course. Vous êtes les seuls, toutes les autres
équipes* ont dû s'arrêter en route. Avec ce temps, ce
n'est pas étonnant.
—
Mais ce n'est pas possible : nous nous sommes
arrêtés une heure à l'hôpital.
—
Ça ne fait rien : vous êtes passés à tous les
postes* faire signer votre feuille de route, ici vous êtes
les premiers, donc vous avez gagné.
— Eh bien, ça alors!
—
On a gagné, on a gagné! tu te rends compte?
—
Oui, mais il nous reste le plus difficile à faire...
— Quoi donc?
—
Faire croire à ta mère que nous avons été très
prudents!
D'après Philippe About
Cléo
Le soleil d'avril chauffe doucement les rives* de la
Seine. Les arbres n'ont pas encore beaucoup de feuilles,
pourtant, déjà, cela sent le printemps. Des voitures
pressées circulent* sur les ponts, mais, sur les quais,
les gens se promènent à pas lents, heureux de cette
première belle journée de la saison.
Quai de la Mégisserie, Jérôme et Sophie ne se
fatiguent pas d'admirer* les magasins de fleurs et d'ani-
maux, nombreux dans ce quartier. Il y a des oiseaux
dans leurs cages*, des poissons rouges, des souris"
blanches, tant de choses encore. Sophie court d'une
cage à l'autre.
« Oh! regarde, dit-elle en riant : quel joli petit
singe*!
— Oh! tu le trouves beau?
— Mais oui, pas toi? Il a l'air si intelligent. Tu crois
que je peux le caresser*?
— Ah! si j'étais toi, je n'essaierais pas », répond
Jérôme.
Mais déjà Sophie a fait une nouvelle connaissance.
Elle se donne beaucoup de mal pour essayer de faire
parler un magnifique* perroquet" bleu et jaune.
« Coco, allons, Coco. Oh! répète, voyons. »
Mais Coco regarde Sophie de son oeil rond, sans
ouvrir le bec.
« Ah! tu ne sais pas t'y prendre, dit Jérôme. Laisse-
moi faire.
— Allons, Coco, Coco, ne fait pas la mauvaise tête,
Co... Coco... »
53
55
Jérôme 'ne réussit pas mieux que Sophie qui se met à
rire et se moque de lui. Cela ne fait rien... Il est telle-
ment heureux de la voir gaie!« Allez, viens, nous allons visiter* le quartier des
chiens.
— Comme ils sont jolis! Un, deux, trois, quatre,
cinq, six! Six frères et sœurs. Quelle famille!
— Ah! ceux-là, tu peux les caresser.
— Tu n'as pas un sucre dans ta poche?
— Mais ils sont bien trop jeunes, voyons! A leur âge,
ils ne boivent que du lait.
— C'est vrai, tu as raison.
— Oh! celui-là, tout seul dans sa cage. »
Une boule de poils très doux, de longues oreilles,
de grands yeux un peu tristes, un petit cocker habite
la cage voisine.
« Oh! Oh! Comme je l'aime, soupire'' Sophie. Je
voudrais tellement le prendre dans mes bras. »
Le marchand a entendu; il s'avance, les clefs à la
main.
« Tenez, mademoiselle. Si cela vous fait plaisir...
— Oh! Merci! Oh! Comme il est mignon"!
— Combien coûte-t-il? souffle* Jérôme dans l'oreille
du marchand.
— Trois cents francs, monsieur.
— Oh! trois cents francs... », répète Jérôme d'une
voix désolée'.
Ce soir-là, Jérôme a du mal à s'endormir. Dans
sa tête, revient toujours la même image : sur l'épaule
de Sophie, un petit chien heureux parce qu'il a enfin
trouvé quelqu'un pour l'aimer...
Le lendemain' matin, Sophie lui téléphone :
« Allô, tu sais, j'ai rêvé* toute la nuit de Cléo.
— Cléo?
— Mais oui, tu sais bien, le petit chien d'hier...
54
C'est le nom que je lui ai donné. Tu aimes?
— Beaucoup, cela lui va très bien. Mais, écoute,
Sophie...
