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I I MAX NACHMANSOHN LIBIDO CHEZ FREUD et rEROS CHEZ PLATON UNE COMPARAISON Cet article est paru dans I'Internationale Zeitschrift fur arztliche Psychoanalyse - III - 1915. Freud y fait reference dans sa preface a la quatrieme edition des Trois Essais sur la .Theorie de la Sexualite en 1920, ainsi qu'au chapitre Suggestion et libido de la Psychologie des foules et analyse du MoL en 1921. ' La documentation psychanalytique MAX NACHMANSOHN LA LIBIDO H Z FREUD et I'EROS CHEZ PLATON UNE COMPARAISON Cet article est paru dans I'Internationale Zeitschrift fur arztliche Psychoanalyse - III - 1915. Freud y fait reference dans sa preface a la quatrieme edition des Trois Essais sur la .Theorie de la Sexualite en 1920, ainsi qu'au chapitre Suggestion et libido de la Psychologie des foules et analyse du MoL en 1921. La documentation psycnanalytique 1 Les r~sultats de la psychanalyse exig~rent de son fon- dateur une extension importante de la notion de libido. Freud s'est vu forc~ d'entendre par libido tout ce que l'on en tend en allemand par desir amoureux dans Ie sens Ie plus large et par activite sexuelle dans un sens plus restreint. Essayons d I elucider ce qui a pousse Freud ~ elargir aussi ampiement cette notion (Freud est en effet un savant qui ne redo ute aucunement d'utiliser de vieilles notions dans un sens qui s'ecarte du sens communement admis; encore Ie fai t-il seulement quand des raisons de poids l'y obligent). Avec un etonnement croissant, il a reconnu que deja chez l'enfant tout bonnement normal existe une vie fortement erotique, et qu I un conte est tenu pr~t par les adultes chaque fois que lion contester a a cet en- fant une vie erotique propre (d'ailleurs, d'apres mon experience, cela se produit davantage parmi ceux qui ont fait des etudes universitaires que parmi ceux qui n I en ont pas fai t). De nos jours encore, les opinions des Rsychanalystes ne concordent pas, ne serait-ce que sur Ie debut d'une vie erotique. Freud voit deja dans l' enfant qui sut;ote au qui prend Ie sein avec ravis- sement(l) une activite sexuelle dont il resulte une jouissance(2) . Mals on ne peut pas entierement refuter Ie fait que Jung n'y voie qu'un plaisir de la nutrition (3). Nous ne pouvons pas questionner Ie nourrisson, et 1 2 3 Nous traduisons ludeln par Wonnesaugen par enfant ravissement (N.d.T.) Lustergebnis (N.d.T.) enfant qui sU90te et qui prend Ie sein avec Jung - Essai d'une presentation chanalytique, 1912. de la theorie psy- 2 Ie fait de tirer des deductions a partir de manifes- tations pathologiques plus tardives peut, souvent et dans la pratique, etre de la plus grande importance, mais quand il s'agit dlun eapace psychique dont to~tes les dimensions ne nous seront jamais totalement con- nues, il ne peut avoir valeur de preuve theorique irre-· futable. La recusation de l' hypothese freudienne par Jung est tout de meme curieuse! ee dernier admet certes qu i : "il apparalt chez l'enfant grandissant des habitudes dites mauvaiaes, qui se rattachent etroitement au sU90tement infantile primaire, comme celles de met- tre les doigts dans la bouche, ranger les ongles, explorer Ie nez, les oreil1es etcoo.". II a lui-mema observe que CBS manipulations (qui pro- curent aux enfants un p1aisir singulier, n'ayant pas la moindre ana10gie avec la satisfaction de la faim) me- nent souvent a la masturbation qui, bien qui elle se presente plus tard dans l' enfance, dans Ie temps qui precede la maturite, n'est rien d'autre : "qu' une continuation des habi tudes in- fantiles"(4). II admet egalement qu' une ligne semble mener d' une activite sexuelle evidente au sU90tement du nourrisson, 4 Souligne par nous. 3 abstraction faite de l'impression subjective que l'a8- pect de l' enfant 1a1sse a I' observateur. II ne veut pourtant pas attribuer au ravissement de l'enfant au sein un caract~re ~rotique. Pour quai? Paree qu'il esti- me demontre que chez Ie nourrisson, les fonctions se- xuelles ne se manifestent pas: "pas m~me aous forme d'indice" (5). Mais ce n I est toutefois que sur une affirmation que Jung suppose prouv~e sans trace d'aucun fondement, donc sur une petititon de principe tout a fait ~vidente, et cela aurait dO donner a penseI' a un analyste qui connaitrait quelque chose de la projection - que Jung fait donc des reproches a Freud sur ce point particu- lieI'. Jung admet lui-meme que la sexuali te commence a se mani fester entre 3 et 5 ans; pourquoi ne devrai t- elle pas Ie faire des la premiere annee, surtout si l' on considere que meme pour Jung, bien des activites sexuelles precoces trouveraient la une explication claire et pertinente. Chez Ie nourrisson no us ne con- naitrions que la fonction de les faits prouvent que c' est nourriture qui est Ie premier non pas la fonction sexuelle! 1 a nut I' i ti 0 n ! Al 0 I' s que l' acte de prendre de la porteur de plaisir, et Quels faits? On aurait aussi pu dire la meme chose de l'enfant jusqu'a l'epo- que de la puberte - et d'ailleurs on l'a dit - ; pour- quai Jung reconnait-il alors une sexuali te aI' enfant de 3 ans, rna is pas au nourrisson, bien qui il insiste 5 Souligne par nous precisement d'admettre hypotheses 4 sur des faits qui rendent une sexualite du nourrisson? sont stab lies pour expliquer necessaire Theories et les faits; ainsi en est-il de la theorie freudienne, qui n' est aucunement en contradiction avec d'autres faits de quelqu'ordre qu'ils soient. Personnellement, je ne peux pas me fermer aux arguments freudiens : de preuve absolue, aucune theorie n'en apporte. Une autre raison qui a determine l'extension de la notion de libido fut independamment des deductions tirees des psychana- lyses d' adul tes - l' observation de mouvements sexuels preciS d~s la 3ame annee, mouvements auxquels on pou- vait deja attribuer une expression verbale. la, Freud reconnaissait que l'erotisme chez l'enfant n'a pas encore de frayages etablis; au contraire, il peut etre mis en eveil par la plupart des parties du corps et se manifester sous les modes les plus divers. Les zones buccale et anale etant celles qui sont Ie plus stimu- lees chez Ie nourrisson, ces regions sont de ce fait particulierement feceptives a l'excitation erotique. Quoique presque toute la surface du corps y so it apte, certaines regions sent privilegiees par suite d'"exer- eice" plus grand. Ce sont alors les zones erog~nes. Pour ma part, je ne comprends pas que Jung puisse affirmer " d' apres cette maniere de voir (celIe de Freud), la sexualite ulterieure, normale et monomorphe, est done eons- tituee de composantes differentes. Elle se divise homo- et 5 d'abord en une composante heterosexuelle, a laquelle s'ajoutent ensuite une composante autoe- rotique et enfin les differentes zones erogenes". II n'est jallH3.is venu a l'esprit de Freud de voir, dans les zones erogenes, des composantes de la sexuali- te; cette idee est deja contraire au sens litteral du mot. L'observation de l'enfant lui-m~me et les VUBS qui se degagent des psychanalyses d'adultes ont amene Freud a parler d'une