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Etudes complémentaires de l'esprit du droit romain 2. Fondement des interdits possessoires

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II 
FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRES 
ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
DE 
L'ESPRIT 
DU 
DROIT ROMAIN 
II 
FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRES 
 
CRITIQUE DE LA THÉORIE, DE SAVIGNY 
 
 PAB 
R. VON JHERING 
Professeur ordinaire de droit á Université de Goettingen TRADUIT 
ANE'L AUTORISATION DE L AUTEUR 
0. DE MEULENAERE 
Conseiller à h Conr d'Appel de GAnd 
DEUXIÈME ÉDITION 
PARIS A. MARESCQ, 
Aîné, EDITEUR 
20, RUE SOUFFLOT Au coin de 
la rue Victor-Cousin 
MDCCOLXXXII 
Il n'est point de monographie de droit romain qui ait rencontré à 
la fois, et à bon droit, je pense, autant d'approbation et 
d'opposition que celle de SAVIGNY sur la possession. Il lui reste la 
gloire impérissable et inattaquable d'avoir restauré, dans notre 
dogmatique du droit civil, l'esprit de la jurisprudence romaine, et 
quelle que soit en définitive la somme de ses résultats pratiques, 
ce mérite lui restera sans avoir souffert la plus légère atteinte. 
Mais l'aveu de ce mérite ne doit et ne peut point empêcher la 
science de soumettre les opinions de SAVIGNY. à un examen 
nouveau : l'anathème qu'a lancé PUCHTA contre tout nouveau 
doute, dans un moment de mauvaise humeur et de dépit causé par 
les flots toujours gonflés du torrent de la littérature possessoire, 
ne peut arrêter la critique; l'expérience l'a démontré et le 
démontre encore tous les jours. 
En effet l'œuvre de SAVIGNY , plus qu'aucune autre, provoque 
la critique, non point dans ses détails, mais dans ses bases mêmes 
et dans ses vues fondamentales : ce serait à mes yeux une preuve 
de l'agonie du sens et du jugement scientifiques, une preuve de 
décrépitude, si notre science se payait des énig- 
 
ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
mes non encore résolues qu'a fait naître la théorie de SAVIGNY. | 
sur la possession. 
Je me suis trouvé en contradiction avec cette théorie sur des 
points essentiels, dès le premier moment que je me suis formé ! 
un jugement scientifique indépendant. J'ai cru cependant ne 
pas devoir exprimer publiquement mon opinion sans m'être 
livré au préalable à de nombreuses recherches. J'ai pratiqué ces 
recherches * sur une large échelle, et sans vouloir prétendre 
qu'on y trouvera une garantie objective de la vérité, je puis du 
moins assurer que je n'ai subjectivement rien omis pour parve 
nir à l'atteindre. La première difficulté que je rencontrai dans 
la théorie possessoire de SAVIGNY concerne la question de Yani- 
mus domini, et déjà en 1846 j'ai exposé dans mes leçons le fond 
de l'opinion qui se trouve développée au chapitre UL Plusieurs 
autres points de divergence survinrent ensuite, particulière- J 
ment la doctrine du constitution possessorium, la question du 
fondement de la protection accordée à la possession, et de la 
nature juridique de la possession. Ces points feront l'objet 
d'études qui se succéderont dans l'ordre suivant : I 
I I. Fondement des interdite possessoires. II. 
Nature juridique de la possession. 
III. Uanimus domini. 
IV. Le constitutum possessorium ('). 
(') La première de ces études a seule paru. Elle est d'une importance j capitale 
pour la théorie de la possession, et le bon accueil qui a été fait à la première 
édition de notre traduction, publiée en 1875, nous a décidé à la reproduire, en la 
remettant, cette fois, dans son cadre naturel, comme Étude complémentaire de 
l'Esprit du droit Romain. (Note du tradl 
 
 
FO.XDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRES 
I 
I APERÇU GENERAL 
Pourquoi la possession est-elle protégée ? 