— Oh! non, je t'en prie, ne me dis pas comme les
parents que je passe mon temps à rêver... Mais qu'est-
ce que tu veux, je sais que je n'aurai jamais assez d'ar-
gent pour l'avoir vraiment. Alors... »
Mais Jérôme ne l'écoutait plus. C'était décidé : il
achèterait Cléo pour Sophie. Heureusement, ce sont
les vacances de Pâques.
« Oh! 'enfin quoi, j'ai seize ans, non? A mon âge,
un garçon peut bien se débrouiller pour gagner trois
cents francs. »
Après avoir lu toutes les petites annonces* du jour-
nal. Jérôme croit avoir trouvé ce qu'il lui faut.
« Vous cherchez quelqu'un pour remplacer votre
employé qui est malade, monsieur?
— Oui, mon p'tit gars'. Mais, tu as déjà travaillé?
— Non, monsieur, mais j'apprends très vite, vous
savez.
— Hum! Tu sais qu'on n'est pas là pour rire. C'est
fatigant de porter des paquets, de faire les courses, de
charger le camion.
— Ça ne fait rien, monsieur. Je suis solide.
— Bon, d'accord. On va essayer. Vingt francs par
jour si tu fais bien ton travail.
— Oh! merci, merci, monsieur. »
Il avait raison de le prévenir*, le patron... Jérôme
n'aurait jamais cru que c'était si fatigant de travailler.
Cent fois, il a envie d'arrêter. Tant' pis pour Cléo!
Dans quelque temps, Sophie n'y pensera plus. Mais non!
A l'idée de voir les yeux de sa meilleure amie briller*
de bonheur, Jérôme reprend courage. Et puis le soir,
en rentrant chez lui, il passe par les quais et va faire
une petite visite* à Cléo.
« Attends encore un peu, Cléo, dans quelques jours,
je te sors de là... Tu verras, j'ai des projets* pour toi! »
Comme pour le remercier*, le petit chien lui passe la
langue sur la main. Ils sont amis maintenant.
Les jours passent... et puis un matin...
« Et voilà tes trois cents francs, mon garçon. Tu les
as bien mérités! Mon employé est rentré, demain ce
n'est pas la peine de venir! a Jérôme crie merci, mais
déjà il est dans la rue. Il ne court pas, il vole!
« Bonjour, bonjour, monsieur. Je viens chercher...
Cléo. J'ai les trois cents francs!
— Cléo? dit le marchand qui n'y comprend rien.
— Ah! pardon, c'est... Bien sûr, vous ne savez pas :
le petit cocker, vous savez, celui qui était tout seul
dans une cage; où est-il? Vite, je le prends...
— Le petit cocker? Je suis désolé, monsieur, nous
venons de le vendre à un client...
— Oh! »
Le soleil d'avril chauffe doucement les rives de la
Seine... Sur les quais, un jeune garçon marche lente-
ment.
Demain, les vacances sont finies...
D'après François Pradeau
56 57
Le déjeuner sur l'herbe
« Catherine! Catherine! Viens vite, j'ai quelque
chose à te dire.
— Que se passe-t-il? Tu en fais une tête!
— Tu ne sais pas ce qui arrive? les parents ont
invité* des amis à déjeuner pour jeudi.
— Et alors?
— Et alors, tu _ sais bien que, jeudi, tous nos amis
devaient venir, et si les parents ont des invités, on ne
sera pas tranquilles! Il va falloir reculer notre déjeuner
à nous. »
Ma cousine Isabelle a l'air très malheureux... Heu-
reusement Hubert, mon frère, et Jacques, mon cousin,
entrent à ce moment-là :
« Qu'est-ce que vous avez, les filles?
Nous leur expliquons.
« Eh bien, faisons un pique-nique*, dit Hubert. Ce
sera très amusant.
— Quelle bonne idée! Ce qu'il est débrouillard",
ce garçon...
— Merci, dit Hubert. Mais attention, il va falloir
penser à tout.
« Vous, les filles, vous vous occuperez du menu*.
Quand vous l'aurez décidé, nous vous aiderons à pré-
parer tout ce qu'il faut, et nous nous chargerons des
boissons`.
— D'accord.