sexualite polymorphe-perverse de l'enfant; cette notion lui permettait de rendre compte du fait que la sexuali te de I' enfant comprenai t en 191119 tous les traits distinctifs que nous qualifions de pervers chez l'adulte. Comme a l'epoque infantile ni centres ni frayages defini ti fs ne sont encore formes, l' erotisme peut se manifester dans presque n'importe quelle direc- tion. Mais apres qu'il ait ete excite dans une certaine direction pendant un temps plus ou moins long, des dispositions definies se forment selon les expres- sions bien connues de Hering -, qui facilitent a nou- veau l' exci tation dans la m@me direction. L' erotisme, pour certaines activites, est "fixe". Ainsi se for- ment deja tres tOt descomposantes de la pulsion se- xuelle qui est, en soi, homogene. Maia il est incon- testable que les composantes sont, j usqu I a un certain point, deja preformees par l' hlhedi te. Freud semble avoir fait I' erreur d I accorder une premiere place aux 6 compos antes comprises dans la pulsion - avant m@me que celle-ci ne vienne a excitation - et qui s'en detachent ensuite sous forme de perversion. Ainsi dit- il : "Nous pouvons y voir l'indice que, peut-@tre, la pulsion sexuelle en soi n'est pas un element simple, mais qui elle est constituee de composantes qui s'en detachent une nouvelle fois dans les perversions" (6). Cette conception a rencontre, essentiellement chez Jung, une violente contradiction; or, cette opposition repose sur une totale meprise des intentions de Freud. Freud n' a jamais songe a considerer les composantes homosexuelles comme stant pour ainsi dire congenitales interpretation qu'il qualifie de particulierement sommaire - : lien ce sens qu' une personne porte con- genitalement en elle la liaison de la pulsion sexuelle avec un objet sexuel particulier,,(7). II part plutOt du point de vue d'une bisexualite, au- trement di t, il estime que la sexuali te, a I' etat de non-developpement, peut se tourner egalement vers les deux sexes de telle sorte que, tout a fait par hasard, 6 Freud - Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie. 2eme edition. leipzig und Wien, F. Deuticke, 1910, p. 25. 7 Pour plus de details, voir Freud, Ope cit., p. 7. ;;g 7 la l~bido peut rester fixee au meme sexe(B). Pourtant, Freud semble nous dire que, des Ie debut, une part determinee de I' energie sexuelle n' est reservee qu' a eette aetivite-ci, et une autre part de cette energie a cette activite-la. II nix a pas lieu de refuter cette idee. 5i Jung la tient comme allant de soi, etant donne que la libido sexuelle primitive est soli dement orga- nisee dans la fonction de la nidi fieation I et qu 1 13 1113 se montre inapte a tout autre utilisation(9), adopt ant ainsi, de fat;on tout a fait evidente une "eomposante" de la libido et, qui plus est, une composante invaria- ble, je ne saurais quelles reserves sur Ie plan de la theorie de la connaissanee pourraient etre emises con- tre eeux qui affirment qulune certaine quantite de la libido est organisee de tel Ie sorte qu' elle ne peut agir que d' une maniere determinee, et ee en raison de nombreux faits qui forcent a admettre cette hypothese. Or, dans aucune de ses oeuvres, Freud n' a soutenu une theorie figee des composantes, comme Pfister Ie lui impute dans sa Methode psychanalytique. Nous extrayons, parmi les nomb.reuses references qui vont contre l'in- terpretation de Jung et de Pfister, celles-ci : ilLes differentes voles que la libido emprunte se autres des comportent les unes et les Ie debut comme des vases communicants, et il faut tenir compte du phenomene de courants collateraux ll (Drei Abhandlungen, Ope cit., p. 16, note 1) 8 Pour plus de details, voir Freud, Ope cit., p. 7. 9 Jung - Transformations et symboles de la libido. 8 et encore " Dans les deux cas, la libido se com- porte comme un fleuve dont Ie bras prin- cipal se deplace, elle comble les voies collaterales qui jusqu'ici etaient peut- etre restees vides. Ainsi, un aussi grand penchant apparent ~ la perversion chez Ie psychonevrotique peut etre con- ditionne par una voie col1aterale; de toute facon, il sera accru par cells- ci" (Drei Abhandlungen, Ope cit., p. 31)(10). Que signi fient ces passages? Je pense qu' ils sont ab- solument sans equivoque. l'energie erotique, qui en soi ne varie pas, se manifeste d'une part d'une manHne determinee par suite de dispositions innees; mais d' autre part I' energie de I' un des modes de mani fes- tation peut aussi s'exprimer sous une autre forme. C' est par consequent un vulgaire et presqu' impardon- nable malentendu quand Jung dit dlun ton superieur "cette conception (celIe de freud) res- semble a l'etat de la physique avant Robert Mayer ou il n'y avait qu'un en- semble de manifestations regroupees par domaines separes et coexistants, aux- quelles on attribuait une signification elementaire, mais d~nt les interactions n' etaient pas vraiment reconnues. Seule 10 Souligne par nous. 9 la loi de la conservation de I' energie apporta un ordre dans forces entre elles et la relation des apporta en m@me temps une conception retirant aux forces leur signification elementaire absolue pour en faire des formes de manifesta- tions de la meme en~rgie. Clest de cette maniere aussi que doit etre consideree la fragmentation de la sexualite poly- morphe-perverse de l'enfant" (Jung Theorie). Je crois que les encore multiplier, tion de Jung. passages refutent cites, que lion pourrait d I eux-memes l' interpreta- Jusqu'a present, nous no us sommes contentes de pren- dre connaissance des raisons qui ont pousse Freud a elargir la notion de libido en I' appliquant aussi a l'enfance. Mais nous ne pouvons pas encore saisir paur- quai toute aspiration amoureuse entre dans cette no- tion. Voici les elements qui ont conduit Freud a cette formulation; d'abord, et ceci me parait etre la raison essentielle: l'intuition que la pulsion amoureuse est psychologiquement la meme, que 1 que sa it l'objet auquel elle s'adresse; il fit aussi l'observation que souvent, quand l' amour physique est entrave, toute autre mani- festation amoureuse s I en ressent egalement, et il lui fallut en canclure que toutes ces mani festations pro- viennent, pour ainsi dire, de la meme source; de plus, 10 les faits lui enseignerent qu'une activite amoureuse fortement socialisee, un fort devouement aux taches scientifiques et artistiques, ont pour consequence une limitation des manifestations de l'amour physique, de sorte qui iei aussi, il lui fut possible de conclul'e que, dan s 1 e s p u 1 s ion s qui con d u i sen t a -c e t tea c t i v i t e , les memes energies psychiques sont a I' oeuvre. II ap- pliqua aussi la notion de libido, qui a l'origine a un sens exclusivement sexuel, a la totalite des aspira- tions amoureusesj il se demands meme s'il ne- devait pas appliquer cette notion a tous les interets quels qu'ils fussent (dans Ie cas Schreber). Ses observations Ie menerent a la decouverte peut- etl'e la plus importante de la psychanalyse : la theorie des "supplements libidinaux" ou faculte de sublimation de la