Nul ne fait cette question pour la propriété, pourquoi donc 
l'agiter au sujet de la possession? Parce que la protection) /accordée 
à la possession a de prime abord quelque chose de {bizarre et de 
contradictoire. En effet, la protection de la pot-session comporte 
aussi la protection du brigand et dû voleur ; or, comment le droit, 
qui condamne le brigandage et le vol, peut-il en reconnaître et en 
protéger les fruits, dans la personne de leurs auteurs ? Cela n'est-il 
pas approuver et soutenir de l'une main, ce que de l'autre on rejette 
et poursuit? 
Lorsqu'une institution existe depuis des siècles, nul homme 
doué d'un jugement impartial ne peut se soustraire à la conviction 
qu'elle doit être basée sur des motifs impérieux, et en fait, la 
nécessité de protéger la possession n'a jamais été sérieusement 
contestée. Mais on est bien loin d'être unanime-mentd'accord sur 
ces motifs. 
H. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRE8 31 
4 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
Quelques auteurs, particulièrement les anciens, évitent la 
question ; ils acceptent le fait accompli. Mais si jamais un fait eut 
besoin d'explication, c'est bien celui-ci. SAVIGNY l'a compris et ne 
s'est point soustrait à l'explication. Mais sa réponse, malgré 
l'approbation qu'elle a rencontrée d'abord, n'a pu se soutenir, et 
l'on a fait successivement une foule de tentatives pour résoudre la 
question d'une autre manière. J'en fais une à mon tour. 
La question n'est point, comme on pourrait le croire tout 
d'abord, du domaine exclusif de la philosophie du droit ou de la 
science de la législation. Elle a une importance dogmatique 
considérable, et j'espère démontrer plus loin que sa solution n'est 
pas seulement la première condition de l'exacte intelligence de la 
théorie possessoire toute entière, mais qu'elle conduit encore à 
des résultats pratiques d'une incontestable valeur. 
La circonstance que les solutions données jusqu'ici à cette 
question n'ont pour ainsi dire jamais été réunies en un aperçu 
général et soumises à une critique rigoureuse ('), m'oblige à me 
livrer à cette tâche. J'ai cherché à partager ces solutions en deux 
groupes, à l'imitation des théories du droit de punir: les théories 
absolues et les théories relatives. 
Les théories relatives de la possession cherchent le fondement 
de sa protection, non dans la possession elle-même, mais dans 
des considérations, des institutions et des préceptes juridiques 
étrangers à la possession; elle n'est pas protégée pour elle-même, 
mais seulement pour donner à d'autres la plénitude de leur droit; 
pour elle-même, la possession ne se conçoit pas. 
Les théories absolues, au contraire, définissent la possession 
en la considérant en elle-même et pour elle-même. La possession 
(') Il faut cependant faire une honorable exception pour RANDA. Der JJesitz 
nach ôsterr. Redite. Leipzig, 1865, § 8. 
■ 
ÎI. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOEKES H 
ne doit pas sa protection et son importance à des considérations 
qui lui sont étrangères : c'est pour elle-même qu'elle prétend être 
reconnue juridiquement, et le droit ne peut lui refuser cette 
reconnaissance. Une de ces théories trouve le fondement juridique 
de la possession dans la volonté. La possession est la volonté en 
soi, le fait nu par lequel la volonté humaine se réalise sur les 
choses, et qui doit être reconnu et respecté par le droit, sans 
examiner s'il est utile ou dangereux; — c'est un droit primordial de 
la volonté d'être reconnue, aussi bien par le législateur in 
abstracto, que par le juge in concreto, toutes les fois qu'ils ont à 
s'occuper de la possession. En un mot, le possesseur peut réclamer 
reconnaissance et protection avec la même raison et le même droit 
que le propriétaire. A cette nécessité de la protection possessoire, 
basée sur le caractère éthique de la volonté, une autre théorie 
oppose la nécessité économique de la possession. La possession 
est économiquement aussi nécessaire que la propriété ; toutes deux 
ne sont autre chose que les formes juridiques, sous lesquelles se 
réalise la destination économique des choses pour les besoins de 
l'humanité. 
C'est d'après ces points de vue différents que je grouperai dans 
la suite les diverses opinions : j'avoue cependant qu'il est 
impossible d'y apporterla précision et la clarté qui distinguent les 
théories sur le droit de punir. 
