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• EN FRANÇAIS FACILE •
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LECTURES CLE EN FRANÇAIS FACILE
elE
INTERNAnONAL
1A REINE MARGOT -
ALEXANDRE DUMAS
Adapté en français facile
par Brigitte Faucard-Martinez
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© eLE International - VUEF - 2001 - ISBN: 978 209 031 920 - o
r-----------------------------
ALEXANDRE DUMAS nait en
- Normandie en 1802. Il perd
son pere à l'âge de .quatre
ans. À quatorze ans, pour aider sa famille, il devient
clerc' de notaire.
En 1822, il part à Paris et commence à écrire.
Avec Ia représentation du drame Henri et la cour,
en février 1829, il commence à être populaire.
Il écrit d'abord pour le théâtre, puis se tourne
vers le romano Avec Le Comte de Monte-Cristo
(1844), il devient tres célebre. Il écrit alors d'autres
romans à succês, publiés parfois sous forme de
Ieuílletons": Vingt Ans aprês (1845), La Reine
Margot (1845) ...
TImeurt en 1870.
•
***
Clerc de notaire : employé d'un notaire.
2..Feuilletons : chapitres ou passages de romans qui sont publiés
tous les jours dans un joumal.
-3-
Pour écrire ses ceuvres, Alexandre Dumas a
souvent cherché ses sources dans l'histoire. Certains
de ses romans, c'est le cas entre autres de La Reine
Margot, ont lieu au moment des guerres de religion.
Dans ce récit, Alexandre DUJTlasnous décrit l'un
des événements les plus sanglants de l'histoire de
France, Ia Saint-Barthélemy.
En 1572, Ia famille royale établit une politique qui
cherche à réconcilier les partis religieux opposés de
l'époque, l.€"-:particatholique et le parti protestant ;
ceci a pour conséquence l'influence marquée de
Coligny - chef protestant - dans les décisions prises
par le roi, et le mariage de Marguerite de Valois avec
Henri de Navarre. Mais le parti catholique, qui
. n'apprécíe pas ces changernents, devient menaçant
et risque de s'opposer au roi Charles IX.
En voyant ce danger, Catherine de Médicis
pousse son fils, le roi Charles IX, à une réaction
violente. Ce dernier charge le duc- de Guise d'agir.
Dans Ia nuit du 23 au 24 aoút 1572, plus de 3000
protestants, dont Coligny, sont assassinés.
Les mots ou expressions suivis d'un astérisque* dans le texte
sont expliqués dans le Vocabulaire page 61.
-4-
CHAPITRE I
C E LUNDI, le 18 aoüt 1572, li y a une grandefête au Louvre'. À minuit, les lumíeresde Ia maison royale scnt encore
allumées et les places et les rues qui se trouvent
pres de lã sont pleines de monde.
Tous ces gens sont venus assister à
l'événement du jour : les noces' de Margueríte
de Valois, fille d'Henri II et SCBurdu roi Charles IX,
avec Henri de Bourbon, roi de Navarre.
Dans Ia salle de bal, tous les grands" sont lã :
Ia belle mariée, Marguerite, avec ses
magnifiques cheveux noirs, accompagnée de Ia
duchcsse Henriette de Nevers, sa meilleure
amie ; ses Irêr e s , le duc d'Anjou, le duc
d'Alençon et le roi Charles IX, qui ne l'appelle
que « ma SCBur Margot », et Ia reine mer e ,
Catherine de Médicis. Et naturellement le roi de
Navarre entouré de ses amis, ces huguenots'
•
1. Le Louvre : ce grand musée de Paris a d'abord été une maison
ou vivaient les rois.
2. Noces : mariage.
3. Grands : personnes importantes.
4.Huguenot : protestant.
-5-
autrefois ennemis du royaume et maintenant
amis.
Tous, catholiques et protestants, parlent
ensemble ; le duc de Guise avec l'amiral' de
Coligny, huguenot dont le roi Charles IX ne peut
plus se passer, à tel point qu'ill'appelle mon pere.
Tous semblent devenus frer es, mais en
apparence seulement, car personne ne croit en
ce rapprochement", même si le roi Charles IX ne
cesse de déclãrer-à qui veut l'entendre :
- En donnant ma SCBurMargot à Remi de
Navarre, je donne mon CCBur à tous les
protestants.
Pendant Ia soirée, le duc de Guise se place
xííscretement pres de Margot et lui dit tout bas :
- Que va-t-il se passer, ce soir ?
- Viens, comme d'habitude, répond Margot.
Le roi de Navarre ne voit rien de cela car, de
son côté, il mange des yeux Madame de Sauve,
sa maitresse" depuis quelques mois. Il s'avance
alors vers elle :
- Dans peu de temps, le roi de Navarre sera
dans tes bras.
- Je crois plutôt, Sire, qu'íl sera dans ceux
d'une autre.
1.Amiral : commandant dans l'arrnée de mero
2.Rapprochement : rétablissement de relations amicales.
3.Maitresse de quelqu'un : femme qui a des relations amoureuses
avec un homme sans être son épouse.
-6- Charles IX marie sa sceur Margot avec Henri de Navarre.
- Tu te trompes, il passera Ia nuit avec toí.
En entendant cela, Madame de Sauve rougít
légerement, sourit au roi puis s'éloígne à petits pas.
***
Apres avoir conduit Ia duchesse de Nevers,
sa belle-sceur, chez elle, le duc de Guise court
au Louvre retrouver Margot.
Une fois..danssa chambre, Margot lui dit :
- AloiS, és-tú content ?
- Content de quoi ?
- De Ia preuve d'amour que je te donne. Le
soir même de mes noces, je passe Ia nuit avec
toi et non avec celui que je viens d'épouser et
qui ne rn'a même pas remerciée d'avoir accepté
de devenir sa femme.
- Il viendra, j'en suis sür,
C'est alors que Ia servante dy)a reine Margot
entre dans Ia chambre :
- Madame, le roi de Navarre se dirige vers
vos appartements.
- Tu vois, dit le duc de Guise, je savais qu'il
viendrait.
- Henri, dit Margot au duc en lui prenant Ia
main, entre dans ce cabinet', et écoute, tu
verras que je ne serai jamais à lui.
LCabinet : petite píêce à côté d'une chambre pour travailler,
lire...
-8-
Et elle pousse le duc dans le cabinet.
Elle vient juste de fermer Ia porte lorsque le
roi de Navarre entre.
- Vous n'êtes pas encere couchée, madame,
dit Henri de Navarre, d'un ton ironique. Est-ce
que vous m'attendiez, par hasard ?
Non, monsieur, car vous savez
parfaitement que notre union est uniquement
politique et que vous ne m'obligerez jamais à
être à vous.
- Parfait ! Mais cela ne nous empêche pas
de parler un peu ensemble.
- Comme il vous plaira, Majesté, répond
Margot.
- Madame, je vais être franc'. Notre maríage
me semble être un píege", Le roi me déteste, le
duc d'Anjou me déteste, le duc d'Alençon me
déteste ; quant à votre mêre, elle détestait ma
rnere es doit aussi me détester.
- Que dítes-vous, monsieur?
- La vérité, Marguerite. Et je sais, comme
vous le savez, que c'est René, le parfumeur' de
Ia reine mere, qui a empoisonné ma mere, et je
sais égaleruent qui a donné cet ordre. Par
conséquent, vaus imaginez bien que je ne croís
•
LÊtre franc : être síncere, dire exactement ce qu'on pense.
2.Píêge : ruse pour tromper quelqu'un.
3.Parfumeur : personne qui crée des parfums.
-9-
absolument pas en cette amitié soudaine que
m'offrent le roi et vos chers freres.
- Sire, sire, parlez moins fort, je vous prie.
- Et pourquoi donc, ma chere, nous sommes
bien seuls ?
- Naturellement, répond Margot, mal à
l'aise.
- Je disais donc que je suis détesté et
menacé ' de taus les côtés. Je ne peux me
défendre sans vatre aide, car tous ceux qui me
menacent vaus aiment, vaus, Marguerite.
-Mai?
- Naturellement. Vos freres d'abord, puis le
. duc de Guise, votre ...
- Monsieur ... vayans, que voulez-vous dire ?
Et, je vaus en prie, parlez plus bas.
- Ce que je veux dire ... je vous prie d'être
non mon amie, car c'est trop demander, mais
man alliée". Est-ce que je peux campter sur
vaus?
- Je ne serai jamais vatre ennemie,
monsieur ! dit Margot
- Et man amie ? ..
- Peut-être.
- Et mon alliée ?
1.Menacé : en danger.
2.Allié : personne qui partage les opinions d'une autre personne
et Ia soutient.
-10-
-Sürement.
Le roi lui prend ia main.