libido. II ressort clairement de cette theorie que Freud nla defendu a aucun moment une doctrine ri- gide des composantes de la libido, car il dit en effet que les forces psychiques qui visent a empecher une acti v i te illimi tee de la libido sont d I une importance considerable pour l'epanouissement futur de la per- sonne. Ces forces se constituent : "vraisemblablement au detriment des mouvements sexuels infantiles eux-memes, dont llafflux nla sans doute jamais cesse meme pendant cette periode de 1a- tence, mais dont l'energie - totalement ou pour sa plus grande part a ete 11 tournee de son ilisation sexuelle et a ete dirigee vers d'autres buts" CDrei Abhandlungen, Ope cit. p. 39)(11). Freud nomme ce processus sublimation, processus qui, de son point de vue, dure la vie entiere. l'energie sup- plementaire ainsi obtenue, qui sera consommee dans Ie travail intellectuel gr~ce a des aptitudes naturelles heritees, est un mobile encore trop sous-estime quant a l'ensemble des realisations d'ordre eleve. Mais ceci ne doit pas @tre entendu comme si I' energie "sexuelle" s'etait transformee tout simplement en energie "intel- leetuelle". l'utilisation de la libido pour Ie travail intelleetuel n'est possible que si l'individu porte en lui des dispositions ou des aptitudes a eela. lea sup- plements libidinaux n' aceomplissent pas, a proprement parler, Ie travail intelleetuel, mais ils servent plutot de force motricepour developper les aptitudes apres les avoir mises en action. Nous suivons Jung, quand i1 dit que 1'energie d'origine sexuelle apparait au cours du developpement comme: "solidement organisee dans la fonction de la nidification et qu'elle est alors inapte a toute autre utilisation", sans que lion renonce par cette affirmation a l'unite de l' energie psychique. Je pense exactement la m~me chose quand je parle d I energie "intellectuelle", a la 11 Souligne par nous. 12 difference, il est vrai, que je n'affirme pas que toute e n erg i e non - sex u e 11 e eta ita 1 'or i gin e , po u r sap 1 u-s grande part, de nature sexuel1e. Mais toutefois, il est tras probable qu'au cours du developpement, des forces venant de la psyche, qui a I' origine avai.ent ete re- servees a une activite sexuelle, s'ajoutent a l'ensem- ble des fonctions mentales etablies et solidement or- ganisees de l'energie psychique. Pour cela, un detour- nement de l ' afflux d'excitation est necessaire, souvent lie a de tras grands troubles psychiques. ee "detour- nement" est, si lion s'aide de la 10i des associations telle qu'elle est formulee dans la psychologie moderne des associations, tout a fait concevable; elle dit, dans la version de Max Offner : "l'ensemble des processus psychiques se deroulant en m~me temps a un moment donne forme un tout, qui laisse derriere lui un complexe coherent de dispositions (Loi de la formation des associations; c f. Semons - Loi de l' Eugraphie). Dans Ie cas d I une nouvelle exci tation d' une partie de ce complexe, la tendance a associer ill cet etat d I exci tat ion les autres dispositions appartenant a ce complexe apparait - ceci est la preuve de cette coherence psychique supposee, ou plus exactement condui t' a I' accep- tation de cette notion auxiliaire de I' association (cf. Semons - Principe de l'Ekphorie)"C I2 ) • .......... _---_ .......... ----_ ..... 12 Max ~ffner - La memoire, 3ame edition, 1913. 13 Cette formulation, dont la psychologie des associations reconnalt assurement Ie caractere problematique, mais qui a brillament fait ses preuves comme hypothese de travail, m~me si elle ne se suff! t pas a elle-m~me, nous explique la possibilite d'une sublimation. Si une excitation intellectuelle et une excitation arotique ont lieu en meme temps, il se forme une association entre les deux centres excites. Si maintenant un cen- tre d' energie ne trouve pas d' acoulement moteur "na- turel"~ llexcitation peut affluer vers ce centre par la voie nouvellement formee de l'association qui slest fixee progressivement, pour 8tre datournee de fa~on matI' ice sur ce centre. Naturellement, par ce moyen, sa force en est nettement accrue. Ainsi, par une juste et prudente utilisation de l'energie sexuelle, on obtient une incitation extraordinaire au travail intellectuel, tout comme, a I' inverse, une vie dereglee monopolise l'anergie intellectuelle. A vrai dire, c'est la un fait bienconnu et depuis bien longtemps deja. Freud a ap- porte eeci de nouveau a cette theorie, que la faculte de sublimation se modi fie selon chaque individu et que seule une petite minorita d'hommes peut acceder a une pleine sublimation de I' energie sexuelle. Cela aussi s' explique facilement a la lumiere de ee que j' ai dit plus haut a propos des aptitudes intellectuelles innees (13). Cette decouverte est plus significative qu'il n'y para!t peut-8tre a premiere vue. II s'ensuit pour Ie pedagogue l' exigence de reperer, cas par cas, jusqu I a quel point la libido est capable de sublimer sans de- 13 Je sais bien que la "Psychologie des aptitudes" est re- prouvee par beaueoup. 14 gat, c'est-a-dire jusqu'a quel point les aptitudes intellectuelles peuvent supporter les supplements li- bidinaux. On peut rendre ceci plus clair par une image - qui n'est justement qu'une image: 8i lion surchauffe une machine, elle est deterioree d I une facon ou d I una autre. Avec I' arrivee d I un supplement libidinal trop grand, il peut facilement s'ensuivre un surmenage, par manque de capacites intellectuelles. Dans certaines circonstances, il se produit aussi un tres fort reflux de la libido et cela peut, si elle ne trouve pas d'e- coulement moteur, entra!ner de graves perturbations psychiques. On doit examiner avant tout deux facteurs dans Is psyche de l'eleve : Ie facteur erotique et Ie facteur intellectuel. Jusqu'ici, l'attention s'est portee de maniere preponderante sur ce dernier et I' absence de prise en compte du premier a cause un degat enorme qui n' est son ampleur. La pas Ie moins du monde pres senti dans faculte de sublimation de la libido sera peut-@tre Ie maitre pilier sur lequel devra s'ap- puyer la pedagogie; pour Platon, elle l'etait deja, comme nous allons Ie voir. Freud a commis I' erreur d' identi fier theoriquement libido et sexualite. En realite, elles ne sont nulle- ment synonymes pour lui. Des deux, la libido est, de loin pour Freud, la notion la plus large. Toujours est-il qui on a pu affirmer, a juste titre, que Freud voit dans tout devouement a une activite sociale, a un art, a une science, l'equivalent d'un acte sexuel; 15 cette conception est absurde si lion entend par sexua- lite ees sensations et cas sentiments conditionnes par l' excitation des organes genitaux au qui menent a une telle excitation; elle est tout 8 fait pert1nente s1 lion entend par 18 Ie don erotique au sens platonicien, dont je traite au chapitre suivant. La notion freu- dienne de libido est done plus large que celIe de se- xualite dans Ie sens habituel, mais elle est plus e- troite que la notion de libido chez Jung, que nous allons brievement exposer et cr1tiquer. Jung voit "La