Au surplus, la différence a été si peu accentuée jusqu'ici, que 
l'on trouve chez certains auteurs des échos des deux systèmes à la 
fois(*). Peut-être cet essai contribuera-t-il à jeter de la lumière, au 
moins sur ce point. 
(*) PUCHTA , Vermiachte Schriften p, 265. — THENDELENBURQ , Natur-
recht auf dem Orunde der Ethik. 2" édit. Leipzig, 1868, § 95. GANB, v. plus 
bas. 
 
 
6 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
1. Théories relatives 
Les interdits possessoires n'ont point leur fondement dans la 
possession même, mais 
1. Dans l'interdiction de la violence, 
a. SAVIGNY accentue particulièrement le motif de droit 
'privé qui concerne le possesseur. (Le trouble possessoire est un 
délit contre le possesseur). 
b. RUDORFF au contraire insiste davantage sur le motif de 
\droit public qui concerne la société. (Le trouble possessoire est 
un attentat contre tordre juridique). 
2. Dans le grand principe juridique que nul ne peut juri-
diquement vaincre autrui, s'il n'a des motifs prépondérants d'un 
droit meilleur (THIBAUT). 
3. Dans le privilège de Virréprochabilité, en vertu duquel on 
doit admettre, jusqu'à preuve du contraire, que le possesseur, qui 
peut avoir un droit à la possession, a en réalité ce droit (RODER); 
4. Dans la propriété; la possession est protégée : 
a. Comme propriété probable (ou possible); c'est l'opinion 
ancienne. 
b. Comme propriété commençante (GANS). 
c. Comme complément nécessaire de la protection de la 
propriété; c'est mon opinion. 
H 2. Théories absolues 
La possession est protégée pour elle-même, car 
1. Elle est la volonté matériellement incorporée (GANS, 
PDCHTA, BRUNS); 
2. Elle « sert, comme la propriété, à la destination uni ver-1 » 
selle du patrimoine : à la satisfaction des besoins de l'huma-» nité 
par les .choses et par le libre pouvoir qui s'exerce sur » elles ■ 
son but est de conserver l'état de fait des choses » (STAHL). 
H. FONDEMENTS DES INTERDITS POSSESSOIRES
 
7 
n. 
L'INTERDICTION DE LA VIOLENCE COMME FONDEMENT DES 
INTERDITS POSSESSOIRES. 
L'opinion de SAVIGNY est si connue, que je crois à peine 
nécessaire de citer ses propres paroles (8) : 
« La possession ne constituant pas par elle-même un droit, » le 
trouble qu'on y apporte n'est pas, à la rigueur, un acte » contraire 
au droit; il ne peut le devenir que s'il viole à la » fois et la 
possession et un droit quelconque. Or c'est ce qui » arrive lorsque 
le trouble apporté à la possession est le fait » de la violence: toute 
violence, en effet, étant illégale, c'est » contre cette illégalité 
qu'est dirigé l'interdit. — Les interdits » possessoires supposent un 
acte, -qui par sa forme même, est » illégal. — Le possesseur a le 
droit d'exiger que personne » ne lui fasse violence. » « Il n'y a pas 
là violation d'un droit » subsistant par lui même, en dehors de la 
personne, mais » Y état de celle-ci se trouve modifié à son 
désavantage; et si » l'on veut réparer complètement et dans toutes 
ses conséquences » l'injustice résultant de l'acte de violence dont 
elle a étévic-» time, il est indispensable de rétablir ou de protéger 
l'état » de fait que cette violence avait entamé (*), » 
L'opinion de RUDORFF(B) ne s'écarte pas essentiellement de 
celle de SAVIGNY. Tandis que ce dernier reconnaît le droit à la 
protection dans la personne du possesseur, et soutient, pour me 
servir de ses propres termes (p. 45), que « des considérations du 
ressort du droit privé ont servi de base aux interdits possessoires 
», RUDORFF accentue le caractère public de 
(•■') SAVIGNÏ", Traité de la possession, § 2. Traduct. de H. Staedler. Brux., 
1866, p. 11-12. («) Ibid. § 6, p. 38. («) Zeitschrift fUr Gesch. 
