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A P P A R T E N A N C E S
tions privilégiées avec l’administration et cer-
tains colons, voire scolarisation à Nouméa) qui
sont autant d’armes pour s’affranchir du leader-
ship des missionnaires et des Européens de
l’UC. Nombre d’entre eux rejoignent les partis
conservateurs de l’opposition.
Au fil de leurs carrières politiques, les élus
s’engagent dans des débats clés concernant la
place des citoyens mélanésiens dans la struc-
ture sociale calédonienne : lutte contre la
« mauvaise liberté », préservation d’un statut
personnel et foncier particulier, pouvoir des
« chefs », reconnaissance des « coutumes »,
défense de l’école missionnaire. L’analyse de
ces enjeux confirme à quel point la citoyen-
neté apparaît encadrée par des continuités
coloniales fortes vis-à-vis desquelles le poli-
tique, en Nouvelle-Calédonie, ne rompt pas.
On comprend mieux, dans ces conditions, la
portée symbolique de la célèbre photographie
du leader indépendantiste Éloi Machoro bri-
sant une urne à la hache lors des élections du
18 novembre 1984.
Mené à l’échelle territoriale, ce remar-
quable travail socio-historique permet désor-
mais d’ouvrir un dialogue fécond avec les
chercheurs ayant produit des micro-histoires
du politique en Nouvelle-Calédonie. Ainsi,
tandis qu’É. Soriano met en lumière le rôle
central joué par les élus territoriaux méla-
nésiens dans la construction progressive des
« relations à distance » en politique, la ques-
tion de l’articulation de leurs trajectoires ter-
ritoriales avec leurs ancrages locaux reste
ouverte. En effet, ce personnel politique ne
vit pas seulement « hors sol » (p. 267), dans un
no man’s land social propice au malaise identi-
taire : les élus territoriaux sont aussi, toujours,
arrimés quelque part, dans leurs « tribus » et
leurs « clans », insérés dans des stratégies
concurrentielles, agissant (et non pas seule-
ment agis) dans des rapports de force locaux.
La focale micro permet ici de prendre une
certaine distance vis-à-vis de l’insistance de
l’auteur sur le caractère dominé de leurs tra-
jectoires de transfuges coloniaux. En outre,
son constat d’une séparation raciale nette en
matière de mécanismes de mobilisation élec-
torale, établi à partir de sources produites à
l’échelon territorial, ne correspond pas exac- 1 0 5 3
tement à ce que j’ai pu observer à l’échelle
de la commune de Koné, où certains types de
« relations interethniques » (les rapports de
travail entre éleveurs européens et gardiens
de bétail kanak, par exemple) ont été forte-
ment mobilisés sur la scène politique. Ces
quelques interrogations soulignent finalement
combien sont suggestives les pistes de réflexion
ouvertes par le livre d’É. Soriano, autant du point
de vue de l’historiographie de la Nouvelle-
Calédonie que dans la perspective analytique
plus large des « jeux d’échelles » sur le poli-
tique et le colonial.
BENOÎT TRÉPIED
Bastien Bosa
Itinéraires aborigènes. Histoire des relations
raciales dans le Sud-Est australien
Paris, Karthala, 2012, 657 p.
Relativement peu de travaux ont été menés
sur les luttes et les résistances aborigènes, ainsi
que sur les hommes et les femmes qui les ont
conduites. Bastien Bosa est l’un tout des pre-
miers chercheurs à étudier aussi méticuleuse-
ment la politisation des Aborigènes et leurs
luttes au niveau national depuis les années
1970, mais surtout le processus de ségrégation
qui a été mis en œuvre. Une réalité sociale si
méconnue que l’historien William Stanner a
pu parler de « grand silence australien » à ce
sujet 1. Les recherches sur les Aborigènes sont
en effet dominées, en Australie mais aussi en
France, par une anthropologie plutôt inté-
ressée par leurs systèmes de parenté et leur
conception originale du temps et de l’espace,
évoquée sous le terme étrange de dreaming ou
dream time (le « temps du rêve »). Cette pers-
pective est absente de l’ouvrage de B. Bosa,
tiré de sa thèse de doctorat : selon lui, en se
focalisant sur les conceptions bien particu-
lières de l’espace et du temps des premiers
habitants de l’Australie, l’anthropologie aurait
contribué à enfermer les Aborigènes dans un
monde « hors du temps » et immatériel.