- Naus ne naus devons donc rien comme
mari et femme, mais naus' ne ferans qu'un s'il le
faut pour lutter contre nas ennemis. C'est bien
cela?
- Oui, monsieur, répond Margot, três bas ;
mais, partez, je suis fatíguée. Partez,je vaus en
prie ...
- Bon, nous reparlerons de tout cela; naus
sommes dane alliés ?
- Oui, monsieur ... Mais laissez-moi.
- Je pars, madame, et merei, Margot, tu es
une vraie fille de France. Je n'ai pas ton amour
mais je sais que je peux compter sur toi.
Et, apres lui avoir baisé Ia main, le roi de
Navarre s'en va.
Le duc de Guise entre aussitôt dans Ia
chambre.
- Ainsi, Margot, tu n'es pas sa femme mais
son alliée.
- Tu as tout entendu !
- Oui, et je comprends que tu as changé de
campoAdieu, Margot.
Et le duc part à son touro
Margot, seule, se dit alors :
,
-11-
« Quelle nuit de noces, le mari n'est pas là
et (amánt1 me quitte ! »
***
Pendant les jours suivants, la fête continue
au Louvre et dans les rues.
Un soir, Charles IX se trouve dans ses
apparterriênts-àvec le duc de Guise. Ill'écoute
attentivement tout en caressant son chien
Actéon. Sa no ur ri ce", Madeleine, qui est
protestante et qui l'aime comme un fils, lui sert
à boire puis se retire. C'est alors qu'entre Remi
de Navarre.
- Quel plaisir de vous voir, mon cher
Henriot l
- Je voulais savoir si l'amiral Coligny était là,
car il doit avoir des nouvelles de quelques
gentilhommes" que j'attends.
- Encore des gentilhommes ! Mais il y en
avait huit cents pour vos noces et tous les jours
il en arrive des nouveaux. Vous voulez nous .
envahir, dit Charles IX en riant.
1.Amant : homme qui a des relations amoureuses avec une
femme sans être son époux.
2.Nourrice: femme qui éleve un enfant.
3.Gentilhomme : homme de naissance noble.
-12 -
Le duc de Guise regarde Remi de Navarre
d'un mauvais ceíl'.
- Sire, ces jeunes gens viennent pour vous
aider dans les préparatifs de la guerre contre
l'Espagne. Je réunis tous les gentilhommes de
mon pays pour pouvoir vous servir.
Le duc de Guise ne perd pas un mot de ce
que dit Remi de Navarre. Et, comme il se
rappelle la conversation qu'il a entendue entre
la reine Margot et le roi de Navarre, il semble un
peu inquieto
- Moi aussi, Sire, je cherche partout des
jeunes hommes courageux, prêts à se battre
pour vous.
C'est alors qu'arrive l'amiral.
- Ah ! Vous voici ! s'écrie Charles IX. On
parle de guerre, savez-vous, de gentilhommes
courageux qui viennent nous aider.
- Avez-vous des nouvelles, monsieur ?
demande le roi de Navarre.
- Oui, et tout particulíerement de M. de La
Mole ; il était hier à Orléans et sera bientôt à
Paris.
- Parfait, dit Charles IX, vous voilà
tranquille, Henriot ; et maintenant, messieurs,
laissez-nous, je veux parler avec l'amiral.
•
1.D'un mauvais ceil : d'un regard mauvais.
-13 -
Le duc de Guise et le roi de Navarre se
séparent sans se dire un moto
- Écoutez, dit alors Charles IX à Coligny,
une fois seuls. Je suis occupé aujourd'hui, je ne
peux donc pas vous donner tous les plans de
guerre faits par mes ministres. Je chercherai
tout cela et je vous les donnerai demain matin.
- À quelle heure, Sire?
- À dix heures. Mais je serai sürernent à Ia
chasse. Vous les prendrez vous-même dans mon
cabinet de travail. Ils seront dans un
portefeuille' rouge.
- Bien, Sire. Adieu.
Et Coligny s'en va.
Charles IX fait venir sa nourrice et lui
demande de faire entrer l'homme qui doit
l'attendre.
L'homme, qui a un air mauvais, entre peu
apres.' ~
- C'est vous, dit le roi, que l'on appelle
François Maurevel.
- Oui, Sire.
- Je voulais vous voir. Vous savez que j'airne
tous mes sujets, qu'ils soient huguenots ou
catholiques.
- Oui, Sire.
- Mais, d'apres ce que je sais, il n'en est pas
1.Portefeuille: carton ou l'on range des papiers.
-14-
de même pour vous. Vous détestez les huguenots,
il me semble, au point de les tuer, cornrne vous
avez essayé de le faire avec l'amiral, il y a
quelque temps, et avec un autre huguenot fort
célebre, Monsieur de Mouy. Au fait, combien le
duc de Guise devait-il payer pour tuer l'arniral ?
L'hornrne regarde le sol et ne répond pas.
- Combien! -
- Dix mille écus', Sire.
- Vous airnez les armes, monsieur Maurevel.
- Oui, Sire.
- Voyez cette arquebuse", sur le mur ; je
vous Ia donne. Je dois faire plaisir à mon cousin
de Guise. Il a un ennemi qui le dérange
beaucoup. Vous nous débarrasserez" de lui.
- Et quel est cet ennemi ? demande
Maurevel.
- Est-ce que je sais, moi! La seule chose
que je peux vous dire, c'est qu'il sortira du
Louvre' d emain, vers dix heures, avec un
portefeuille rouge sous le bras.
•
1.Écu : ancienne rnonnaie.
2.Arquebuse : ancienne arme à feu.
3. Se débarrasser de quelqu'un : le tuer.
-15-
CHAPITRE II
V ERS LA FIN de Ia journée du 23 aoüt1572, le gentilhomme, appelé La Mole,que le roi de Navarre attend avec
impatiênce, arrive à Paris. Il a fait un lorig
voyage et il est fatigué. Au bout d'un moment, il
s'arrête devant une auberge '. Son nom, À la
Belle Étoile, lui plait et il décide d'y entrer.
Au même moment, un autre jeune homme
s'arrête devant l'auberge, regarde un instant et
décide lui aussi d'entrer.
L'aubergíste leur dit que, n'ayant plus qu'une
chambre, ils devront Ia partager.
- Paris est plein de gentilhommes venus
pour le maríage et pour Ia guerre d'Espagne,
vous aurez bien du mal à trouver autre chose
que ce que je vous propose.
- Bien, dit La Mole, cela ne me gêne pas, et
vous?
- Puisque c'est Ia seule solution, acceptons,
dit l'autre jeune homme. Je suis le comte
Annibal de Coconnas, pour vous servir.
1.Auberge : endroit ou les voyageurs peuvent rnanger et dormir.
-16-
- Et moi, je suis le comte Hyacinthe de La
Mole, votre humble serviteur.
Et, pendant que l'aubergiste leur prépare Ia
chambre, les deux jeunes gens se mettent à
bavarder.
- Je cherche le Louvre, dit La Mole.
- Vraiment ! Comme c'est curieux, moi
aussi, répond Coconnas. Je dois rencontrer le
duc de Guise le plus vite possible. Et vous aussi,
sans doute?
~ Moi, je suis chargé de voir le roi de
Navarre ou l'amiral de Coligny, si le roi est
absent.
Laubergiste, qui vient de descendre, entend
cette derníere phrase et dit :
- Vous aurez du mal à le trouver, apres ce •
qui s'est passé.
- De qui parlez-vous et que s'est-il passé ?
demande La Mole.
- De Coligny. Avant-hier, en sortant du
Louvre, il a reçu un coup d'arquebuse.
- Et il est mort ?
- Non, mais il est gravement blessé au bras.
Cette nouvelle inquiete La Mole et, au lieu de
diner à l'auberge, comme il pensait le faire, il
préfere se rendre au plus vite au Louvre. Il parto
Peu apres, le comte de Coconnas sort à son
tour de l'auberge.
-17 -
Une fois au Louvre, La Mole se demande
tomÍnent il va faire parvenir son rnessage au roi
de Navarre, quand il voit sortir un groupe de
cavaliers' huguenots. Il s'avance vers eux et
demande à celui qui semble être le chef s'il peut
voir le roi de Navarre.
- Qui êtes-vous ? demande le chef des
cavaliers.
- Le comte de La Mole.
- En effét, vous êtes attendu. Suivez-moi, je
vais vous conduire jusqu'à l'appartement du roi.
Une fois devant Ia porte de l'appartement,
l'homme dit à La Mole :
- Entrez, monsieur, on vous informera.
Et il s'en va.
La Mole regarde autour de lui, appelle, mais il
n'a pas de réponse. Les appartements du roi
sont vides.
Il ressort dans le couloír, espérant trouver
quelqu'un, lorsque Ia porte qui se trouve en face
de lui s'ouvre et laisse passer une jeune femme
d'une grande beauté.