Rechtswissenschaft. VII p. 90 s. 
■ 
g ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
la violence, comme « trouble apporté à la paix et à l'ordre 
publics», en rattachant la protection de la possession à l'in-
terdiction de se faire justice à soi-même. Il est clair que ce dernier 
point de vue lui-même peut se concilier avec le droit privé du 
possesseur à être protégé, comme le prouve fort bien le Decretum 
Divi Marri. Mais d'autre part il se trouve trop restreint, lorsque 
l'on remarque que le trouble ou l'enlèvement violent de la 
possession n'a point toujours pour but de se faire justice à soi-
même, sans parler des autres cas d'enlèvement illégal de la 
possession (clam, precario). Les doutes qui ont été élevés contre 
cette modification de l'opinion de SAVIGNY(6), semblent avoir 
induit l'auteur à la retirer tacitement (7), de sorte que nous 
pourrons nous borner dans la suite, à l'examen exclusif de l'idée 
de SAVIGNY. 
Cette idée paraît séduisante au premier abord.... lorsque l'on 
ignore ou perd de vue l'aspect qu'a pris la possession dans le droit 
romain. Elle aurait été de mise dans un traité de droit naturel (8), 
mais dans un ouvrage qui prétend exposer la théorie romaine de 
la possession, elle ne peut qu'exciter une profonde surprise, car 
elle est inconciliable avec cette théorie et s'y heurte de toutes 
parts à des contradictions. La tentative de réaliser législativement 
cette idée engendrerait un droit de possession qui n'aurait pas 
même la plus lointaine ressemblance 
(s) SAVÏGNÏ , 1. c. p. 44 s. 
(') Ibid., Appendice, p. 583. 
(') Et encore faudrait-il alors prouver d'abord, comme le demande BANDA 
loc. cit., que l'enlèvement violent de la possession est en soi un acte injuste. « 
En elle-même, remarque-t-il avec raison, la violence ne peut " paraître injuste 
qu'en tant qu'elle lèse un droit. En effet, là où aucun » droit n'est lésé, mais où 
il y a seulement changement d'un état de » fait, il ne peut être question 
d'effacer l'injustice de la violence et de » ses conséquences. » Je reviendrai 
plus loin (IV) sur cet argument. 
II. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRES 9 
avec la possession romaine. Je le prouverai en passant en revue les 
points principaux de la théorie romaine de la possession. 
i. Défaut de protection de la detentio alieno nomine. 
Si les interdits possessoires reposent sur l'idée d'une violation 
du droit commise contre la personne, on ne voit point pourquoi ils 
peuvent être refusés à celui qui possède alieno nomine. Qu'y a-t-il 
de commun entre l'injustice contre la personne et la manière dont 
celle-ci possède? L'ordre légal serait-il par hasard moins lésé par 
l'expulsion d'un fermier conventionnel que par celle d'un fermier 
héréditaire ? La violence reste violence, peu importe contre qui 
elle s'exerce. Une action qui, comme telle, c'est-à-dire 
indépendamment de la personne lésée, renferme en elle une 
injustice, ne peut tantôt être une injustice, tantôt ne l'être pas selon 
la diversité des hypothèses. 
Écoutons la réponse de SAVIGNY. « De deux choses l'une; » dit-
il, (p. 40) » « ou ce détenteur est d'accord, ou il est en » opposition 
avec le véritable possesseur. Dans le premier cas, » il n'a pas 
besoin d'interdits, puisque ceux du possesseur lui » suffisent. Dans 
le second cas, s'il voulait invoquer les inter-» dits contre le gré»du 
possesseur, soit contre celui-ci même, » soit contre un tiers, il ne le 
pourrait pas, parce qu'en le fai-' » sant, il contreviendrait aux 
rapports obligatoires sur lesquels » se base sa détention, et qui 
couvrent complètement tous ses „ intérêts. » Je doute que cette 
argumentation convainque quelqu'un (9). SAVIGNY a perdu de vue 
sa propre idée des interdits possessoires. En effet, si ceux-ci sont 
des moyens de protection contre l'injustice exercée envers la 
personne, si le rapport possessoire n'a qu'une importance 
subordonnée, qui se réduit à l'élément de fait de la situation, alors 
on ne peut comprendre pourquoi le détenteur doit dépendre du 
possesseur pour être protégé contre une injustice qui lui est 
personnelle, 
(*) V, dans le mêmesens BANDA loc. cit. note 3. 