— Mais surtout, dit Jacques, essayez de trouver autre
chose que les gros sandwiches''. Ce n'est pas bon et ça
donne trop soif!
58
— Oh, là là! ce qu'il est difficile, celui-là... Tu ne
penses tout de même pas qu'on va t'offrir des huîtres''
et du foie gras*.
— Non, mais Jacques a raison; notre pique-nique
doit être un succès*. Que pensez-vous de poulet froid?
— Bravo!
— Avec une bonne salade*.
— Une salade? Tu es folle, comment veux-tu qu'on
l'emporte?
— Mais si, c'est facile. On la lave et on la coupe,
puis on la met dans une boîte, et, dans une bouteille,
l'huile et le vinaigre*. Au dernier moment on fait le
mélange.
— Bon, et pour commencer?
— Des veufs durs, c'est commode.
— Et des melons`!
— Très bien. Et après le poulet, du fromage et des
fruits. Ça vous va, les garçons?
— Ça ira. Maintenant, il faut décider de l'endroit...
— Près de la rivière, bien sûr. D'abord, parce qu'on
pourra se baigner avant le déjeuner, ensuite parce qu'on
y mettra les bouteilles au frais.
— Et s'il fait mauvais? dit Jacques.
— Oh, toi, si on t'écoutait, on ne ferait jamais rien... »
Jeudi matin. Isabelle coupe les poulets pendant que
je prépare la salade. Les garçons tournent autour de
nous en faisant beaucoup de bruit.
« Tu as pensé au tire-bouchon*?
— Oui, il est dans le panier.
— Et les verres?
— Nous avons deux douzaines de verres en papier
et deux douzaines d'assiettes.
— Combien Papa t'a-t-il donné de bouteilles de vin?
—Quatre, mais il y a aussi de la bière et des jus'
de fruits.
59
((Oh! j'ai oublié le beurre, dit Isabelle. Hubert, sois
gentil, va vite à la maison le chercher... »
Hubert part en bicyclette.
Quand il revient, il est tout rouge, mais il rapporte
le beurre, des serviettes en papier que Maman lui a
données à la dernière minute et une radio.
« Comme ça, on pourra danser », dit-il, très content
de son idée.
Les nuages ont disparu'', nos invités sont arrivés,
le poulet est très applaudi... Tout le monde semble
heureux... sauf' Jacques :
« Oh! ces sales mouches! Pourquoi tombent-elles
toujours dans « mon » verre?
« Aïe! une guêpe m'a piqué!
« Et le café? Bien sûr, vous n'avez pas pensé au
café... Oh! les filles! a
Je vais vous dire... à mon avis, Jacques n'aime pas
les pique-nique!...
v
Aleth Delorme
— Bon. Isabelle, n'oublie pas de prendre 'du sel pour
les oeufs durs.
— Est-ce qu'il y aura assez de pain?
— Mais oui, mais oui. Allez, tout est prêt, on s'en
va. »
Près de la rivière, nous sommes les premiers. Nous
avons le temps de mettre les provisions à l'ombre et les
bouteilles dans l'eau avant l'arrivée de nos invités.
Jacques regarde le ciel.
« Ça y est, il y a des nuages.
— Tais-toi donc! Tu vas nous porter malheur. Tu
ferais mieux de nous aider à mettre la table. »
Sur une nappe" à carreaux", nous installons les
assiettes, les verres, les fourchettes et les couteaux.
60	 61
Départ en vacances
Commeje te l'ai promis, je t'écris pour te donner des
nouvelles'. Et quelles nouvelles! Imagine*-toi que je
suis toujours à Paris. Il fait un temps extraordinaire*,
un temps à être sur la plage'. Seulement, voilà! nous
n'y sommes pas. Mais il faut que je te raconte tout
depuis le commencement.
Donc, nous devions partir hier samedi.
« Les enfants, départ à 6 heures demain matin, dit
Papa vendredi, au petit déjeuner. Nous aurons moins de
monde sur la route. (Tête de Maman qui n'aimé pas se
lever tôt!)
— 6 heures du matin? Pourquoi si tôt?
— Mais il fait jour en été à 6 heures, ma chérie,
répond Papa d'une voix* douce.
— Nous nous coucherons tôt.