En voyant le jeune homme, Ia femme s'arrête
et lui demande:
- Que voulez-vous, monsieur ?
- Je cherche le roi de Navarre.
- Sa Majesté n'est pas chez lui. Mais, si vous
1.Cavalier : personne montée sur un cheval.
-18 - La Mole rencontre Margot pour ta premiére fois.
voulez, vous pouvez dire à Ia reine ...
- - Oui, bien sür, puis-je voir Ia reine?
- Mais vous Ia voyez, monsieur.
- Comment! s'écrie La Mole.
- Je suis Ia reine de Navarre, répond Margot
en souriant. Mais, je vous en prie, monsieur,parlez vite car je suis pressée.
- Oh, madame, pardonnez ma lenteur, mais
votre vue m'a ébloui'. Je suis le comte de La
Mole et je dois remettre une lettre à Sa
Majesté ...
- Le roi, mon mari, a en effet parlé de vous ;
donnez-moi votre lettre, je Ia lui remettrai.
La Mole lui donne aussitôt Ia lettre qu'elle
cache dans sa robe.
- Et maintenant, monsieur, dit-el1e, l'un de
mes serviteurs vous conduira dehors. Revenez
plus tard ; on vous indiquem ce que vous devez
faire.
En sortant du Louvre, La Mole rencontre par
hasard Coconnas.
- Alors, avez-vous vu le roi? demande
Coconnas.
- Pas encore. Et vous, avez-vous eu plus de
chance avec le duc de Guise ?
- Eh bien, non, mais je vais rentrer à
1.Éblouir : troubler, impressionner.
-20 -
l'auberge ; j'attends un message'. Venez donc,
nous dinerons ensemble.
***
Pendant que Coconnas et La Mole dinent à
La Belle Étoile, le duc de Guise vient d'entrer
chez Catherine de Médicis, au Louvre.
- Tout va mal, dit le duc en refermant Ia
porte.
Catherine, surprise, leve Ia tête et lui
demande:
- Que voulez-vous dire, Henri ?
- Je veux dire que le roi est plus que jamais
fascine" par ces huguenots qui ne cessent de
venir ici. Si cela continue, nous serons bientôt •
dominés par eux.
- Voyons, Henri, dites-moi exactement ce
qui s'est passé, dit Catherine d'un ton calme et
froid.
- Je viens de lui demander si nous allons
supporter lorigt.emps les insultes" que les
huguenots nous adressent depuis Ia tentative
d'assassinat contre l'amiral. Et savez-vous ce
qu'il a répondu ? Il a répondu que l'on doit
1.Message : lettre, mot...
2. Fasciné : três attiré.
3. Insultes: paroles dites pour blesser, offenser.
-21-
croire que je suis le responsable de l'attentat'
contre son pere, et que, si les protestants sont
un peu nerveux, e'est bien normal. Puis il s'est
mis à donner à manger à ses ehiens de chasse.
- Est-il seul ehez lui ?
- Il est avec sa nourrice.
- Bien, suivez-moi.
Catherine de Médicis, prenant un air
préoccupé, entre chez Charles IX.
- Mon fils !dit-elle d'une voix tremblante.
- Qu'avez-vous, ma mere, vous ne semblez
pas três bien ?
- En effet, mon fils, et je viens te demander
Ia permission de partir dans un de tes châteaux,
:à Ia campagne, car je ne supporte plus d'être à
Paris.
- Et pourquoi donc ? dit Charles IX.
- Pourquoi ? Tu me demandes pourquoi ?
L'entendez-vous, Guise ? Pare e que ehaque jour
je me sens insultée et menacée par tous ces
huguenots et que eette situation devient
insupportable.
- Mais, mêre, c'est assez normal, on vient
d'essayer de tuer un de leurs chefs. Ne vous
inquiétez pas, ils se ealrneront.
- C'est ce que tu crois, mais c'est une
erreur. Aujourd'hui, ils nous insultent et nous
1.Attentat : tentative pour tuer quelqu'un.
-22 -
menacent, mais demain, ils passeront à l'action
et se vengeront' sur le duc de Guise, sur moi,
sur toi...
- Vous croyez ? dit Charles IX qui eommence
à être inquieto
- J'en suis süre !
- Mais, alors, que faut-il faire ?
- Que fais-tu, à Ia ehasse, quand un sanglier
vient vers toi ?
- Je prépare mon épieu" et je le lui plante
dans le corps.
- Ainsi, l'anirnal ne peut plus te faire de mal,
c'est bien cela?
- Oui, mere.
- Eh bien, avec eux, c'est pareil. Si tu ne fais
pas eomme avee le sanglier, ils te tueront. Il faut
vite te débarrasser de tes ennemis.
- Éeoute ta mere, Charles, elle a raison, dit
le duc de'Guise. Et agis le plus vite possible.
- Ah! Vous me fatiguez ; viens, Actéon, mon
chien, viens te promener. Quant à toi, mon
eousin, fais ce que tu veux ..., je ne veux rien
savoir.
Et Charles IX sort.
Le duc de Guise et Ia reine mére en profitent
•
1.Se venger : répondre à une mauvaise action que l'on a subie par
une autre mauvaise action.
2.Épieu : long bâton terminé par un fero
-23 -
pour par:ler et réunir leurs hommes pour agir
cette nuit même.
Mais le Louvre est une maison ou les murs
ont des oreilles.
Renriette de Nevers, qui est au Louvre,
apprend bientôt qu'il va se passer quelque
chose. Elle se rend vite chez Margot et lui dit c:
- Margot, je crois que cette nuit va être
terrible ; je HE; sais pas exactement ce qui va se
passer, mais, je t'en supplie, reste chez toi. Moi-
même je vais vite rentrer chez moi.
Margot, apprenant cela, se rend discretement
chez le roi de Navarre.
- Toi ici, Margot, quel plaisir de te voir ! dit
Remi de Navarre d'un ton un peu ironique.
- Remi, l'heure n'est pas à Ia plaisanterie.
Un grand événement va se passer, je le sens, on
me l'a dito Ne sors pas ce soir, J9-isce que je te
dis.
Remi de Navarre comprend que Margot dit
vrai et devient pâle.
- Ce n'est pas tout, ajoute Marguerite, j'ai
une lettre pour toi de monsieur de La Mole.
- Dorme, et merci, Margot, merci de ton
aide. Et maintenant, je crois que nous devons
nous retire r chacun chez soi et attendre Ia suite
des événements.
***
-24-
Il est onze heures du soir. À La Belle Étoile,
Coconnas et La Mole, qui ont fini de dlner
depuis un bon moment, bavardent tranquillement.
- Je crois que je vais aller me coucher, dit
La Mole. Le voyage a été long ; je veux me
reposer un peu car on viendra sürernent me
donner des nouvelles, cette nuit.
- Eh bien, bonne nuit, monsieur de La
Y10le; quant à moi, je vais rester un peu car je
crois que je vais bientôt recevoir un message.
La Mole monte donc dans sa chambre tandis
que Coconnas reste boire un verre de vin.
Un moment plus tard, un homme au vísage
dur entre dans l'auberge, suivi de quelques
hommes. Il regarde dans Ia salle, s'approche de
Coconnas et lui dit assez bas :
- Monsieur de Coconnas ?
- En effet ;mais qui êtes-vous ?
- Je-m'appelle Maurevel et j'ai un message
pour vous de Ia part du duc de Guise.
- Dites, s'écrie Coconnas, fort intéressé,
est-ce que je dois aller tout de suite au Louvre ?
- C'est là en effet que nous allons. Il y a une
fête ce soir encore au Louvre. Mais cette fête
n'est que pour les bons catholiques. Tous ces
chiens' d'huguenots n'y sont pas invités,
•
LChien : un « chien » est une mauvaise personne ; c'est une
insulte c
-25-
ou plutôt si, dit Maurevel avec un sourire
méchant, ils seront là et ils seront les héros.
Mais tout d'abord, allons inviter leur chef, ce
cher amiral !
- Je ne comprends pas bien ce que vous
voulez dire, dit Coconnas. Nous allons chercher
l'amiral alors que eette fête n'est que pour lese
eatholiques ?
- Regardez dehors, monsieur, et vous
comprendrez.
Coconnas jette un eoup d'oeíl par Ia fenêtre
et voit plein d'hommes à cheval et armés.
- Cette fête, e'est done pour ...
- Oui, pour tous les tuer, pour en finir avee
eux ... Par ordre du roi et de monsieur de Guise.
Allons, il ne faut pas perdre de temps, partons
ehez l'amiral. Mais, au fait..., ajoute Maurevel
d'une voix plus forte, j'espêre qu'il n'y a pas
dans eette auberge u~' de ees chiens
protestants.
