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La Croix Corps et ame une histoire de la personne au Moyen Age par Jerome Baschet

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« Corps et âme, une histoire de la
personne au Moyen Âge » par
Jérôme Baschet
Par Élodie Maurot, le 3/11/2016 à 10h22
HISTOIRE. Jérôme Baschet revisite les rapports du corps et de l’âme dans le christianisme
médiéval et refuse toute idée d’un mépris du corps au bénéfice de l’âme.
• Corps et âme. Une histoire de la personne au Moyen Âge, de Jérôme Baschet, Flammarion,
408 p., 26 euros
Il n’est pas rare d’avoir des idées simplistes sur le Moyen Âge chrétien, y compris dans les milieux
savants. Surtout quand il s’agit du corps. On imagine ainsi souvent que le christianisme médiéval
conçoit l’être humain comme le terrain d’une guerre, guerre entre une âme, tendue vers le ciel et
aspirant à rejoindre Dieu, et un corps méprisable, marqué par le pêché et soumis à toutes les
tentations. Cette conception dualiste de l’homme, l’historien Jérôme Baschet nous prouve qu’elle
est erronée.
Certes, reconnaît-il, le Moyen Âge n’a pas ignoré la lutte de la chair et de l’esprit, mais « les clercs
médiévaux ont aussi pensé le rapport entre l’âme et le corps comme une union heureuse, une
harmonie musicale, une amitié profonde ». Il montre que les conceptions dominantes de la
personne humaine dans l’Occident médiéval sont « duelles » – elles définissent l’être humain par
la conjonction de deux entités, l’âme et le corps – mais « non dualistes » : on n’y trouve pas
d’incompatibilité entre le charnel et le spirituel, pas plus qu’une dévalorisation du premier au profit
du second.
La démonstration est précise, car les accents dualistes existent bien dans le christianisme.
Jérôme Baschet rappelle l’existence d’une sensibilité néoplatonicienne qui identifie l’homme à son
âme, et qui pèse sur l’Antiquité tardive, puis sur la culture monastique du haut Moyen Âge.
Mais cette « pesanteur dualiste », où le corps est considéré avec mépris, s’atténue puis se
retourne en son contraire au tournant des XIIe et XIIe siècles. Thomas d’Aquin poussera « la
logique antidualiste à un point extrême », souligne-t-il. Thomas ne se contente pas d’affirmer,
comme nombre de ses prédécesseurs, que l’union avec le corps est bénéfique pour l’âme.
Pour lui, l’âme a besoin du corps pour atteindre sa perfection propre. D’où son refus d’identifier
l’homme à son âme. « L’âme n’est pas l’homme entier et mon âme n’est pas moi », écrit-il. On ne
saurait être plus éloigné de l’idée d’un corps « prison de l’âme »…
La chrétienté a pour ligne d’horizon la résurrection des corps et le « corps glorieux », union
parfaite entre le corps et l’âme. Jérôme Baschet rappelle que, dans cette anthropologie, le corps
est soumis à l’âme selon une hiérarchie toujours respectée. Mais, cette condition reconnue, il
insiste sur « l’extraordinaire rédemption du corps impliquée par la conception de la résurrection
qui s’affirme dans l’Occident médiéval ».
Dans ces questions complexes, Jérôme Baschet avance avec finesse et pédagogie. Une
pédagogie qui utilise avec bonheur l’histoire de l’art. Avec lui, nous découvrons la grande subtilité
des artistes du Moyen Âge dans l’illustration de ces thèmes.
Ils n’hésitent pas à représenter l’âme s’échappant de la bouche du mourant par… son « contraire »
ou du moins son « Autre » : un petit corps nu qui monte vers le ciel. Et ce n’est pas que les artistes
n’aient pas su faire autrement ! Ils ont parfois retenu d’autres options – comme figurer l’âme par un
oiseau ou une silhouette ailée ou évanescente –, mais « celles-ci sont restées marginales ou ont
progressivement été écartées au profit de la représentation de l’âme par un corps ».
Pour l’historien, ce choix iconographique confirme le non-dualisme du christianisme médiéval.
« Cette option implique que l’âme, tout en se distinguant essentiellement du corps, puisse
néanmoins être figurée par lui. »
Les artistes ont su « donner corps à l’âme » avec un talent qui émerveille. Les âmes sont souvent
nues pour exprimer l’instant fugace où elles se détachent des corps. Elles sont vêtues pour
témoigner de la gloire spirituelle à laquelle accèdent les élus.
Les âmes damnées sont généralement nues et de grande taille comme pour souligner leurs
dérives charnelles, tandis que les âmes des saints peuvent être représentées avec un réalisme
étonnant, comme pour mieux marquer la continuité entre le saint vivant et son âme désormais aux
cieux.
Ce voyage à travers les représentations de la vie humaine et de sa destinée nous rendent les
médiévaux plus proches. Le propos de Jérôme Baschet est d’ailleurs de montrer qu’ils préparent
sans le savoir le tournant de la modernité, qui fera surgir la figure de l’individu. Car l’histoire est
faite de ruptures, mais jamais de coupures survenant ex nihilo.
Élodie Maurot
	« Corps et âme, une histoire de la personne au Moyen Âge » par Jérôme Baschet

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