Anthropologue formé à l’interdisciplina-
rité, B. Bosa jette donc un pavé dans la mare
C O M P T E S R E N D U S
des études australianistes avec cet ouvrage qui
propose une approche résolument historique
des Aborigènes. L’auteur a dans un premier
temps mené une enquête ethnographique
d’un an auprès de militants politiques abori-
gènes à Melbourne, une enquête nourrie par
de longs entretiens biographiques et par
l’amitié qu’il a nouée avec Gary Foley, l’un
des militants historiques du mouvement.
Cet homme a joué un rôle clé dans cette
recherche : d’abord en facilitant la socialisa-
tion de l’anthropologue au sein de ce réseau
de militants aborigènes du Sud-Ouest de
l’Australie, puis en permettant qu’il ait accès
à des archives encore classées du département
des « affaires aborigènes ».
Dans un second temps, B. Bosa a en effet
mis à profit sa formation interdisciplinaire pour
se muer en historien. Ou plutôt pour « faire
de l’anthropologie à partir des archives », en
interrogeant ces documents administratifs « à
rebrousse-poil », portant sur eux un regard
ethnographique pas très éloigné des proposi-
tions des micro-historiens italiens (« un terrain
de papier », p. 38). Il s’est en effet plongé dans
les archives de l’Aboriginal Protection Board
(APB), en charge des affaires aborigènes, et en
particulier de la scolarisation et du placement
dans des familles blanches. Il y a retrouvé les
traces, nombreuses et édifiantes, de ces pre-
miers militants politiques aborigènes ; ce qui
lui a permis d’écrire l’histoire, jusqu’ici très
lacunaire, de la mise en place du système de
ségrégation étatique qui les a conduits à se
radicaliser. Repérés et choisis pour constituer
une élite éclairée et avant-gardiste, les jeunes
Aborigènes orientés et accompagnés par l’APB
dans les années 1950-1960 sont devenus de
farouches opposants à la politique d’assimila-
tion, participant même à la constitution d’un
mouvement de revendication aborigène natio-
nal. Certains de ces militants, dont Foley, appar-
tenaient au petit groupe d’irréductibles qui a
contesté la souveraineté territoriale de l’État
australien en installant dès 1972 une « tente-
ambassade » devant le parlement fédéral à
Canberra. Le coup d’État (symbolique) perma-
nent que représente cette tente-ambassade,
constituée aujourd’hui d’un ensemble de tentes
et de militants installé de manière durable,1 0 5 4
représente toujours un emblème de la reven-
dication des droits des Aborigènes.
Cette double enquête, faite d’allers-
retours entre le terrain et les archives (une
démarche proche de celle de l’historienne
Isabelle Merle 2), lui permet de composer peu
à peu un tableau de l’évolution des relations
raciales dans l’Australie contemporaine à partir
de trajectoires – individuelles et familiales –
singulières. Le premier mérite de l’ouvrage est
donc de raconter la vie réelle (et non la vie
rêvée) des Aborigènes, et en particulier des
urbains, jusqu’ici largement ignorés par les
sciences sociales. Ces vies sont évoquées à par-
tir de faits sociaux concrets et d’événements,
fondateurs ou non, mais tous évocateurs d’oppor-
tunités et d’espoirs, ainsi que de déceptions.
Ces événements et ces trajectoires sont égale-
ment marqués par l’expérience du rejet.