- Si, dit l'aubergiste, la-haut, dans une
ehambre, il y en a uno N'est-ce pas, rnonsieur-i'<
dít-íl à Coconnas.
- Il faut le tuer, s'écrie Maurevel, il ne doit
plus en rester un seul.
Et il monte l'escalier en courant, suivi de ses
hommes et de Coconnas.
Au moment ou ils arrivent à Ia porte de Ia
chambre, plusieurs coups de feu éclatent dans
-26-
Ia rue. On entend alors La Mole sauter de son lit
et ouvrir Ia fenêtre. Maurevel ouvre aussitôt Ia
porte, La Mole se retourne, comprend tout et
saute par Ia fenêtre.
- Un de moins ! dit Maurevel.
Coconnas s'avance , regarde par Ia fenêtre et
s'écrie :
- Erreur, il se sauve par le toit.
- Nous le retrouverons. Vite, allons chez
Iamiral, c'est le plus important !
Et ils partent tous en courant à travers les
rues de Paris, déjà rouges de sang et pleines
d'horribles cris de colere et de douleur.
Ils arrivent enfin devant Ia maison de l'amiral.
Des hommes se battentsur Ia place. D'autres
essaient d'ouvrir Ia porte de Ia maison de
1amiral. Il y a des coups de feu partout. •
Tout à coup, un groupe de cavaliers arrive.
- Le duc de Guise ! crie Maurevel. Ah ! Ah !
Coligny est mort !
- Mais, s'écrie tout à coup Coconnas, qui
vois-je là-bas ? La Mole. Ah, le chien, il est venu
prévenir Coligny. Tu ne m'échapperas pas, dit-il
en courant vers lui, suivi de plusieurs hommes.
Goeonnas le rattrape et parvient à lui
enfoncer un couteau dans le bras. La Mole
tombe, se releve aussitôt, blesse de son épéeI
- Épée: arme formée d'une grande lame.
- 27-
.•plusieurs hommes et court, court comme un
fou. Il ne veut qu'une chose, aller au Louvre et
voir le roi de Navarre, le prévenir.
- Tuez-Ie, tuez-Ie ! crie Coconnas qui court
apres lui avec plusieurs hommes.
La Mole est couvert de sang et a tres mal au
bras. Mais il court, il court toujours. Il arrive au
Louvre, réussit à passer à travers les coups de
feu, échappe aux épées et parvient à se faire un
chemin parrni les cadavres I. Il entre dans le
Louvre, monte le plus vite possible un escalier,
reconnait une porte et, malgré sa douleur au
bras, frappe. Il est temps, Coconnas le suit de
preso
- Qui est là ? dit tout bas une voix de
femme.
- Ouvrez, je vous en prie ..., je meurs ..., je
veux voir le... roi de Navarre.
La porte s'ouvre aussitôt. La Mole entre et se
trouve devant Margot. Illa regarde et lui dit :
- Madame, sauvez-moi ; et il tombe évanoui.
La porte s'ouvre à nouveau et plusieurs
hornrnes, dont Coconnas, essaient d'entrer.
Alors Margot se précipite à Ia porte et dit
d'une voix forte et calme :
- Que venez-vous faire ici ? Tuer une fille de
France. Sortez, je vous l'ordonne.
1.Cadavre : homme morto
-28-
Les hommes, impressionnés', commencent à
faire quelques pas en arriere.
- Tuez-moi, dit Margot, et non seulement
vous serez fiers d'avoir assassiné des huguenots,
mais vous pourrez aussi vous vanter' d'avoir tué
une reine.
Mais tout ce bruit a attiré des soldats qui font
fuir les assassins.
Margot rentre vite dans ses appartements,
ferme Ia porte à clé et appelle aussitôt sa
servante".
EnsembIe, elles portent La Mole dans le
cabinet qui se trouve à côté de Ia chambre de Ia
reine de Navarre, le couchent sur un lit et
Margot, qui est une femme non seulement belle
mais fort cultivée et qui connait un peu Ia
médecine, commence à le soigner.
La Mole finit par ouvrir les yeux. Il voit
Margot penchée sur lui,
- Que vous êtes belle, dit-il, sauvez-moi...
auvez-moi.
- Vous êtes sauvé, répond Margot. Ne vous
inquiétez pas, tout va bien. Et maintenant,
dormez.
LaMoles'endort.C'estalorsqu'onfrappe à Iaporte.
•
1.Impressionné : touché par ce qui vient d' être dit.
2. Se vanter : être fier de ce qu'on a fait et le raconter.
3. Servante : domestique; femme qui est au service d'une personne
noble.
-29-
Margot se précipite dans sa chambre et dit :
- Qui'estlà ?
- C'est moi, Ia duchesse de Nevers.
Margot, qui a grande confiance en son amie,
lui ouvre Ia porte.
- Henriette, mais comment es-tu venue
jusqu'ici?
- Le duc de Guise m'a dit que je serais plus
en sécurité au Louvre et il m'a fait conduire ici
avec des gardes. J'ai vu le massacre"; les rues
sont rouges de sang. Je les ai vus se battre, c'est
à Ia fois terrible et beau, sais-tu, Margot.
Certains se battaient avec un tel courage ! J'en
ai vu un, par exemple, un catholique, il était
'magnifíque.
- Tais-toi, Henriette, tais-toi. Tout cela est
horrible, je ...
- Mais, que t'ost-íl arrivé, Margot, ta robe,
sous ton manteau, est pleine de sáfig ?
- Tais-toi, encore une fois, Henriette. Viens.
Et elle conduit son amie dans le cabinet ou se
trouve La Mole.
- Tu l'a sauvé, Margot ? demande Henriette.
Tu as raison, il est bien beau ; il est huguenot,
mais peu importe, il a l'air si charmant.
Et elles sortent du cabinet.
- Henriette, maintenant qu'il dort, je veux
1.Massacre: grande tuerie.
-30- La Mole ouvre les yeux et voit Margot à côté de lui.
savoir ce qui est arrivé au roi de Navarre. Tout
est calme maintenant, viens.
Elles arrivent devant les appartements du roi
de Navarre. Marguerite essaie d'entrer mais des
gardes l'en empêchent.
- On n'entre pas chez le roi de Navarre,
ordre de Sa Majesté, Charles IX.
C'est alors qu'arrive Charles IX.
- Charles,_ mon frere, pourquoi ne puis-je
pas voir mon mari ?
- Tu veux le voir, eh bien, entre avec moi,
car moi aussi je veux bavarder avec lui.
Ils entrent tous les deux dans Ia chambre.
Henri de Navarre, malgr é Ia gravité' des
événements, semble calme.
- Bonsoir, Henriot, dit Charles IX, tu es
content de me voir ?
- Oui, Sire, je suis toujours content de voir
Sa Majesté. J ~
- Ne fais pas l'hypocrite. Tu sais três bien ce
qui s'est passé ce soir et ce qui continue de se
passer. Cette nuit, on me débarrasse de tous les
huguenots, de tous, entends-tu ?
Il cesse de parler et met sa tê te dans ses
mains. Margot écoute sans rien dire.
- TIsdoivent tous mourir, continue Charles IX,
c'est ce que dit ma mêre, c'est ce que dit le duc
l. Gravité : importance.
-32-
de Guise, car sinon, étant ennemis de ma
religion, ils me tueront. C'est ce que tu veux
faire, Henriot, me tuer?
- Sire, vous avez dit, le jour de mes noces,
que vous donniez vótr e coeur à tous les
protestants.
- Le jour de tes noces est passé, on n'en est
plus là aujourd'hui. Tu dois mourir à moins
que ... À moins que ...
- Quoi, Sire ? dit Henri de Navarre.
- Que tu ... abjures',
- Non, Sire, non ..., dit Henri.
- Margot, je t'en prie, dis-lui qu'il doit le
faire ; tu es son alliée, je le sais,dis-lui que c'est
Ia seule solution.
Margot profite d'un moment ou son frere ale
dos tourné pour dire tout bas à Henri de
Navarre:
- Fàís-le, rien ne sera perdu pour autant.
Henri de Navarre finit par accepter.
Une fois sortie de chez son mari, Margot
retrouve Henriette et rentre vite chez elle voir
son blessé. Mais, en entrant dans le cabinet, elle
voit qu'il a dispam.
- Mon Dieu, Henriette, il est parti! n faut le
retrouver. Je le veux !
•
.Abjurer : abandonner sa religion.
-33-
- On ne peut pas sortir, tout est plus calrne
mais on entend toujours des coups de feu.
- Je sortirai, m'entends-tu, Henriette !
Et elle va chercher quelques serviteurs.
Alors, suivie de son amie, elle marche dans les
rues de Paris. Elle regarde, retourne tous les
cadavres. Elle est capable de tout pour sauver
l'homme qu'elle a décidé de sauver.
Margot et Henriette.