valeur authentique de la notion de libido, non dans sa definition sexuelle, mais dans sa conception energetique"; autant dire qu' il fut oblige, au cours de ses expe- riences analytiques, de faire coincider la notion de libido avec celle d'energie psychique. Pourquoi une telle extension? "Un coup d'oeil rapide sur l'histoire de l' evolution suffit pour nous apprendre que de nombreuses fonctions compliquees, dont Ie caractere sexuel(14) est encore aujourd'hui conteste 8 juste titre, ne sont a l'origine ramifications de 14 Souligne par nous. r i e n 'd' aut r e que des la pulsion de propa- 16 gation. Comme nous Ie savons, il y eu deja! en remontant dans I' echel1e du regne animal, un important deplacement des principes de propagation. La masse des gametes, avec Ie principe de hasard pour 1a fecondation qui lui est associe, fut de plus en plus redui te, au profit d'une fecondation sOre et d'une protec- tion efficace de la nichee. Par la, l'e- nergie product rice d' ovules. et de sper- matozoides s'est convertie en production de mecanismes de parade et de protection de la nichee ••• Le caractere d'origine sexuel1e de ces institutions biologiques se perd avec sa fixation organique en accedant a l'autonomie fonctionnelle. M~me s'i1 ne peut regner Ie moindre doute sur I' origine sexuelle de la mu- sique, ce serait une generalisation sans valeur et ·sans goOt de vouloir inclure la musique dans la categorie de la se- xualite. Une semblable terminologie conduirait a traiter de la cathedrale de Cologne sous la rubrique mineralogie parce que ses constituants sont egale- ment des pierres". (Jung -[ssais ••• ). (Nous avons cite ce texts de maniere aussi detaillee car nous devrons y revenir encore dans Ie critique). 17 Jung croit pouvoir identifier energie psychique et libido, parce qulelle avait un caractare dlorigine sexuelle, qui elle a cependant dO abandonner partiel- lement par la suite. Ainsi dit-il, pour justifier sa terminologie : "Dans Ie domaine de la sexualite la libido prend cette forme, d~nt 11 enorme signification nous autorise justement a utilissr Ie terms ambigu de libido.Ici (dans Ie domaine de la sexuali te, sans doute), la libido se presente en premier lieu aoua la forme d' une libido primi- tive indifferenciee qui, telle une ener- gie favorisant la croissance, amane a la division et a la proliferation etc ••• chez les individus. De cette libido sexuelle primitive(15), qui produisait ces millions d' ovules et de spermato- zoIdes a partir d i une peti te creature, des ramifications se sont developpees en m~me temps qu'une limitation conside- rable de la fecondite ••• ". D I apras ce qu I il expose, Jung identi fie donc libido et energie psychique parce qu I il veut y voir, tout au debut, une "libido" qui etait "sexuelle" et, a cause de la sexualite originelle, il se voit amene a utiliser Ie "terme ambigu". Mais nous devons tout de m~me dire 15 Souligne par nous. 18 quand quelqu' un trouve "sans valeur et sans goOt" Ie fait de ranger la musique dans la catdgorie de la se- xualit~, sous pretexte qu'elle provient de la sexua- lite, il est tout autant sans valeur et sans gotH de ranger l' energie psychique tout enti~re - done egale- ment celIe qui se mani feste dans I' acti v i te intel1ec- tuelle - dans la categorie de la libido, parce qu'elle provient de la libido sexuelle primitive et, plus en- core, parce qu'elle a r~9u cette signification de poids dans Ie domaine de la sexuali te. •• Nous ne tiendrons pas compte ici du fait que Jung presuppose que proces- sus vegetatifs et processus psychiques sont confondus. Le Dr. M. Weissfeld en a deja fait la remarque dans la Revue Internationale de Psychanalyse Medicale, 2~me annee, p. 420. Limitons-nous a une critique intrin- seque. Jung presume - comme on peut en conclure des passages ci tes - que l' energie psychique ne s I est ma- ni festee a I' origine que sur Ie plan sexuel, et on pourrait concevoir, avec un peu de bonne volante, qu l il lui applique un terme emprunte au domaine de la sexua- lite, compte tenu de son mode d'apparition originel. Si au moins il avait essaye de soutenir son point de vue de facon coherente; mais non, il ne Ie fai t pas et de to utes fa90ns il ne Ie peut pas! Dix-hui t lignes plus loin environ, il en convient "Sur ee point i1 n'est naturel1ement pas dit que la fonetion de la realite delve exelusivement son existence a la dif- fereneiation de Is propagation. Je sais 19 bien l'importance non-quantifiable de la fonction de la nutrition... Il serait absolument faux force motrice I' etai t, dans une de pretendre est sexuelle; que sa el1e grande mesure, mais non pas exclusivement". - Nous venons juste d' entendre dire que 113 libido pri- mitive avait ete sexuelle; voila pourquoi on en avait fait un equivalent de l'energie psychique; et mainte- nant nous lison5 que l'energie psychique a toujours dO se manifester, jusqu'a un certain degre, egalement comme pulsion d'auto-conservation. Mais avec cela, toute illusion m~me d'un bien-fonde a identifier ener- gie psychique et libido, tombe. Formulation qui heurte de front l'usage de toute la terminologie scientifique. MArne 5i nous mettons a niveau egal libido et "volonte" selon Schopenhauer - ce que Jung fait volontiers - Ie terme est inadequat. Car Schopenhauer con<;oi t la vo- lonte d' un point de vue purement metaphysique; ilIa distingue fondamentalement de la volonte phenomenolo- gique. Or Jung parle d' un point de vue phenomenolo- gique. Et Is Schopenhauer connatt, on Ie sait, volante et representation, dont la janction constitue Ie monde. Pour rendre plausible, entre autres, qu'il faille identifier libido et energie psychique et concevoir la libido selon la loi de la conservation de l'energie de Robert Mayer, qui veut qu' el1e ne change que dans ses modes d I appari tion et non quanti tati vement, Jung di t litteralement : 20 "Ces indications peuvent nous donner a penser que peut-@tre, 113 somme de libido serait toujours Is meme et qu'elle n' augmentersit pss considerablement au seul moment de la maturation. Cette hypothese quelque peu audacieuse s I ap- puie mani festement sur Ie modele de la 10i de la conservation de l'energie, selon laquelle la somme d'energie reste touj ours la meme. lIne serai t pas im- pensable que Ie point culminant absolu de la maturation ne puisse etre atteint que si les utilisations auxiliaires infantiles de la libido debouchent petit a petit sur Ie canal unique de la se- xualite definitive et sly eteignent". Ainsi Jung affirme donc qulil est possible que l'homme adulte ait garde autant d'energie que lorsqu'il etait nourrisson, parce qu I en effet, la somme d I energie ne peut varier. Je ne trouve pas ce point de vue ilauda- cieux"; il n'y a meme pas lieu de s'y arreter. Cette comparaison que Jung fait avec la loi de 113 conserva- tion de I' energie revele simplement qu' il n I a appa- remment rien compris au sens de cette loi. 0' apres ces explications, il nous faut refuser avec force l'extension de 113 notion de libido chez Jung et voir - avec Freud - dans la libido, la manifestation de 21 l' energie psychique qui se presente sous la forme de poussee, energie qui sert au maintien et a un deve1op- pement progressif, tant de l'espece que de 1 'individu. Clest sous la forme de la capacite a une sublimation toujours plus elevee de la sexualite que no us appre- hendons la tendance a l'epanouisse~ent. 11 ne faut certes pas entendre par 18 que l'energie libidinale se trans forme en energie intellectuelle, rna is au con- traire, quia l'activite intellectuelle s'ajoute une force pulsionnelle erotique qui stimule, so us la forme d'aspirations, l'activite intellectuelle, mais qui n I est cependant pas encore la forme de mani festation intellectuelle telle que Jung, apparemment, la concoit. Ceci aussi est possible, a condi tion de parler d I une translation de la libido, et non d I une sublimation. Freud exprime tres pertinemment notre pen see avec ces "supplements libidinaux", et i1 a reconnu tres juste- ment, comme Platon avant lui, que de ces supplements libidinsux depend tout notre effort pour instaurer la culture. 