10 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
à lui-même. Il est parfaitement indifférent « que les interdits » du 
second les protègent suffisamment tous les deux, et que » dès lors 
le détenteur n'en ait pas besoin (l0) », du moment que le trouble 
est dirigé non contre la possession mais contre la personne. La 
protection contre l'injustice du trouble n'est pas une question 
d'opportunité ou de nécessité, c'est une simple conséquence. C'est 
la personne lésée qui est protégée; si tous deux sont lésés, tous 
deux ont droit à la protection; si un seul est lésé, celui-là seul doit 
être protégé, donc le détenteur doit l'être dans tous les cas, car 
c'est lui qui est le premier et directement atteint par la violence. 
C'est ce qui arrive pour l'interdit quod vi aut clam; si Yopus vi aut 
clam factum lèse également l'intérêt du fermier et du bailleur, tous 
les deux ont l'interdit ("). Or si l'on réfléchit que cet interdit 
suppose un délit ('*), on verra facilement comment les 
jurisconsultes romains auraient dû décider, s'ils ayaient considéré 
les interdits posses-soires sous le même point de vue. 
Si les détenteurs n'ont pas besoin d'un moyen de protection 
indépendant, pourquoi le droit romain leur accorde-t-il l'ac*. furti 
et vibonorum raptorum(,s)9 Le même motif pour lequel, d'après 
l'opinion de SAVIGNY, il leur refusait les remèdes posses-soire8, 
devait aussi leur faire refuser ces deux actions. S'il ne l'a point 
fait, c'est que le droit romain ne s'est nullement dissimulé 
l'atteinte immédiate que ces délits portaient au droit du détenteur, 
ni la nécessité et l'importance de lui accorder contre eux une 
protection immédiate. Et ce n'est pas seulement la 
('•) Cela même n'est pas toujours vrai, comme KANDA le remarque avec 
raison, par exemple en cas d'absence du possesseur. 
(") L. 12 quod vi (48, 24). 
(*') L. 3 i>v. ibid. facto duo DBMNQUENTIS. L. 1 § 2 WJI'IUAM comminisci. 
Aussi cet interdit appartient-il même au fils de famille. L. 9 de 0 et A. 
(44, 7)... injuriarum et quod vi aut clam, L. 13, § 2 quod vi. I 
(") L. 14 § 2, L. 85 de furt. (47, 2); L. 2 § 22 Vi bon. (47, 8.) 
II. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRES 11 
lésion personnelle qui est prise en considération dans ces deux 
actions, ainsi que dans Vintcrdictum quod vi aut clam; c'est 
l'intérêt réel, patrimonial du maintien du rapport possessoire qui y 
trouve son expression. Prœterea, dit la loi citée (14 § 2 de furt.), 
habent furti âctionem coloni, quamvis domini non sint,\ quia 
INTEREST EORUM; et clans la L. 2 § 22 vi bon. citée, la chose reçue 
en commodat, en gage, en location, est comprise dans notre 
patrimoine, en ce sens que sans être, de sa nature, une chose « in 
bonis », elle n'en est pas moins considérée comme se trouvant « ex 
bonis » c'est-à-dire « ut ex substantia mea res ablata esse 
proponatur... ut intersit mea eam non auferri. » C'est ainsi que le 
locataire obtient l'interdit de migrando, du chef de la rétention des 
choses inférées, même en ce qui concerne les choses qui lui ont 
été prêtées ou louées ou qui ont été déposées chez lui, et la 
pétition d'hérédité s'étend aussi à ces choses ('*). Lorsque le 
possesseur et le détenteur ne sont pas d'accord, dit SAVIGNY, ce 
dernier ne peut invoquer les interdits, parce-qu'il empiéterait sur 
les rapports obligatoires qui sont la base de sa détention. Mais en 
admettant même que l'exercice des interdits contienne de sa part 
un pareil empiétement vis-à-vis du possesseur, quelle importance 
cela a-t-il vis-à-vis de l'auteur du trouble ? Ce dernier n'est jugé 
que d'après la mesure de sa propre action, et il ne peut déduire un 
droit des rapports obligatoires qui existent entre le détenteur et le 
possesseur. S'il le pouvait jamais, ce serait bien particulièrement 
dans le cas d'expulsion d'un bailleur par le locataire, car dans ce 
cas la violation du rapport obligatoire est tout-à-fait indubitable et 
flagrante — et cependant le droit accorde sans difficulté les 
interdits au locataire devenu possesseur, (ls) et le tiers qui viendrait 
objecter, d'apx-ès SAVIGNY, les rapports obligatoires qui 
('♦) L. 2 de migr. (43, 32). L. 19 pr, de lier. pet. (5, 3). ('*) L. 12 
de vi (43,16). 