Enfin, elles finissent par le trouver.
Il est blessé à Ia poitrine et couché prês d'un
autre homme également blessé à Ia tête.
- Mon Dieu ! s'écrie Henriette, l'autre, c'est
lui, c'est ce jeune homme courageux dont je te
parlais avant. Sauve-le aussi, Margot, je t'en prie.
-34-
La reine Margot les fait conduire dans une
maison súre et les fait soigner.
***
Apres ces -horribles événements, le calme
revient à Paris.
Henri de Navarre abjure solennellement'
quelques jours plus tardo Mais il continue
cependant à être três surveillé.
Margot, quant à elle, revoit souvent La Mole,
dont elle est tombée amoureuse. La Mole n'a pas
tardé à guérir et s'est occupé de Coconnas
quand il était encore três mal. Une fois remis de
ses blessures, Coconnas, apprenant que La Mole •
l'a soigné, devient son ami et décide de ne plus
le quitter.
La Mole doit maintenant ré unir des
protestants et chercher des reclorts2 pour aider
Henri de Navarre à fuir et à reconstituer le parti
protestant. Il parto
Catherine de Médicis, qui déteste Henri de
Navarre, décide de le tuer.
1.Solennellement : en public, devant témoins.
2.Renforts : des gens, de l'aide.
-35 -
CHAPITRE III
:-
C OMME ELLE LE FAIT habituellement, cesoir-Ià, Catherine de Médicis vientconsulter René, son parfumeur, qui sait
aussi lire l'avenir.Elle veut savoir ce qui va
arriver à ses fils.
- Alors, que me dis-tu, aujourd'hui ?
demande-t-elle.
- La même chose, madame.
- Comment ! Toujours trois morts, ce n'est
pas possible ! Et l'autre ?
- Il régnera.
- Navarre, toujours Navarre, murmure-t-elle
en quittant René. Pourquoi Charles ne s'en
débarrasse-t-il pas ? Il va envoyer son Irere, le
duc d'Anjou, régner en Polcgne ; il veut
également faire partir le duc d'Alençan en
Navarre. Il finira par me chasser du pays, s'il
continue camme cela, et ce maudit Henri de
Navarre sera toujours là. Non ! Il n'en est pas
question ! Demain, il y a une grande chasse à
courre*, il faut que j'aille voir Charles avant son
départ.
Le lendemain, il fait une journée splendide ;
-36-
le soleil brille et tout est prêt pour Ia chasse.
Charles IX est sur le point de descendre dans
Ia cour du Louvre pour partir, quand Ia reine
mere entre dans ses appartements.
- Je dois te parler, Charles.
- Mere, cela peut sürement attendre. Je
pars à Ia chasse à l'instant même, tout est prêt,
naus parlerons plus tardo
- Non, Charles, c'est maintenant qu'il faut
parler. Je sais qu'Henri de Navarre, malgré son
abjuration, agit contre naus. Il prépare quelque
chose, je le senso
- Encore Henríot, ma mere. Vaus crayez
donc qu'il va naus tuer, mes freres et moi ;
allons, naus saurons nous défendre.
- Écaute, Charles, l'affaire est sérieuse et je
croís que tu dois agir vite pour éviter le pire. Il •
faut le faire surveiller encare plus étraitement,
le mieux serait ...
- Mon Dieu ! Sept heures, déjà, ma rnere. Le
temps d'arriver, nous ne pourrans pas naus
mettre à chasser avant neuf heures. Vraiment,
vaus me faites perdre mon temps.
- Gharles, je t'en prie, Ia chasse peut
attendre ; fais d'abord ton travail de roi puis tu
pourras chasser autant que tu veux.
- Bien, ma mere, je vaus écoute. Mais parlez
vite. Que voulez-vous faire ? Tuer ce pauvre
Henriot?
-37 -
Catherine de Médicis et Charles IX
:~ - Non, je veux le mettre en súreté quelque
part, à Ia Bastille', par exemple.
- Pas question ! Nous ehassons le sanglier*
ee matin, et Henriot est un des meilleurs à Ia
ehasse. -'''
- Je ne dis pas ee matin, mon fils, ajoute
Catherine. Arrêtons-le apres Ia ehasse ..., eette
nuit ...
- C'est différent,alors.Dans ee cas,je ne dis pas.
- Il suffit de signer un ordre.
- Éerire un ordre, le signer ..., mais vous ne
eomprenez done pas, rnêre, que je suis pressé !
1.La Bastille : ancien château de Paris qui est deve nu prison
d'État. 11 se trouvait sur l'actuelJe place de Ia Bastille.
-38-
- Tout est prêt. Tiens, sígne, dit Catherine
en lui donnant un papier. Quand vous
reviendrez de Ia ehasse, ee soir, des gardes
l'attendront dans sa ehambre.
- Vous gagnez, eomme toujours, mere, dit
Charles en sígnant l'ordre. Adieu.
Il dorme le papier à sa mêre et part en eourant.
Dans Ia eour du Louvre, tout le monde
l'attend : Henri de Navarre, le due d'Anjou, le
due d'Alençon ...
Le signal de départ est donné. Tous partent
au galop ' et arrivent à huit heures au
rendez-vous de ehasse.
Un piqueur* annonee alors au roi qu'il a vu
un sanglier et qu'il va le eonduire à l'endroit ou il
se trouve.
Charles sonne du eor* pour donner le signal
de départ et Ia troupe part au galopo
Le sanglíer est en effet à l'endroit indiqué par
le piqueur. On met aussitôt un limier* sur sa
trace". Le limier dísparait entre des arbres et,
quelques minutes plus tard, le sanglier passe à
toute vitesse à einquante pas du roi.
Charles IX galope alors derriere lui, suivi du
due d'Anjou, du due d'Alençon, d'Henri de
Navarre et de plusieurs autres ehasseurs.
•
1.Galop : allure Ia plus rapide du cheval.
2.Trace: les marques que l'anímal a laíssées,
-39 -
M~lh~ureusement, au bout d'un quart
d'heure, il arrive ce qui se passe souvent dans
ces cas-là. 11y a tant d'obstacles" sur le chemin,
que bientôt Ies cris des chiens se perdent au
Ioin. CharIes IX est en colere :
- D'Alençon, d'Anjou, Henri, crie-t-il, je vous
vois bien caImes ! Ce n'est pas chasser cela. Ou
sont vos épieux, vos arquebuses ? Mais,
j'entends à nouveau les chiens. Au galop !
Et il part aussitôt, suivi de pres par Henri et
d'Anjou.
Au bout de dix minutes, on voit le sanglíer,
poursuivi par les chiens. Charles, le duc d'Anjou,
Henri et deux piqueurs galopent plus vite
encore. Mais, soudain, le sanglier s'arrête et se
retoume vers les chiens. Le combat commence.
Les chiens se battent avec rage, mais beaucoup
sont blessés.
- Courage, les chiens ! cne' Charles à ses
animaux. Un épieu, vite, un épieu !
Un piqueur s'avance pour lui en donner uno
Mais, à cet instarit, le sanglier se libere des
chiens et, fou de rage, se précipite vers le cheval
du roi.
Le cheval tombe.
Tous les hommes poussent un cri. Charles a
Ia jambe prise sous le cheval. 11essaie de sortir
1.Obstacles : difficultés.
-40-
son couteau pour tuer le sanglier mais il n'y
parvient pas.
- À moi, d'Anjou, le sanglier ! crie-t-il.
D'Anjou ne bouge pas. Au mêrne instant, le
sanglíer frappe Ia botte' de Charles.
« Oh ! pense d'Anjou en souriant, je crois que
je serai bientôt roi de France. »
Mais Henri de Navarre est là. Il saute de son
cheval, leve son couteau et l'enfonce dans le
cceur du sanglier qui meurt sur le coup.
- Sire, dit Henri, ce n'est rien. C'est fini.
On aide le roi Charles IX à se lever. Charles
reste un moment sans bouger, puis il s'avance
vers Henri de Navarre, lui prend Ia main et lui
dit avec une grande sympathie :
- Merci, Henriot.
- Mon pauvre frere, s'écrie alors le duc
d'Anjou, nous avons eu bien peur.
- J'en suis sür, répond froidement Charles IX.
Puis 'tous se dirigent vers une maison ou ils
ont prévu de déjeuner.
Pendant toute Ia journée, Charles IX ne
quitte pas un seul instant Henri de Navarre.
Quand, le soir venu, on rentre au Louvre,
Charles qui, tenant Henri par le bras, se rappelle
l'ordre qu'il a signé le matin même, devient
soudain pâle. C'est alors qu'apparait Margot.
•
1.Botte : chaussure qui monte sur Ia jambe.
-41-
r;,Uesait ce que le roi de Navarre a fait pendant
Ia chasse et veut le remercier.