5i Is stimulation erotique, qui se manifeste dans Ie devouement sans partage a une cause, venait a manquer, tout Ie travail intellectuel s I en trouverai t paralyse. L I homme serai tune machine 8 penser dont Ie foyer est eteint. Cette force de la pulsion est per- manente chez I' homme. Elle sert a favoriser les rela- tions sexuelles qui, naturellement, sont egalement reglees par des facteurs organiques, comme elle sert ~ pousser I' homme vers la realisation intellectuelle 1a plus haute. II semble tout simplement evident quia des 22 degres inferieurs du developpement, la vie pulsionnelle sert principalement la sexuali te, mais -qu' au cours du developpement philogenetique et ontogenetique 131113 devient egalement feconde pour des activites nouvelles. Cependant, pour parler comme Freud, la pulsion reste toujours cet etat de tension specifique dont la masse se fai t lourdement sentir; ce trai t de la pulsion en est la marque premi~re et peut-!tre unique. Platon nomme cette pulsion Eros et Freud, partant de la tra- duction latine, la nomme (helas!) libido. Je dis helas, car - a ce qu'il me semble -, il a change tout de m!me sans necessite la terminologie traditionnelle. La pul- sion ne s I appelle en effet libido que quand 131113 se presente en liaison avec la vie sexuelle, mais non en tant qu'elle favorise les autres facettes de notre aetivite intellectuelle. Or Ie nom d'une chose et nous devons cette eonnaissance au biologiste Uexkuell (16) - est determine par sa fonetion. Une chose peut recevoir un nom different quand 131113 sert d'autres fins. La phrase.: ee wagon de chemin de fer est ma maison d'habitation illustre en quelque sorte la pensee d'Uexkuell. En revanche, Ie mot Eros signifie pour Platon la pulsion dans son sensIe plus large; certes, cette signification a subi des modifications au cours du developpement - et aous l'influence d'une interpre- tation un peu prude de Platon - et Ie mot Eros est davantage limi te a la "pulsion philosophiqe". Malgre cela, je crois que 1'emploi du terme Eros est plus adapte a la terminologie que Ie terme libido. Mais ce 16 Elements pour una vision biologique du monde, 1913. 23 n I est qu' une question de vocabulaire completement in- signifiante. Sur Ie fond, je suis totalement dlaccord avec Freud. II Nous croyons que nous sommes parvenu ~ exposer la theorie freudienne de la libido et sa genese dans leurs grandes lignes, telles qu' elles servent nos fins. Et maintenant, nous pas sons a la presentation de la theo- rie de l'Amour chez Platon, qui offre une ressemblance frappante avec la theorie psychanalytique de la libido. Nous sommes pleinement conscient des dangers qulil y a a comparer une theorie contemporaine, nee dans de tout autres conditions, a une theorie de l'Antiquite; noue savons combien no us sommes facilement portes a adapter la theorie de I' Antiqui te a la theorie contemporaine, afin d i en souligner les concordances. Eduard Zeller a mis en evidence, dans un bel essai, Ie contresens qu'il y a a voir, par exemple, dans les representations my- thologiques d'Empedocle, une anticipation du darwi- nisme. Sans doute sont-elles comparables en bien des points, mais on ne peut pas veritablement parler d'une anticipation de la pensee darwinienne. lorsqu'a la lecture de Platon, la similitude entre sa theorie de 24 I' Amour et 18 theorie de la libido chez Freud s I est imposee a moi, je me suis vu, au souvenir de-l'essai de Zeller, dans I I obligation de proceder a de nouvelles confrontations. 5i, malgre tout, je suis personnelle- ment convaincu qu'il y a effectivement chez Platon una extraordinaire anticipation de certaines idees freu- diennes, c' est parce que les fai ts m' y ant cantraint. Pour creer les conditions d I une confrontation comple- tement inattaquable, je donne dans ce chapitre une description p~rement philalogique de la theorie de I' Amour chez Platon; mais avant tout, je laisserai la parole a ce dernier. L'Eros, au sens large, n'est pas, d'apres Platon, l'apanage de quelques privilegies, mais il est propre a tout ce qui il y a de vivant dans Ie nature. II est pulsion d' immortali te, qui se mani feste non seulement chez les hommes, mais chez tous les ~tres vivants. Nous disons aussi, tout a fait dans Ie sens de notre phi- losophe l' Eros est pulsion de conservation de I' es- pece, et, comme nous Ie verrons egalement, pulsion de developpement progressi f, telle que nous l' observans dans la nature. Cette pensee est traduite sans ambi- guite par les paroles suivantea : "5i tu crois donc que l' amour (e p 0«;) de nature, tende vel'S ce sur quoi nous nous sammes deja mis d'accard, ne t'en etanne pas. Car ici, comme la-bas, la nature mortelle cherche, autant qu I el1e Ie 25 peut, a exister sans cesse et a immortelle. Mais elle ne Ie peut que la procreation, dont Ie resultat est toujours un autre jeune demeure a place d'un vieux". etre par que Ia lci, Platon· identifie tout simplement Eros et pul- sion de propagation et il y voi t, pour autant qu' elle se manifeste comme sentiment amoureux, Ie versant psy- chique de la pulsion de conservation de l'espece. Mais il ne borne pas la pulsion au seul domaine du corps. Tout comme . il existe dans la nature la tendance a maintenir l'etre vivant par une procreation renouvelee aI' infini, de ··.la meme maniere, ce qui releve de I' esprit est sans cesse soumis au changement dans Ie monde sensible; mais justement, par cela-meme, il est immortel. L'~me elle aussi aspire a produire, et elle Ie fait sans cesse. Ainsi Platon concoit l'Eros comme pulsion de procreation et comme pulsion de creation au sens Ie plus large; peut-@tre ml3me Ie concoi t-il, pour s'exprimer avec plus de justesse encore, comme la pul- sion de vie de toute la nature. Tout vouloir procreer et creer, soi t que la pulsion se mani feste par Ie rut des animaux, soi t qu' elle se mani feste par la poussee creatrice de l' artiste, entre chez Platon dans la no- tion d'Eros : "Quel est donc ton avis, Socrate, sur ce que serai t la