— Bon, très bien, nous allons faire les valises tout de
suite. François, va les chercher au grenier, s'il te plaît.
— Mais l'ascenseur` ne marche pas!
— Eh bien, monte à pied... Toi, Alice, apporte-moi
tes affaires d'été et celles de tes frères. »
Au bout de cinq minutes, François descend en traî-
nant' les pieds.
« Il n'y a pas de valises au grenier.
— Comment cela, pas de valises au grenier?
— Non, aucune.
— Alice, les hommes ne savent pas chercher. Va voir,
toi, sois gentille. »
Je ne sais pas si c'est la même chose dans ta famille,
mais comme les hommes ne sont « bons à rien », mes
frères s'arrangent toujours pour ne rien faire pendant
que je fais tout à leur place. Mais, là, François n'avait
pas tort, je dois dire : il n'y avait vraiment aucune
valise au grenier.
« Mon Dieu! crie Maman en se frappant le front
avec la main, elles étaient abîmées*, je les ai données à
réparer. Il faut vite aller les chercher au magasin. Fran-
çois, cours-y. Tiens, voilà de l'argent. Reviens vite.
— Où est-ce que c'est?
— Rue La Fayette.
— Mais c'est très loin! Il y en a combien?
— Quatre.
— Et comment je vais faire pour les rapporter?
— Prends le métro* pour aller et tu reviendras en
taxi.
— Bon, j'y vais. Mais vous m'attendrez pour déjeu-
ner, hein?
— N'aie pas peur. »
Celui-là, il ne pense qu'à manger. Maman dit que
c'est de son âge, mais quand même... A ce point là,
c'est extraordinaire*!
Une heure plus tard, il revient toujours sans valises.
« Le magasin est fermé.
— Comment cela, fermé?
— Ben oui, fermé, quoi! pour les vacances, depuis
hier soir. Il n'ouvre que le premier septembre. C'est
écrit sur la porte. »
Alors, là, Maman s'est assise. Elle était toute blanche.
« Quand je pense qu'on a oublié d'aller les chercher! s
« On s était une façon de parler... Pauvre Maman,
qui a tellement de choses à penser et qui, d'habitude,
n'oublie jamais rien.
A ce moment-là, on a sonné à la porte d'entrée. Une
grosse dame était là, quatre valises à côté d'elle.
« Pardon de vous déranger, madame Dupuy. Je me
62
	
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64
permets • de vous rendre vos valises parce que, vous
comprenez, nous allons faire des travaux dans le maga-
sin. Alors, ça prend de la place, tout cela, et comme
elles étaient prêtes, j'ai pensé... »
J'ai bien cru que Maman allait l'embrasser!
La matinée s'est continuée dans une course aux robes
d'été et aux costumes" de bain. Claude, mon grand
frère, prudent'', avait préféré disparaître` de la mai-
son :
« Vous n'avez pas besoin de moi. Alice, tu verras,
tout ce que je veux emporter est rangé tout en haut de
mon armoire. Tu me feras ma valise, dis? Je te promets
que je t'apprendrai à conduire pendant les vacances. »
Ouais! je les connais, les promesses de Claude... Et
en haut de son armoire, il n'y avait qu'un anorak*, des
bonnets* et des chaussettes de laine, des chaussures de
ski, etc. Qu'il est distrait, celui-là!
Enfin, on a quand même réussi à les remplir, ces
valises. Quand Papa est rentré, il a décidé qu'on allait
charger les bagages* dans la voiture : « Comme ça,
demain matin, tout sera prêt. Nous ne perdrons pas de
temps. »
Ah! ma pauvre Armelle, si tu avais vu la scène'!
Une fois les valises toutes rangées dans la voiture, il
n'y avait plus que les deux places de devant pour
s'asseoir.
« Et nous? Où est-ce qu'on va se mettre? pleurait
François.
— Toi, tu courras derrière, c'est tout simple! »
répondait Claude, enfin rentré. Dès' qu'ils sont en-
semble, ces deux-là, ils se disputent"".
« Mais qu'est-ce que vous emportez donc? deman-
dait Papa qui perd vite patience'. Tout cela pour vous
promener sans rien sur le dos tout l'été! C'est bien la
pe ine...