À travers cette double enquête à la fois
fouillée et délicate, l’auteur parvient aussi à
dépasser les attendus essentiellement moraux
du discours qui dénonce, à juste titre, l’idéo-
logie d’État raciste connue sous le nom de
« White Australia ». Car cette forme de condam-
nation du traitement réservé aux Aborigènes,
notamment à travers l’histoire de la Stolen gene-
ration (ces milliers d’enfants aborigènes enle-
vés à leurs familles, en réalité durant plusieurs
générations, pour être élevés et scolarisés dans
le monde des Blancs), se révèle un peu réduc-
trice pour comprendre le type de ségrégation
bien spécifique qui s’est mise en place dans
cet Étatfédéral qu’est l’Australie.
Sans céder à ce que l’on qualifie parfois de
« cécité » française à l’égard de la question des
relations raciales (une cécité évoquée ici par
l’usage de l’expression color blindness, « dalto-
nisme » en français 3), B. Bosa adopte donc une
approche originale dans le champ des études
australianistes. Il montre en effet comment se
sont mis en place, progressivement, tous les
éléments – dont les lois – qui ont permis d’aller
jusqu’à interdire, souvent au grand désarroi
des acteurs blancs locaux, toute possibilité de
mixité voire de rencontre entre Blancs et Abo-
rigènes, y compris dans des domaines a priori
plus ouverts comme le sport (notamment le
rugby ou le cricket). Cette politique d’État a
mis fin à des processus d’assimilation plus
A P P A R T E N A N C E S
ordinaires, qui avaient cours jusqu’au début du
XXe siècle, dans le cadre des relations de travail
ou matrimoniales et de la coexistence urbaine
en général.
La mise à l’écart des Aborigènes, sur les
plans à la fois juridique, économique, politique
et symbolique, n’est pas uniquement la consé-
quence de l’étrangeté supposée de ces popula-
tions de nomades et de chasseurs-cueilleurs.
Leur rapport au monde et au temps serait-il
si différent du nôtre qu’il justifierait presque
à lui seul, face à une telle altérité, que cette
ancienne colonie de peuplement européen
accorde à la population originelle du pays une
place bien à part, dans des réserves censées la
protéger ? Une place à part symbolisée aussi
par les terribles statistiques nationales sur le
taux d’incarcération et les décès prématurés
des Aborigènes, qui font l’objet d’un débat
récurrent en Australie. La ségrégation de la
population indigène s’est bel et bien forgée
sur un « travail de l’État », sur une mise en
règle progressive des critères et des différences
sur lesquels peut s’établir une logique différen-
cialiste et raciste, de surcroît fondée sur le droit.
Le travail de B. Bosa rappelle aussi utile-
ment que les résistances à la ségrégation et les
luttes actuelles des Aborigènes ne se réduisent
pas à une rhétorique de l’indigénisme et de
ses formes de mobilisation désormais bien
définies, des plus localisées 4 jusqu’à l’Organi-
sation des Nations unies. Les luttes autochtones
actuelles, qui se sont fortement internationa-
lisées, conduisent parfois à négliger d’autres
formes de rejet et de revendication, plus per-
sonnelles, et en particulier celles qui ont tou-
ché dans leur chair ceux qui sont aujourd’hui
les acteurs de ces mouvements. Les expériences
bien concrètes de la ségrégation vécues par ces
militants ont alimenté autant le ressentiment
que la réflexion qui donne le courage et les
outils pour lutter. B. Bosa évoque avec pudeur
la manière dont il a dû gérer la sensibilité
de ses enquêtés face aux informations qu’il
découvrait à leur sujet dans les archives de
l’APB. Les commentaires souvent peu amènes,
voire ouvertement racistes ou dépréciatifs, au
sujet de ces militants aborigènes qu’il a fré-
quentés au quotidien lors de son enquête
constituent pourtant de manière paradoxale la 1 0 5 5
principale source de son analyse des relations
raciales à partir des marges de l’État.