- Margot, dit Charles, tu as bien raison de le
remercier et Henriot est vraiment un frere pour
moi. Nous ne pouvons pas nous quitter ainsi, ce
soir. Ma chêre SCEur,me donnes-tu Ia permission
de l'emmener avec moi?
- Ah ! Mon frere, je crois que je n'aí rien à
dire à cela..~'
- Sire, je vais prendre un manteau, je
reviens tout de suite.
- Ce n'est pas Ia peine, Henriot, celui que tu
as est parfait. Partons. Adieu, Margot.
Et les deux hommes sortent du Louvre.
- Attends-moi un instant, Henri, je reviens
tout de suite.
Charles rentre rapidement au .Louvre et
revient presque aussitôt. Il prend Henriot par le
bras et se met à marche r dans les rues de Paris
en bavardant gaiement. Il vient de déchirer
l'ordre qu'il avait signé.
- Sais-tu, Henriot, ce que j'aime le plus dans
Ia vie ? C'est chasser et sortir ainsi, le soir. Tu
vas bientôt comprendre pourquoi, car je vais te
faire partager un grand secreto
Ils continuent de marcher un bon momento
Charles s'arrête soudain devant une petite
maison, entourée d'un beau jardino Il sort une
-42 -
clé de sa poche, ouvre Ia porte, fait passer Henri
puis referme.
- Ou sommes-nous, Sire ? demande Henri.
- Chut ! répond le roi. Tu vas comprendre
tout de suite, Henriot. Quand je sors du Louvre,
je respire, et quand j'arrive ici, je suis enfin
heureux.
Ils montent un escalier et s'arrêtent devant
une porte que Charles ouvre doucement.
- Regarde, Henriot, dit-il.
Le roi de Navarre entre dans Ia píece et, tout
étonné, voit une tres belle jeune femme, qui
dort à côté d'un bébé.
- Qui sont-ils ?
- Les seuls qui me rendent heureux. Elle
s'appelle Marie et cet enfant, c'est mon fils.
Marie m'a aimé lorsqueje n'étais pas encore roi
et, depuis qu'elle sait que je le suis, elle m'aime
toujours.
Charles s'approche de Marie et Ia réveille
doucement.
- Charles, tu es là, dit-elle en souriant. Mais,
tu n'es pas venu seul, je vois ...
- Marie, je suis venu avec un autre roi qui
est mon seul ami. Regarde-le bien ; aujourd'hui,
il m'a sauvé Ia vie. Pour le remercier, je voulais
qu'il dine ici, avec nous. Peux-tu nous préparer
quelque chose ?
•
-43-
- Naturellement ! répond Marie.
Pehdánt qu'elle prépare le repas, Charles
joue un moment avec l'enfant. Puis les deux rois
dinent tranquillement en compagnie de Marie.
11se fait tard ; il faut rentrer.
Les deux amis reviennent au Louvre,
heureux de cette journée et de cette belle
soirée.
-. ***
Les jours passent. Henri de Navarre et
Charles IX sont plus que jamais amis.
La Mole est revenu avec les renforts prévus.
~Tout est prêt et le roi de Navarre doit profiter
d'une chasse au vol* pour s'enfuir.
La Mole vient souvent au Louvre donner des
messages à Margot pour le roi. Mais comme on
sait qu'il est son amant, personne ne s'ínquiete
vraiment de sa présence. 11est parfois accompa-
gné de son cher ami, Coconnas, qui lui, de son
côté, passe le plus de temps possible avec
Henriette de Nevers.
Un soir, Margot et La Mole sont ensemble,
dans Ia maison ou vit La Mole.
- Oh ! Mon cher amour, dit Margot à La
Mole, je n'aí jamais aimé comme je t'aime. Mon
cceur est fou de joie chaque fois que tu viens, je
ne peux vivre sans toi. Je ne veux qu'une chose :
-44-
partir en Navarre et être enfin avec toi. Le roi
nous laissera tranquilles.
- Moi aussi, je ne désire que cela. Mais, on
ne sait jamais ce qui peut arriver ...
- Tais-toi, mon amour, tout est prêt, tout ira
bien. Vous irez avec le roi au pavillon François ler,
on viendra me chercher et je serai enfin à toi
pour toujours.
- Mais s'il m'arrive malheur , si nous
sommes poursuivis ... , si je meurs , je serai
séparé de toi ! On dit, ma reine, que tu gardes le
cceur de tes amants dans un coffre' ...
- On dit beaucoup de choses sur moi, sur
tout le monde. Mais je te le jure, mon amour, s'il
t'arrive quelque chose, tu resteras toujours
avec moi.
•
***
Pendant ce temps, Catherine de Médicis, qui
est en colere car elle n'a pas pu faire tuer le roi
de Navarre, cherche une autre solution.
Elle a appris que son fils, Charles, veut
emmener Henri à une chasse au vol et lui faire
connaitre Ia fauconnerie*. D'autre part, René,
son parfumeur, vient de lui dire que le roi
Charles va être gravement malade et qu'il
1.Coffre : caisse ou l'on garde des objets, de l'argent.. ..
-45-
mourra bientôt ; il continue à voir deux autres
morts et' Henri de Navarre régnant sur le pays.
C'en est trop !
Le jour de Ia chasse au vol, três tôt le matin,
elle fait venir son fils, le duc d'Alençon.
En entrant dans Ia chambre de sa mêre,
d'Alençon est surpris par une étrange odeur.
Catherine voit son visage étonné et lui dit :
- Je viens de brúler quelques vieux papiers
et j'ai jeté d~s hêrbes dans le feu pour éviter les
mauvaises odeurs.
- Vous vouliez me voir, ma mere ?
- Oui, mon fils. Je veux que tu portes dans
Ia chambre d'Henri de Navarre un livre fort
{~intéressant que j'ai trouvé sur Ia fauconnerie. Tu
sais que c'est un sujet que ton frêre Charles
aime tout particulierernent et il veut apprendre
à Henri de Navarre cet art de Ia chasse.
- Et je dois porter ce livre dé vénerie* dans
Ia chambre d'Henri ?
- En effet, c'est bien cela. Mais, prends
garde ; tu ne dois toucher ce livre qu'avec des
gants.
- Qu'est-ce que c'est que ce livre, mere ?
demande d'Alençon, un peu inquieto
- Mais enfin, je viens de te le dire, c'est un
livre de chasse. Il est un peu vieux et les pages
sont collées les unes aux autres. Il faut mouiller
son doigt pour pouvoir passer chaque page.
-46-
Mais ne le fais pas, tu perdrais ton temps et... ta
vie serait en danger,
Cette fois, le duc d'AIençon comprend
parfaitement ce que sa rriêre veut dire, et
tremble en pensant à ce qui va se passer.
- Comme aujourd'hui Henri va à Ia chasse
au vol avec Charles, je pense qu'il aura envie de
le lire un peu avant de partir. Allez, cours le
mettre sur sa table. Je sais qu'il est sorti, mais il
va bientôt revenir.
D'Alençon obéit à sa mêre. En effet, il ne
trouve personne dans Ia chambre d'Henri de
Navarre et pose le livre sur sa table ; puis il
rentre dans ses appartements qui se trouvent
pres de là. Il a à peine fermé Ia porte qu'il
entend des pas dans le couloir. Henri est rentré
chez lui.
Pour retrouver son calme, car ce qu'il vient
de faire l'a rendu un peu nerveux, d'Alençon se
met à regarder par Ia fenêtre les préparatifs de
Ia chasse. Mais, au bout d'un moment, il est si
mal à l'aise qu'il sent le besoin de bouger un peu
et décide d'aller voir son frere Charles.
Il descend l'escalier et arrive devant Ia porte
de Charles qui est ouverte. Il entre. Son frêre a
le dos tourné et est en train de lire.
- C'est incroyabIe ! Je ne savais pas qu'il y
avait en France un livre aussi intéressant sur Ia
fauconnerie.
•
-47 -
D'Alençon s'avance alors et voit que Charles
est en tràín de lire le livre qu'il a rnis peu avant
dans Ia chambre d'Henri de Navarre.
Il ne peut s'empêcher de pousser un cri.
Charles se retourne et le voit.
- Ah, c'est toi, mon frere. Viens voir ce beau
livre; il n'a qu'un inconvénient, les pages sont si
collées qu'il faut toujours mouiller son doigt.
- Vous..., vous en avez déjà lu beaucoup ?
demande d'Alençon, d'une voix faible.
- Environ cinquante pages. Il est vraiment
passionnant. Mais laisse-moi finir ce chapitre ;
ensuite nous parlerons.
D'Alençon ne peut en supporter plus. Il sort
~de Ia chambre en se disant :
- Il a déjà lu cinquante pages, ce qui veut
dire qu'il a déjà goüté vingt-cinq fois le poison ;
mon Dieu, mon frere est morto
Six heures sonnent alors. Il.est temps de
descendre dans Ia cour pour partir chasser.