QUESTIONS
— Mais, Papa...
— Il n'y a pas de « Mais, Papa » : vous voyez bien
que c'est impossible de tout emporter. »
Il a fallu recommencer toutes les valises. J'ai cru
devenir folle.
A minuit, nous étions encore dans le garage à char-
ger la voiture. Tout le monde a mal dormi de peur de
ne pas se réveiller. Personne n'entend jamais sonner le
réveil dans cette famille. Enfin, à 6 heures nous étions
prêts, assis dans la voiture. Il faisait beau. C'était le
premier jour des vacances. Ouf!
Eh bien, tu me croiras si tu veux, à dix kilomètres
de Paris, la voiture s'est arrêtée et n'a plus jamais
voulu repartir.
« Il me faut bien 24 heures pour la réparer, Mon-
sieur », a dit le garagiste.
Et voilà, chère Armelle, pourquoi je t'écris de ma
chambre en regardant le soleil briller sur Paris. Maman
dit que nous irons au cinéma cet après-midi pour nous
changer les idées. Je pense que le cinéma sera fermé ou
que je me casserai la jambe dans l'escalier en y allant.
Qu'est-ce qué tu veux, il y a des jours où tout va mal...
Je t'embrasse quand même et j'espère que tu passes
de bonnes vacances, toi!
Alice
Aleth Delorme
66
Victoire d'équipe
— Quand Jean et Hervé décident-ils de faire des progrès
chacun de leur côté?
— Quelle est la victoire qui, à votre avis, vous parait la
plus difficile à remporter, celle de Jean ou celle d'Hervé?
Deux vies pour la science
— Pourquoi Marie est-elle venue continuer ses études à
Paris?
— Montrez en quoi l'identification de la première substance
radioactive est pour Pierre et Marie une récompense.
— Quelles difficultés Pierre et Marie rencontrent-ils pour
parvenir à leur but?
Le Gourdi
— Est-ce la peur qui empêche le Gourdi de nager avec
ses amis jusqu'au n Groun » ?
— Pourquoi le lendemain Hervé arrive-t-il souriant, la
tête haute?
Le paravent
— Pourquoi les deux garçons n'auraient-ils pas dû changer
de place et aller s'installer derrière le paravent?
— Qu'est-ce qui les oblige à demander l'hospitalité à un
particulier?
Joyeux anniversaire
— Pourquoi la vie paraît-elle belle à Élisabeth quand elle
pense à son anniversaire?
— Quelles déceptions Élisabeth a-t-elle pendant la journée?
— Comment Elisabeth comprend-elle son erreur?
67
Boum
—
A partir de quel moment comprend-on qu'il s'agit d'un
rêve? pourquoi?
— La fin et le début de ce récit ne se ressemblent-ils pas?
— Quelle différence y a-t-il pourtant?
C'était le 24 décembre
—
Qu'est-ce qui fait croire à Mathieu qu'il n'est « bon à
rien » ?
—
Comment le directeur de la chorale s'y prend-il pour
montrer à Mathieu qu'il n'est pas bon à rien?
Surprise de Noël
—
Patrick a-t-il eu une bonne idée de vouloir offrir Mous-
tique à sa maman comme cadeau de Noël? Pourquoi?
Cadavre en vacances
— Pourquoi le policier demande-t-il à la demoiselle de le
suivre?
— Qu'est-ce qui fait croire à la police que les jeunes gens
ont tué quelqu'un?
—
L'emploi d'un mot à la place d'un autre peut avoir par-
fois des conséquences désagréables; montrez que les jeunes
gens l'ont bien compris.
Une petite faute
—
Quelle différence y a-t-il entre Georges Delage et
Philippe Ledoux?
—
Quelle faute permet à la police d'identifier le voleur?
Balle de match
—
Pourquoi Claire Cognet, la meilleure joueuse de tennis du
club, se donne-t-elle beaucoup de mal pour que Vincent
devienne un bon joueur?
—
Comment l'encourage-t-elle?
—
Le jour de la finale, Vincent ne se montre-t-il pas
ingrat, injuste?
—
Quelles sont les raisons de son attitude?

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