cause de· cet amour et de ce desir? Et ne t'apercois-tu pas de 26 l'tHat violent dans lequel se trouvent pris tous les animaux, lorsqu' ils sont avides de s'accoupler, qulils soient ailes ou non ailes; combien aussi pa- raissent-ils tous malades et amoureux, dlabord quand ils s'unissent l'un a l' autre et puis, plus tard, a propos de I' education de la progeni ture; combien egalement les plus faibles sont pr~ts a defendre celle-ci contre les plus forts et prets a mourir pour 9a ••. Car des hommes, on pourrai t dire qu' ils Ie fe- raient avec reflexion; mais quelle peut etre la raison pour laquelle les animaux se montrent 8i amoureux, peux-tu me Ie dire?". Ces extraits nous montrent que Platon identifie com- pletement Eros et pulsion sexuelle. Mais l'activite de reproduction nlest qu'un des modes de manifestation de l'Eros. Chez l'homme, l'Eros apparait differemment : "Maintenant, ceux qui - continua Diotime - trouvent plaisant de procreer selon Ie corps se tournent plutOt vers les femmes et c' est de cette maniere qu' ils sont amoureux, en se procurant - pensent-ils par la generation d I enfants, immor- talite, place dans la memoire des autres et bonheur beat, pour to us les temps a 27 venir. Mais ceux qui trouvent plaisant de procr~er selon I'Ame - carce~tes, il en existe qui ant aussi 113 force d'en- fantement dans I' Ame beau coup plus que dans Ie corps - se tournent vers ce qui est Ie rOle de I' Ame, 8 savoir d I etre par 18 f~cond~ et enfant~". On pourrait alaI's interpr~ter Platon comme s'il con- siderait 113 poussee cr~atrice de nature essentiellement differente, selon qu'il s'agit de l'Ame au du sexe, ce qui peut eventuellement se justifier par Ie fait que Platon tient Ie spirituel pour, de loin, plus ~leve. Mais il souligne clairement, a plusieurs reprises, que l' Eros, comme pulsion, n' est pas du domaine de I' eva- luation, car nul predicat de valeur d' aucune sorte ne peut lui etre attribu~ en tant que tel. II n'est ni beau ni bon ni laid, ni sage ni d~raisonnable. II ne porte pas sa valeur en soi, mais il Is tire bien plus du but vers lequel il tend et des oeuvres nees de son aspiration(17). Pour Platon, il est franchement absurde de parler d' une pulsion laide ou belle; on peut seu- lement dire de la pulsion qu'elle tend vers Ie beau ou vers 113 laid. La pulsion en soi est invariable; elle s'adresse tantOt au monde du corps, tantOt au monde de l'esprit. Par cela, Platon a reconnu l'aptitude de l'Eros a la sublimation. 17 S.C. Botticher - Eros et connaissance chez Platon, Berlin, 1894. 28 II distingue trois sortes de sublimations qulil qua- lifie de "degr~s" d'~panouissement. Mais cette grada- tion de valeur ne porte que sur les objets vers 1es- quels se tourne l'Eros, et non sur l'Eros lui-m~me. Au stade de pre-sublimation, l' Eros humain 5e dis- tingue peu de celui des animaux. Le desir est eveille par Ie stimulus externe; il met l'homme dans un etat de trouble particulier et dans un emoi incontrolable qui ne s I apaise que quand l' homme a reussi a accomplir l'acte de procreation. A ce stade, l'homme,dans sa vie sexuelle, se distingue encore peu de l'animal : "Mais qui nla pas encore de souvenir recent, ou qui n'est pas deja corrompu, celui-la ne s'elance pas vite, ici-la- bas, vers la beaute elle-meme quand il se rend compte de ce qui, ici-bas, en porte Ie nom; c I est la raison pour la- que lIe il n' eprouve aucun respect pour ce spectacle, mais, adonne au plaisir, il voudrait engendrer comme un animal".Alors que, selon son ethique, Plat on , dans Ie Phedre, condamne donc ce comportement, c I est en vain que nous cherchons, dans Le Banquet, un semblable jugement pe- joratif. La, au contraire, toute procreation reI eve du divin : - $ 29 "L'union de l'homme et de Ie femme est l'enfantement. Et clest quelque chose de divin, at c'est ce qui est immortel dans les @tres mortels; Ie desir de creer et la creation". Dans l'oeuvre entiere, toute tendance moralisatrice cede Ie pas a 11 eloge de l' art, tandis que dans Ie hedon, au contraire, toute sensuali te est per~ue com- me une tare. Quand et comment slengage pour Platon, Ie processus de sublimation? Qu'est-ce qui pousse donc l'Eros a ne plus se satisfaire de la procreation physique? Platon ex- plique ce fait par Ie developpement progressif de l'es- pri t humain qui, dans un premier temps, apprend degre apres degre a percevoir les choses de l'ftme en tant que choses tangibles qulil proposera comme but a l'Eros. Au degre Ie plus bas du developpement, Ie savoir de l'homme ne differe pas encore du savoir animal; c'est pourquoi 1 I Eros humain ne peut tendre a autre chose quia ce savoir la. Ainsi est-il dit ans Ie Theetete : liNe pas ressentir ce fait comme vrai, cela est deja, de nature, Ie propre des hommes et des animaux des qu' ils sont nes, qui que lIes que soient les impressions parviennent a l'~me a travers Ie corps". 30 La ou la cannaissance n' a pas depasse Ie stade de la perception passive, l'Eras ne peut pas vraiment se tourner vera les chases superieures. Mais a c8ts de Is perception sensuelle, Is poasibilite d'apprehender egalement Ie spirituel est donnee a l'homme developpe, et si la nature l' a douB de sensibili te pour les pro- ductions de l' ame, I' Eros se tourne alors plut8t vera celles-ci. Ainsi depend-il enti~rement du "guide de llame" c'est-a-dire de la raison, que l'Eros s'el~ve en partant du degre Ie plus bas. 11 aurait ainsi atteint une premiere forme de subli- mation. Pourtant eela ne signifie pas encore, pour Platon, I' abandon du sensuel. Bien plus, une synthese entre Ie sensuel et Ie spirituel a lieu : "Par consequent, dans sa poussee, se sent-il plus attire vers Ie beau corps que verso Ie ~orps laid, et s'il rencon- tre une ame belle, noble et douee, se sent-il alors pleinement attire par une telle union du corps et de l'ame". Dans Ie fait de reconnaltre et de preferer les choses de l'ame, Platon voit Ie premier mouvement important de la pulsion vers Ie haute Ce degre est aussi caracterise par l' e ffet qui resul te du moment au I' Eros se tourne vers les choses de l' ame. Platon soutient d' un bout a l'autre ce point de vue, que la production de l'esprit, 31 131113 8ussi, n'est possible que lise a d'autres produc- tions de l' espri t. II faut d' abord qu' une sarte de fecondation de l'esprit ait eu lieu pour qu'une oeuvre puisse mOrir. C'est pourquoi les productions de l'Eros, au premier degre de la sublimation, sont, par nature, des productions de l'esprit : !lEt en presence d'un tel homme, il est aussit6t riche en discours comment doi t etre l' homme excellent, que faire, et il entreprend de Ie former et de l'e- duquer". Ici, Platon fait allusion a l'amour des ephebes qui a, comme on Ie sai t, droi t de ci te au meme ti tre que I! amour des femmes; de plus, dans Le Banquet, il Ie tient meme pour plus eleve encore que ce dernier. le hedre nous apporte une description hautement poetique de cet amour, si net tement contre-nature pour notre sensibilite actuelle : II Des lars, quand il fait cela un assez long temps, et quand il Ie