Si le mouvement de revendication abori-
gène (lui-même composé de nombreux petits
mouvements locaux fondés sur des luttes
foncières souvent très localisées) est né de la
demande de reconnaissance du statut de terres
coutumières, il s’est rapidement focalisé, au
niveau national, sur le terrain des relations
raciales. La « racialisation » d’une opposition
qui, au départ, est avant tout une question de
souveraineté s’appuie en réalité sur une entre-
prise quotidienne de construction de la diffé-
rence et de la ségrégation par l’État et ses
agents. Les références autour de la couleur
de peau sont omniprésentes, selon les mots
mêmes des militants et de leurs slogans, mais
aussi dans ceux de l’administration qui a mis
en place cette ségrégation. Avant d’être des
Aborigènes, ils sont des « Black fellas » dans
une Australie alors très blanche, ce qui les a
conduits à s’inspirer largement des revendica-
tions afro-américaines des années 1960-1970
et à faire directement référence aux Black
power. La Nouvelle-Zélande mise à part,
l’Australie blanche a longtemps paru isolée
dans un océan Pacifique peuplé de popu-
lations noires (les populations insulaires
d’Océanie) et asiatiques. Ce n’est qu’au début
des années 1990 que l’Australie a résolument
tourné son regard vers l’Asie et commencé à
adopter officiellement la doctrine du multi-
culturalisme en accueillant de nombreux
migrants asiatiques qualifiés (médecins, ingé-
nieurs...).
Ce ne serait pas rendre justice à cet ouvrage
que de se focaliser sur les perspectives qu’il
ouvre et de trop s’éloigner de la minutieuse
enquête qui en constitue le fondement, et qui
est restituée ici avec un grand souci du détail.
Grâce à l’abondante documentation produite
au fil des ans par l’APB sur les individus qu’il
avait sélectionnés, B. Bosa montre tout d’abord
que, pour être toujours très marginaux dans
la société australienne, les Aborigènes n’ont
cependant pas été tenus à l’écart : politiques
d’assimilation, adoption des enfants noirs par
des familles blanches, scolarisation et sélection
d’éléments susceptibles de former une élite,
stratégies d’insertion dans la vie économique...,
C O M P T E S R E N D U S
nombre de commissions et de spécialistes se
sont penchés sur la manière d’intégrer les élé-
ments les plus brillants dans la société austra-
lienne, tout en organisant le maintien à l’écart
de la majorité d’entre eux. Le livre raconte
cette histoire de manière vivante et détaillée,
toujours à partir de trajectoires singulières,
alternant les références aux archives, généra-
lement porteuses de la parole blanche, avec
des entretiens qui révèlent quant à eux le
point de vue colonisé, celui de ces Black fellas
pour qui cela ne s’est pas exactement passé
comme prévu par l’administration.
Consacré avant tout à la question du colo-
nialisme, cet ouvrage constitue, à certains
égards, un modèle d’étude ethno-historique
sur la construction des catégories sociales et
raciales en situation coloniale. Dans l’introduc-
tion, B. Bosa mobilise une longue tradition de
travaux consacrés à l’analyse historique des
relations de pouvoir, ce qui lui permet d’éla-
borer un cadre théorique général pour ethno-
graphier l’État colonial. Il s’appuie notamment
sur les travaux et les concepts de Charles Tilly,
Pierre Bourdieu, Gérard Noiriel ou Martina
Avanza et Gilles Laferté pour démontrer que
les « cultures », dont les contours sont eux
aussi bien souvent racialisés, sont toujours le
produit d’une construction. Se référant aux tra-
vaux de Ian Hacking, il s’interroge également
sur les processus de construction des catégo-
ries, qu’elles soient sociales ou raciales.
Comment devient-on aborigène ? B. Bosa
explique que lorsqu’il montre à ses collègues
en France des photos des militants aborigènes
qu’il a étudiés, ceux-ci s’étonnent de voir des
individus clairs de peau, des métis au mode de
vie urbanisé qui ne ressemblent en rien à la
représentation qu’ils se font des Aborigènes.
Comment se fait-il que des individus puissent
être totalement discriminés parce qu’ils sont
noirs dans un contexte, alors que des cher-
cheurs progressistes peinent tout simplement
à croire qu’ils le soient en les voyant ? C’est ici
que prend tout son sens l’idée d’interroger les
archives pour reconstituer la genèse de ces
catégories sociales et raciales qui constituent
encore aujourd’hui la color line en Australie.