12 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
ont existé entre le locataire et le bailleur, ne.serait pas écouté. En 
somme, on peut affirmer que la tentative faite par SAVIONY pour 
réfuter les objections qui peuvent être tirées contre sa théorie du 
défaut de protection du détenteur, est complètement manquée. 
C'est une étrange ironie du sort littéraire, dont on trouverait, du 
reste, une quantité de preuves chez SAVIONY lui même, malgré son 
grand génie, c'est disons-nous, une étrange ironie, que SAVIGNI, le 
restaurateur de la théorie romaine de la possession, ait pour 
l'élucider, énoncé une idée qui oppose à cette théorie une 
inconciliable contradiction, et qu'il ait en même temps combattu 
vivement une idée moderne qui s'est fait jour dans la sphère de la 
possession et qui contient la réalisation historique de son idée; 
nous voulons parler du summariissimùm et de Vactio spolii. Celui 
qui voit dans le trouble et l'enlèvement de la possession, une 
injustice contre la personne, devrait nécessairement applaudir à 
ces remèdes légaux, qui sont accordés à tout possesseur sans 
distinguer la qualification de sa possession, et les saluer avec joie 
comme la réalisation de son idée. — SAVIGNY les considère 
comme une aberration scientifique, comme un avortement! — 
Celui qui s'exprime ainsi, et qui lutte pour conserver la pureté du 
droit romain, doit combattre plus qu'aucun autre la proposition que 
les moyens de protection de la possession se résolvent en une 
protection de la personne. — Or cette proposition, SAVIONY ne l'a 
pas seulement énoncée, mais il l'a maintenue pendant un demi-
siècle! 
2. Défaut de protection de la possession des choses non suscep-
tibles ou des personnes non capables de possession. 
a. Choses. Il ne peut être question de possession ni de 
protection de la possession des choses extra commercium. 
Pourquoi pas? A mon point de vue cette question pourra, je crois, 
être résolue d'une manière satisfaisante dans les pages suivantes. 
En effet, ces choses ne sont point susceptibles de propriété; or la 
possession n'est que l'extériorité de la pro- 
II. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIBES 13 
priété, elle doit cesser là où celle-ci ne peut se concevoir. Mais en 
partant du point de vue de SAVIGNY, cette proposition ne peut 
recevoir aucune explication. Car, si la lésion de la possession 
n'acquiert d'importance juridique, que pour autant qu'elle renferme 
une injustice contre la personne, la qualité de la chose n'a aucune 
importance, peu importe qu'elle soit mobilière ou immobilière, 
susceptible ou non susceptible de propriété. Cela est tout aussi 
indifférent que de chercher si un meurtre a été commis près d'une 
maison ou d'une haie, sous un hêtre ou sous un chêne. Si l'idée de 
SAVIGNY était exacte, on devrait appliquer à la possession la 
décision que contient la L 13, § 7 de inj. (47,10) pour Vactio 
injuriarum, et qui fait complètement abstraction de la qualité 
juridique particulière de la chose. Que l'on m'empêche de faire 
usage de ma propre chose ou d'une res publica (in publicum 
lavare aut in cavea publica sedere, etc.) ou d'une res communis 
omnium (in mari piscari), peu importe, j'aurai dans tous les cas 
Vactio injuriarum. Que l'on ne dise pas : le possesseur d'une res 
extra commercium n'a point d'intérêt à la chose, ou il commet une 
injustice en la possédant, et l'injustice ne peut être protégée; la 
même chose peut se dire du voleur et du brigand (,6), et cependant 
on accorde les interdits possessoires à l'un et à l'autre. 