frequente et qui il a des contacts avec lui dans les gymnases, et en d' autres circonstances, il arrive a la suite de cela que Ie jaillissement de cette source, que Zeus, parce qulil aimait Ganymede, nommait desir ardent, s I ecoule abondamment vers I' amant et penetre en partie en lui; a 32 son tour, quand l' amant est plein, una autre partie s'ecoule hors de lui ••• Ainsi, par ce repos ensemble, Ie cheval indompte de I' amant doi t tenir to utes sortes de propos au conducteur et, pour ces nombreuses peines, il demande au moins une courte jouissance. Le cheval de l'aime nia rien a dire, mais dans sa poussee de desir, et a peine conscient de soi, il enlace I' amant at lui donne des baisel's". Platon - at cela est significatif - nomme cet amour lJo. v i 0. et c' est en propos saisissants qu 'iI loue cette folie d' amour (peut-LHre sussi frenesie d' amour). II trouve que cet amour va de soi et qu'il est hautement estimable. Pour lui, la "bisexualite" de la pulsion eta i t un fait sou 'len t 0 b s e r v e -e tp 13 U t - @ t rea u s s i un e experience personne11e. Que l'Eros se tourne vers l'homme ou vel'S la femme est plus, a proprement parler, une affaire de goat et de culture, selon Platon, et il laisse son favori - Alcibiade - faire un rapport de- taille de ses relations homosexuelles avec Socrate. Ceci devrai t nous amener a no us demander si la forte aversion actuelle envers l'homosexualite n'etait pas a mettre au compte de la culture et de l'education. Dans Ie Phedre, I' amour pour les ephebes coincide encore avec la pulsion philosophique(18); Le Banquet en revanche, les separe rigoureusement. 18 Eduard Zeller - La philosophie des Grecs. 33 Dans la pulsion philosophique, Platon voit une nouvelle sublimation de la pulsion de conservation de l'espece. Pour lui, il n I y a pas Ie moindre doute que I' Eros -qui, a un degre de developpement peu eIeve ne se ma- nifests que sous forme de cette poussee sexuel1e - peut aussi se mani fester comme pulsion apprehendant I' abs- trait. Certes, tout homme developpe qui a aime un autre ~tre, et pas uniquement par les sens, devrait pouvoir su~vre sans difficulte l'expose de Platon sur la premiere forme de sublimation, puisque chacun la connatt assu- rement par experience. Il est deja plus di fficile de concevoir I' Eros comme pulsion philosophique ou comma amour pour l'abstrait. II semble que Platon l'ait pree- senti et c'est sans do ute pour cela que Diotime intro- duit cette gradation par les mots suivants : "Maintenant, 6 Socrate, tu peux ainsi etre initie egalement aux secrets de l'amour; mais es-tu capable d'acceder a la plenitude et a la vision du terme ou tout cela condui t si quelqu' un fai t bien la chose - Ca je ne Ie sais pas". L' homme doue pour la philosophie se distingue des autres en ce qu'il ne se satisfait pas des impressions isolees - qu'elles soient de l'o~dre de la sensation ou de l'ordre de l'intellect - mais en ce qulil cherche a 34 apprehender ce qui est commun dans les entites consi- derees iso1ement; et i1 apprehende ainsi, par Ie voie de I'abstraction, Ia notion au l'essence de nombreuses entites qui forment un genre "Car un homme do it comprendre, selon les genres, ce qui est exprime at qui se degage comma une chose unique resultant de nombreuses perceptions assemblees par I' entendement". Le particulier n' a de signi fication, pour Ie philo- sophe, que dans Is me sure ou il lui permet de trouver I'universel; et croit-il l'avoir trouve que Ie psrti- culier perd alors tout inter~t pou.r lui. C' est vers I'idee abstrai te cependant - qui tHai t Ie but de 10n- gues peines que se tourne, avec d' autant plus de force, l'attention; contempler ce qui fut si penible- ment trouve s' accompagne de vives sensations de plaisir. Cela fut lourd de consequence psychologique pour l'histoire de la philosophie occidentale. De tels sujets de pensee acquierent une forte valeur de realite et Ie penchant ~ objectiver les idees abstraites et a les projeter, comma realites independantes et detachees de la psyche, dans l'univers, se developpe. Platon avait dej~ reconnu cela quand il dit "En effet l'~me de chaque homme, des l'instant au 131113 serejouit vivement ou s'attriste sur quai que ce soit, est 35 forcee egalement de croire que ce qui lui arrive est Ie plus efficace et Ie plus vrain. Nous ne voulons ni ne pouvons ici resoudre cette ques- tion encore vivement controversee, ce qui equivaudrait a una projection de l'idee abstraite Platon a-t-il con~u les idees comme des normes ou comme des entites transcendantes? quoiqu'il en soit, il est de fait que tout son vouloir philosophique etait dirige vers l'ap- prehension des idees et qu'il a mis a certains moments tout son Eros au serv ice de I' oeuvre de sa vie. Et il les aimai t ses idees, et il etai t consume"" d' un dou- loureux desir dlelles comme seul un jeune homme grave et ardent peut etre consume dlamour pour sa bien-aimee! Cette force de la pulsion agissait sur la pensee abstrai te en la stimulant et en la fecondant; pen see qui prenait tant de cette force qu'il restai t peu de chose, sinon rien, pour aucune autre forme de manifes- tation. Una SUblimation aussi complete ne pouvait reus- sir que grAce a des dons intellectuels hors du commun. Tout son Eros se tournait vers Ie monde des idees qui ,.. , .. etait pour lui, Ie OVTWc; 0\1', l'cHant par excellence. Puisqu'il etait etabli, pour Platon, que les chases terrestres sont les reflets des idees, ainsi croyait-il que toute beaute, iei, sur terre, eveillait en lui Ie desir de ce " vra i" monde-la. C' est la description a caractere universel d tune experience arotique person- nelle, quand Platon s'exclame : 36 "Mais qui nla pas encore de cons6cration recents en soi et a contemple de bien des manieres les choses qui avaient lieu a une autre epoque quand il decouvre un visage semblable aDieu, ou la forme dlun corps qui represents parfaitement Ie beaute, alors il fremit et quelque chose de ses angoisses de jadis Ie reprend; ensuite, il lladore en Ie regardant comme si c'etait un dieu; et s'il ne craignait pas une reputation de I folie exageree', il sacrifierait alaI's au favori eomme a una image sainte ou a un dieu". II est persuade que ce n I est pas la personne du bel ephebe qui l'entralne vel'S cette "folie exageree", mais, en definitive, Ie rappel de l'idee du Beau en soi susci te a cet te vue. Ce n I est pas a I' ephebe qu' il veut sacrifier, mais a l'idee du Beau incarne par l'ai- me(19). Et c'est en renon9ant justement au particulier et en s' embrasant pour Ie Beau en soi, qu' il fait de son Eros un objet philosophique. lei commence l'effort conscient pour depasser les donnees qui nous viennent des sense Alors qu'au premier degre de sublimation, Ie Beau sans les sens ne peut pas du tout ~tre pris en consideration, l' homme doue pour la philosophie slest construit l'ideedu Beau, libre de toute incarnation. L'Eros se tourne a present vel'S une 19 II va de soi qu'il slagit ici d'une rationalisation. 