Charles pose son livre sur un fauteuil et finit de
s'habiller. C'est alors qu'il voit qu'Actéon, son
chien, a saisi le livre dans sa gueule' et joue
avec. Il le lui enleve et le met sur une étagere.
Puis il parto
On arrive sur le lieu de chasse, qui se trouve
pres du pavillon François ler ou attendent les
hommes d'Henri de Navarre.
1.Gueule : bouche d'un animal.
-48-
•
Charles IX part à la chasse au vol.
Charlesa vu un héron' et illâche son faucon ;
il veut montrer au roi de Navarre comment on
chasse avec un oiseau de proie*. Le faucon
frappe le héron par surprise. Le héron s'envole ;
le faucon le poursuit ; ille frappe à nouveau. I1s
montent tous les deux haut dans le ciel et on ne
les voit plus.
- Ou sont-ils ? demande Henri.
- Là-bas, au loin, répond Charles. Tu ne les
vois pas mais tu peux les entendre. Écoute ce
cri, le héron se plaint, il est vaincu. Au faucon !
Au faucon!
Charles part au galop, suivi du roi de Navarre
"et d'autres chasseurs. Mais soudain, il arrête son
cheval et pousse un cri. Ses amis arrivent.
- Ce n'est rien, dit Charles, j'ai eu comme
une horrible douleur à l'estornac, mais c'est
passé.
Charles repart au galop et arrive à l'endroit
ou est tombé le héron que le faucon commence
déjà à dévorer. Il descend de cheval mais doit
s'appuyer contre ce dernier. Tout tourne autour
de lui et il a tres mal à l'estomac.
- Je ne me sens vraiment pas bien, il vaut
mieux arrêter Ia chasse et rentrer au Louvre.
1.Héron : grand oiseau qui a un três long bec et de longues pattes.
-50-
Tous se précipitent pour aider Charles à
remonter sur son cheval.
Henri de Navarre, profitant de ce moment de
confusion, dlsparait dans le bois et arrive au
pavillon François ler.
Là, une trentaine de gentilhommes
huguenots l'attendent, parmi lesquels La Mole,
accompagné, bien entendu, de son fidele ami,
Coconnas.
- Toutest prêt, Sire, il faut partir, dit
quelqu'un.
- En effet, répond Henri de Navarre, il vaut
mieux ne pas tarder à se mettre en route. Mais
quelqu'un doit prévenir Ia reine Marguerite ; elle
pourra ainsi nous rejoindre en chemin.
II regarde alors La Mole et lui dit :
- C'est vous qui irez, n'est-ce pas, comte ?
Je sais que vous désirez le faire et je vous
comprends.
Hyacínthe remercie le roi et part aussitôt,
suivi de Coconnas.
•
***
Une fois rentré au Louvre, Charles se sent un
peu mieux, mais il désire être seul et se reposer.
Personne ne s'est encore rendu compte de
l'absence du roi de Navarre, car Ia maladie de
Charles inquiete tout le monde.
- 51-
Charle s IX entre done dans ses appar-
tements ; mais là, il a une nouvelle crise. De
plus, il a soif, três soif. Il voit une tasse de lait
sur Ia table et l'avale d'un coup. La douleur se
calme un peu.
Il s'étonne alors de ne pas voir son fidêle
Actéon. Il passe dans son cabinet en l'appelant.
C'est alors qu'ille trouve eouché par terre.
- Holà,Actéon !Holà,mon chien !dit Charles.
Le chien ne bouge pas.
Charles se met alors à genoux à côté de lui, le
touche et se rend eompte qu'il est morto
Il oublie alors son mal. Il veut crier et ne peut
,.pas. Il voit, fou de colere, le regard sans vie de
. son chien. Ce dernier a Ia gueule ouverte et sa
langue est couverte d'horribles boutons.
Charles s'étonne. Qu'est-il arrivé à Actéon ?
Soudain, entre ses derits, il VOlt des
moreeaux de papier. Il les retire et les regarde.
Ce sont des moreeaux du livre de vénerie.
- Ah ! dit-il, tout pâle, le livre était
empoisonné.
Alors il se rappelle qu'ill'a lu.
- Mon Dieu! s'écrie-t-il, j'ai touché chaque
page avec mon doigt mouillé Ces douleurs à
l'estomae, ces envies de vomir Je suis mort !
Il se releve, court à Ia porte et crie:
- René ! Amenez-rnoi immédiatement le
parfumeur René !
-52 - Charles IX découvre son chien Actéon, empoisonné.
Un"garde part aussitôt. Dix minutes plus
tard, René est là.
- Sa Majesté voulait me parler ? dit René.
- Mon chien est mort, répond Charles ; je
sais que tu es un grand médecin, ma mere me l'a
dit, examíne-le et dis-moi ce qui s'est passé.
René obéit.
- Mon chien a été empoisonné, n'est-ce
pas?
- Oui, Sire. Súr eruent avec un poison
minéral.
- Si un homme avale ce mêrne poison, que
lui arrive-t-il ?
- n a três mal à Ia tête, à l'estomac et ~ ne
'cesse de vomir.
- A-t-il soif ?
- Tres tres soif !
- Mais, Sire, pourquoi toutes ~H~squestions ?
- Peu importe Ia raison! Réponds-moi, c'est
tout ce que je veux, dit Charles. Y a-t-il un
contrepoison ?
- Je dois savoir de quel poison il s'agít pour
pouvoir répondre.
- Mon chien s'est empoisonné parce qu'il a
mangé une feuille de ce livre, dit Charles en
prenant le livre de chasse sur I'étagere et en le
donnant à René.
Le parfumeur regarde le livre avec une
étrange expression.
-54-
- n a mangé une feuille de ce livre, répete-t-íl.
Puis-je en déchirer une autre ?
- Naturellement.
René arrache une feuille et l'approche du feu.
Une forte odeur envahit alors Ia piece.
- Votre chien a été empoisonné avec de
l'arsenic, Sire, dit-il enfin.
- Tu es sür ?
- Oui, Majesté.
- Et le contrepoison ?
- Le seul remede est d'avaler des blancs
d'ceufs battus dans du lait ; mais il faut le faire
juste aprês avoir avalé le poison, sinon ...
- Sinon ...
- Sire, c'est un poison terrible qui tue três
vite. •
- René, dit alors le roi, tu connais ce livre, je
le sais. Dis-moi à qui il appartient.
René baisse Ia tête.
- Réponds, René.
- Ce livre est à moi, mais Ia reine mere me
l'a demandé hier soir.
- C'est cela! Je comprends tout maintenant.
Elle voulait le faire lire à Henri pour le...
C'est alors que Charles se met à tousser. La
douleur à l'estomac est de plus en plus forte.
- Qu'avez-vous, Sire ?
- Soif, três soif. Dorme-moi à boire et quitte
le plus vite possible le pays. Maintenant, va-t'en.
- 55-
Renê sort. Charles appelie sa nourrice.
- Oh, Charles, mon enfant, que tu es pâle !
- Aide-moi à me coucher, ma bonne
nourrice. Prépare-moi des blancs d'oeufs battus
avec du lait et ne me laisse pas seul, je t'en prie.
Charles IX est de plus en plus mal. 11a d'hor-
ribles douleurs à Ia tête et à l'estomac et, en
plus, il commence à suer du sang,
11ne veut voir personne, sauf sa nourrice qui
ne le quitte pas un seul instant.
Pendant ce temps, Margot vit des moments
d'angoisse. Elle a peur pour son frêre, Elle se
demande ce qui est arrivé à Remi de Navarre et
attend un messager.
Charles sent que Ia mort est proche. Il fait
venir sa mere.
- Cornrnent te sens-tu, mon fils ? demande
Catherine en entrant. , ~
- Cornrnent osez-vous m'appeler votre fils !
Une mere qui tue son enfant n'est plus une
mere.
Catherine de Médicis devient toute pâle.
- Que veux-tu dire ?
- Vous le savez parfaitement. Quelle belle
famille nous formons ! Vous ne cessez de dire
que vous nous airnez, que vous voulez tout pour
nous et vous me tuez.
- Tais-toi, Charles, taís-toi, je. t'en prie.
Personne ne doit savoir.
- 56-
- La mort vient, je Ia sens, mêre. Pourquoi
tant de haine ?
Catherine ne peut regarder son fils.
Elle se retourne et s'approche de Ia fenêtre
en disant:
- Charles, personne ne doit savoir.
Quelqu'un sera puni. .. il faut trouver un
coupable ... il le faut, entenda-tu ? C'est un
accident..., un sirnple accident.
Mais Charles ne répond pas. Il souffre. Il se
sent mourir.