Fondé sur une démarche rétrospective en par-
tant du présent, le livre offre aux historiens1 0 5 6
de la période contemporaine des perspectives
stimulantes, par sa manière de confronter les
archives aux discours des acteurs.
Il faut insister sur l’apport que représente
une telle perspective sur le plan méthodo-
logique. En associant ethnographie et recours
aux archives, B. Bosa montre que ses enquêtés,
loin de tout essentialisme, entretiennent une
relation elle-même évolutiveavec la catégorie
d’« Aborigène ». Bien que l’histoire soit de
plus en plus souvent mobilisée par l’anthropo-
logie, il est rare qu’elle occupe une telle im-
portance dans le travail d’un anthropologue,
jusque dans ses méthodes de recherche quo-
tidiennes. L’auteur, qui qualifie son travail
d’« histoire ethnographique » (p. 26), cherche
avant tout à décrire, sur la longue durée, la
tension permanente qui caractérise les rapports
entre les individus et les forces qui cherchent
à s’imposer à eux, notamment par le biais de
l’État. Il revendique comme une référence
majeure de la sociologie du militantisme
l’ouvrage de Bernard Pudal sur les militants
communistes 5. Il inscrit l’étude de ces mili-
tants aborigènes de la première heure dans la
lignée des travaux sur la question du « person-
nel politique illégitime » et sur les processus
d’entrée dans le champ politique. Il établit
ainsi un parallèle assez saisissant entre les mili-
tants communistes des années 1930 étudiés
par B. Pudal et ces militants aborigènes qui,
comme eux, se différenciaient de leurs congé-
nères « par une scolarité plus longue et une
trajectoire sociale ascendante partiellement
avortée » (p. 571). Dans les deux cas en effet,
il semble que le militantisme ait été une
manière de résoudre les contradictions inhé-
rentes à leur trajectoire personnelle.
L’une des questions centrales de ce livre
tient au statut bien particulier des individus
dont il est question, et l’auteur accorde d’ailleurs
une large place aux tâtonnements méthodo-
logiques de l’enquête. Le fait de travailler sur
des « individus d’exception » soulève un cer-
tain nombre de problèmes, évoqués ici en
s’appuyant sur les écrits de Richard Hoggart
ou de Jean-Claude Passeron : comment dépas-
ser le biais qu’introduit le fait de n’étudier
que des trajectoires « exceptionnelles » au
A P P A R T E N A N C E S
sein des classes populaires ? Outre la compa-
raison avec les militants politiques dans le
contexte européen (ce qui permet de sortir
un peu les Aborigènes de leur exotisme irré-
ductible), il fait le lien avec d’autres travaux
importants sur les trajectoires de militants
dits « illégitimes », comme au sein des mou-
vements gays ou autour de la question noire
aux États-Unis. Le seul regret que l’on pour-
rait formuler, c’est que cet ouvrage aurait gagné
à être un peu plus ramassé pour trouver un plus
large public.
ÉRIC WITTERSHEIM
1 0 5 7
1 - William E. H. STANNER, After the Dreamin:
Black and White Australians, An Anthropologist’s View,
Sydney, Australian Broadcasting Commission, 1969.
2 - Isabelle MERLE, « Des archives à l’entretien
et retour : une enquête en Nouvelle-Calédonie »,
Genèses, 36, 1999, p. 116-131.
3 - Bastien BOSA, « Plus blanc que blanc. Une
étude critique des travaux sur la whiteness », in
D. FASSIN (dir.), Les nouvelles frontières de la société
française, Paris, La Découverte, 2010, p. 129-145.
4 - Barbara GLOWCZEWSKI, Guerriers pour la
paix. La condition politique des Aborigènes vue de Palm
Island, Montpellier, Indigène Éditions, 2008.
5 - Bernard PUDAL, Prendre parti. Pour une socio-
logie historique du PCF, Paris, Presses de Sciences
Po, 1990.

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