37 production psychique qui presuppose, comme etant placee sur Ie premier degre de sublimation, une activite in- tellectuelle incomparablement riche. En realite, il est faux de parler d' une sublimation de la pulsion. Ce n I est pas la pulsion qui a ete sublimes, c I est son objet. Et nous sommes alors autorises a accorder une plus grande valeur a la deuxieme forme de sublimation. Quand Ie monde des idees a ete apprehende, I' Eros - " .. tend a se les approprier, comme KT'I1~O: &1«;; 0:&1 et a ne pas les laisser tomber dans l'oubli. Pour cela, l'amant-philosophe ne doit pas rel~cher son effort, il do it sans cesse s' exercer aux idees et, en premier lieu, a l'idee du Beau; il doit decanter et epurer celle-ci, et il doit clarifier parfaitement Ie rappel de l'idee contemplee dans I' ~tre-la (20) preexistant. Abstraire est une activite incessante, toujours ranimee par l'Eros, et qui doit constituer la vie du philoso- phe. En s'adonnant a lacontemplation du Beau, il doit renoncer aussi bien aux ~mes dans leur singularite qu'aux corps dans la leur, ainsi qu'aux donnees sin- g u 1 i ere sac c e s sib 1 e s au s a v 0 i r (e TTl (1 T ri ~ '11 ); par con t r e , il doit chercher a apprehender Ie Beau qui est commun a tout cela. Ainsi celui qui, pousse par l'Eros, progres- sant d'abstraction en abstraction, renonce a tout con- tenu, m~me possible, et qui cherche de toute son ~me a apprehender l'idee du Beau en soi, auquel certes chaque beau singulier participe, mais qui' n' est elle-m~me con- tenue dans aucun beau particulier, celui-la peut voir 20 Dasein (N.d.T.) 38 son voeu se realiser soudain, il peut contempler objec- tivement l'Etre Supreme et sly ablmer. A ce point re- sonne la langue de la mystique la plus pure : "Celui qui, en effet, slest eleve jusque 18 dans l'amour, decouvrira soudain quelque chose de merveilleusement beau par nature, a savoir lequel il a fait to us cela meme pour ces efforts jus- qulici, qui existe toujours des l'abord, qui ne nai t pas ni ne passe, qui ne grandit pas et ne disparalt pas ••• Et 8 ce stade de la vie, /) Socrate, si 131119 apparait quelque part 8 I' homme digne d I etre vecue, c' est 18 ou il voi t lui- meme la beaute ••• Penses-tu vraiment qulil aurait une vie mediocre, celui qui regarderait dans cette direction, qui decouvrirait cela et sly consacrerait?" Nous percevons clairement Ie ton fortement erotique, la sensation de plaisir fortement erotique qui saisi t Ie philosophe 8 cette idee. L'Eros et la Connaissance sont en etat de dependance mutuelle. La pulsion eperonne la pen see afin que celle- ci poursuive inlassablement son activite dlabstraction et apprehende Ie Bien ou Ie Beau en soi, tandis que ce dernier designe a l'Eros des buts toujours plus eleves; et l'energie amoureuse - qui au degre Ie plus bas ne se tourne que vers les sens - mene en dernier lieu a l'ob- jet de la pensee Ie plus haut et Ie plus etendu. lei Is pen see et l' Eros sont devenu UN ou mieux l'Eros a atteint son but, tout au moins sur Ie mode hallucina- toire, et il est satisfait. L'homme, habib~ par I' Eros, a reconnu Ie Beau en soi - pour Plat on synonyme de divin(21) - il l'a contemple, il l'a "touche" et il s' est fondu en lui. Ainsi Ie di t-il, de facon tout a fait mystique dans La Republigue Dans ce lieu je me plonge- Cela fait un avec moi Je suis, lor que j'y pense Comme Dieu, la source de l'@tre(22). L' amant a atteint son but; il est devenu Un avec l'aime. Platon voit dans· l' amour pour Ie divin la forme de sublimation la plus haute, car la capacite d' abstrac- tion la plus intense y est exigee. Mais Ie chemin vers cet amour passe toujours par les deux degres anterieurs de sublimation, qui partent des belles chases d'ici- bas "Comme pour les degres, de l'un vers Ie deux et de deux vers taus les beaux corps, et des beaux corps aux beaux aetes, et des beaux aetes aux belles 21 Voir notre these Vers la Psyehologie de l' expe- rience mystique - Berne, 1915. 22 D'apres E. Rohde - La Psyche, II 294. Samsung Highlight Samsung Highlight 40 connaissances, jusqu' a ce que, de ces connaissances, i1 accede en fin a la Con- naissance, qui n'est connaissance en rien d'autre que celIe du Beau et qu'il connaisse enfin Ie Beau lui-mAme". A chaque etape du processus de connaissance, la pul- sion porte sur quelque chose de plus proche et elle est, dans cette mesure, sublimee. Pour resumer brievement, il a ete possible de recon- naitre l'Eros platonicien comme pulsion de conservation de l'espece et pulsion d'un developpement progressif, qui se manifeste dans la vie amoureuse; et selon l'objet auquel s'adresse l'amour, il se presente aous les quatre formes de manifestations suivantes : 1. L'Eros sensuel 2. L'Eros spirituel (tourne vel'S l'individu) 3. L'Eros philosophique (tourne vel'S l'abstrait) 4. L'Eros"mystique (tourne vel'S Ie divin). Hormis cet amour, Platon ne connait pas d'amour. L' Eros et l' amour que ce soi t I' amourdes parents pour les enfants et vice-versa, que ce soit l'amour de l'homme pour la femme, que ce soit l'amour de l'art et de la science, que ce soit l'amour de Dieu - sont iden- tiques - Seul l'objet change, pas l'amour. Voila pour Platon! 41 II nous reste encore a sQuligner brievement les points communs des deux theories. Nous ne pouvons natu- rellement pas oublier qui i1 y a, entre les deux au- teurs, un intervalle de plus de 2000 ans. C' est la raison pour laquelle les correspondances ne peuvent @tre faites que sur des traits generaux de la theorie. E t m a i n ten ant , i I est in t ere s san t de t r 0 u v e r c he z 1 e fondateur de l'Academie, au scandale d'un si grand nombre de personnes sorties de l'Universite, to utes les extensions que Freud a apportees pour la conception usuelle de la libido. Tout comme Freud, Platon voit dans la pulsion de conservation de I' espece et dans les fonctions psy- chiques qui lui sont reliees, l'essence de l'amour. Le penseur grec applique egalement l'Eros a l'enfant et il voi t dans l' amour des parents pour les enfants et reciproquement Ie m@me Eros qui regne entre deux personnes mares de se~e different. La theorie de la sublimation de Freud est deja tres detaillee chez Platon et de plus, La Republigue apporte un enseignement pedagogique qui reste encore a exploi- ter , pour mettre la sublimation de l'Eros sur la bonne voie. Tout comme il est ab~urde de dire que Platon sexualise I' homme et ne voi t dans les fonctions religieuses les 42 plus sublimes rien d'aut1'e qu'une sexualite plus 1'af- finee, il est absu1'de de faire ce m@me reproche a Freud. Mais taus deux font deriver les realisations culturelles les plus elevees de la pulsion de conser- vation de l'espece. Nous voyons ainsi chez Freud, objet precurseu1' dans Ie grec, qui en avait haute importance. comment la theorie de de tant d'hostilite, a plus grand penseur et anticipe les decouvertes la libido trouve un moraliste d'une si Traduction: Petra MENZEL - Micheline WEINSTEIN avec , Gilbert BORTZMEYER Solange FA LADE Michele LOHNER-WEISS et Pro Maurice COLLEVILLE. PARIS 1984. La documentation psychanalytique document de travail-cahier N'5 association regie par la loi 1901