C'est alors que La Mole et Coconnas entrent
dans Ia cour du Louvre.
Catherine les voit. Son regard change. Elle
sait ce qu'elie va faire. Ces hornrnes sont au roi
de Navarre. 11sviennent souvent au Louvre. Ils
voulaient, bien entendu, se venger du roi
Charles, à cause de Ia Saínt-Barthélemy, Rien de
plus, facile que de les accuser. 11faut agir, vite !
Elle sort en courant de Ia chambre et crie aux
gardes qui sont à Ia porte :
- Courez ! Arrêtez ces deux hommes qui
viennent d'entrer au Louvre. Ils ont assassiné Sa
Majesté Charles IX.
Cinq minutes plus tard, La Mole et Coconnas
sont conduits à Ia Bastille.
Tout va alors tres vite. Catherine, dans sa soif
de faire mal, réussit à faire sígner à Charles
mourant Ia condarnnation à mort des deux amis.
•
- 57-
Margot apprend alors l'arrestation de son
arnant. Elle court chez le roi, son frere. Quand
elle entre, il va tres tres mal et elle ne peut
s'empêcher de pleurer. Charles lui dit, d'une
voix três faible :
- Margot, ma sceur Margot, viens pres de
moi. Tu m'airnes, n'est-ce pas ?
- Oui, Charles, parvient à murrnurer Margot.
Mais toi aussí, tu m'aimes, je le sais et tu ne
veux pas me faire souffrir. Charles, d eux
hornrnes viennent d'être conduits à Ia Bastille ;
l'un d'eux, dit-elle en essuyant ses larmes, est
toute ma vie, tu comprends, Charles ? Je sais
"que toi aussi tu airnes et je te demande de .
- Ta main, Margot, je meurs, je meurs , dit
Charles.
- Je t'en prie, Charles, mon CharIot,
sauve-les. ' ~
- Trop tard, Margot, je ne puis plus rien
pour eux.
Et, serrant Ia main de sa sceur, Charles IX
ferme les yeux pour toujours.
Margot se releve, baise Ia main de son frere
puis sort de Ia piece en disant aux gardes :
- Le roi est morto
Puis elle se dirige vers ses appartements. Elle
ne cherche plus à savoir ce qui se passe autour
d'elle. Elle prend un manteau et sort du Louvre.
Elle avance à pas lents, elle ne voit rien,
- 58-
n'entend rien. Elle demande un cheval donne,
un ordre à deux serviteurs fideles au roi de
Navarre et s'éloigne au moment ou son frêre, le
duc d'Anjou, sort du Louvre avec ses
gentilhornrnes. L'un d'eux s'écrie alors :
- Le roi est mort ! Le roi est mort ! Vive le
roi Henri Ill.
Catherine de Médicis apparait alors derriere
son fils.
- Tu rêgnes enfm, mon fils, lui dit-elle. Cette
fois encore je gagne.
•Le roi est mort !Vive le roi Henri Ill.
-59-
Marguerite, suivie des deux serviteurs,
galope comme le vent.
Elle se rend sur Ia place de Greve'. Lã, on
l'informe que deux hommes viennent d'être
décapités". Elle court chez le bourreau". Elle
parle avec lui et, quelques minutes plus tard,
elle ressort avec un paquet.
- Jarnais-je ne te quitterai, murmure-t-elle
en serrant contre son C02ur le paquet qui
contient Ia tête de son amant.
Puis elle se tourne vers les serviteurs et
s'écrie:
:~ - Maintenant, allons rejoindre le roi de
Navarre.
1.Place de Greve: place de Paris ou l'on exécutait les condarnnés
àmort.
2.Décapiter : couper Ia tête de quelqu'un.
3.Bourreau : homme qui exécute les condamnés.
-60 -
VOCABULAIRE
La chasse
Chasse à courre: chasse qui se fait avec des chiens
et à cheval.
Chasse au vol: chasse qui se fait avec un oiseau de
proie.
Cor: instrument à vent dont on se sert, à Ia chasse à
courre, pour appeler,
Fauconnerie: art d'élever des faucons et autres
oiseaux de proie pour chasser.
Limier: grand chien de chasse que l'on met sur les •
traces de l'animal chassé.
Oíseau de proie : oiseau qui se nourrit de viande, et
qui chasse des animaux - ses proies - pour les
manger (faucon, aigle ... ).
Piqueur: serviteur qui poursuit à cheval l'animal
chassé.
Sanglier : porc sauvage que l'on chassait à cheval
(gros gibier).
Vénerie: art de Ia chasse à courre.
-61-
QUESTIONS POUR COMPRENDRE
Chapitre I
1. Quel est l'événement qui a lieu au Louvre le
18 aoüt 1572 ?
2. Qui sont les arnis'du roi de Navarre ?
3. Pourquoi est-ce qu'on a arrangé le mariage de
Marguerite de Valois avec Henri de Navarre ?
4. Qu'est-ce que le roi de Navarre propose à Margot
quand il va lui rendre visite dans ses appartements,
le soir de leurs noces ?
5. Qu'est-ce qui est arrivé à Ia mêre du roi de
Navarre?
"6. Pourquoi est-ce que Henri de Navarre rend visite
au roi Charles IX ?
7. De quoi est-ce que Charles IX accuse François
Maurevel?
8. Qu'est-ce qu'illui ordonne ensuite ?
Chapitre 11
1. Quels personnages arrivent à Paris le 23 aoüt
1572 et qu'est-ce qu'ils veulent faire ?
- 62-
2. Qu'est-ce que l'aubergíste apprend au comte de
La Mole?
3. Arrivé au Louvre, que fait le comte de La Mole et
qui rencontre-t-il ?
4. De quoi est-ce que le duc de Guise se plaint à
Catherine de Médicis ?
5. Qu'est-ce que le duc de Guise et Catherine de
Médicis décident de faire ?
6. Qu'est-ce que Maurevel vient dire à Coconnas ?
7. Comment est-ce que La Mole parvient à se
sauver de l'auberge ?
8. Quand Coconnas poursuit La Mole, pourquoi est-ce
que ce dernier veut absolument aller au Louvre ?
9. Qu'est-ce qui va se passer au Louvre ?
10. Quelle est Ia seuIe solution pour le roi de Navarre
s'il veut être sauvé de Ia mort ?
11. Qu'est-ce que La Mole devient apres Ia nuit de Ia
Saint-Barthélemy?
•
Chapitre 111
1. Pourquoi est-ce que Catherine de Médicis
consulte René ?
2. Qu'est-ce que Catherine de Médicis demande à
son fils, Charles IX ?
-63-
3. Qu'est-ce qui se passe pendant Ia chasse à
courre ?
4. Quel est le secret du roi Charles IX ?
5. Qu'est-ce que Margot promet à La Mole?
6. Pourquoi est-ce que Catherine de Médicis fait
appeler son fils, le duc d'Alençon ?
7. De quoi est-ce que le livre traite et qu'est-ce qu'il
a de particulier ?
8. Qu'est-ce que le duc d'Alençon voit quand il
arrive chez Charles IX ?
9. Qu'est-ce qui arrive à Actéon, le chien de Charles IX?
10. Qu'est-ce que René apprend à Charles IX ?
11. Pour sauver l'honneur, que va décider Catherine
de Médicis?
12. Avant de quitter Paris pour aller rejoindre Henri
de Navarre, que fait Margot ?
Édition :Martine Ollivier
Maquette :Wok
Couverture : Míchele Rougé
Photos couverture et intérieur : La Reine Margot (1954),
réalisation Jean Dreville. © Les films VendômelM.F. Osso,
tous droits de reproduction réservés pour tous pays. (En
couverture, Jeanne Moreau et André Versini).
Page 3, portrait de Dumas par Nadar. Archives Nathan.
Recherche iconographique : Gaelle Mary
Coordination artistique : Catherine Tasseau
N" de projet : 10176462 - Janvier 2011
Imprimé en France par France Quercy - 46090 Mercues
N" d'impression : 02359C
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• EN FRANÇAIS FACILE •
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La reine Margot
ALEXANDRE DUMAS
Le 18 aoüt 1572, Paris est en fête : Ia Cour célebre
les noces de Marguerite de Valois, « Ia reine Margot »,
avec Henri de Navarre, jeune roi protestant et futur
Henri IV. Ce mariage, qui doit rapprocher les catho-
tiques et les protestants, va déclencher le Massacre
de Ia Saínt-Barthélemy, l'un des événements les plus
sanglants de l'histoire de France ...
NIVEAU 1 : 400 À 700 MOTS
NIVEAU 2 : 700 À 1200 MOTS
NIVEAU 3 : 1200 À 1700 MOTS
NIVEAU 4 : PLUSDE 1700 MOTS
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INT[RNATlONAl
ISBN: 978.2.09.031920.0
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