Au surplus, si même l'assertion était exacte pour les res sacrae 
et publicae, le raisonnement ne pourrait s'appliquer à toutes les 
res extracommercium. En effet, la res réligiosa se trouve avec 
celui auquel elle appartient {ad quem pertinet), dans un rapport 
analogue à la propriété; lui seul est autorisé à en user conformé- 
es Aussi leur refuse-t-on, lorsqu'on leur a volé la chose à eux-mêmes, Vactio 
furti (v. la L. 76, § 1 de furt. (47. 2)... si honesta ex cause- interest. V. aussi la 
L. 12, § 1 ibid, Nemo de improbitate sua consequitur actionem) et Vactio ad 
exhibendum (L. 3, § 11 ad exh. (10, 4). L'action en partage d'hérédité ne 
s'étend point à ce qui a été acquis « vel vi aut latrocinio aut aggressura » L. 4, 
§ 2 fam. erc. (10, 2). 
0 
14 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES! 
ment à sa destination; il a, comme le possesseur, la faculté d'exclure 
tout autre; en un mot, il a à ce rapport un intérêt! juridiquement 
reconnu et protégé" (,7). En cas de trouble violent de ce rapport, on 
trouve certainement réunies les conditions qui d'après SAVIGNY, 
suffisent pour les interdits possessoires; pourtant on refuse ceux-ci à 
Payant-droit (i8), et on lui accorde I d'autres moyens de protection. 
Il en est de même du rapport entre le père et son fils. L'intérêt 
pour lui, et le tort de la partie adverse étaient-ils moindres lorsque 
l'on retenait son enfant que lorsqu'on retenait son esclave ? 
Cependant dans ce dernier cas, on lui accordait Yinter-dictum 
utrubi, un interdit possessoire, tandis que dans le premier il devait 
recourir à des interdits spéciaux (de liberis ecchibendis et 
ducendis). 
b. Personnes. Les esclaves et les fils de famille sont, comme on 
le sait, incapables de posséder, en droit romain". D'après 
SAVIGNY (p. 109) « cette proposition résulte évidemment de la » 
règle générale d'après laquelle le fils de famille ne peut avoir » de 
droits patrimoniaux quelconques. » Fort bien ! mais comment 
cette explication se concilie-t-elle avec l'idée de SAYIGNY que 
dans la possession ce n'est pas le patrimoine qui est protégé, mais 
la personne? S'il était vrai que les interdits possessoires naissent 
de l'idée du délit, il aurait été impossible de les refuser 
absolument au fils de famille, car il y aurait droit au même titre 
que d'après la L. 9 de 0 et A. (44. 7.) « Suo homine nullam 
actionem kabet NISI INJURIARUM et QTJOD yi AUT CLAM et depositil et 
commodati. » 
(") Les textes à l'appui sont dans mon Esprit du droit romain, t. IV, p. 344, 
on peut y joindre celui d'Orelli Corp. inscr. II n. 4358, signalé par BCOORT sur 
SAVIGNY I. cit. p.616, et dans lequel il est question de la tradition d'un 
monument funéraire {in vacuam possessionem... ire mit mittere). 
(") L. 30,§ldeposs. (41,2). • 
(") L, 49, § 1 de poss. (41,2). 
| 
H. FONDEMENT DES INTERDITS POS8E8SOIRES 15 
■ 3* Protection de la possession de ïinjustus on malae fidei 
possessor. 
Voici encore, à mon avis, une contradiction insoluble dans 
l'opinion de SAVIGNY. On refu.se au voleur et au brigand l'act. 
furti et Tact legis Aquiliae(%0)\ comment aurait-on pu leur 
accorder les interdits possessoires, si l'on avait vu dans ceux-ci des 
actions pour délits? Que l'on compare la manière dont s'expriment 
les jurisconsultes dans les L. 12 § 1 et L. 76 § 1 de furt. cit. « 
Furtio actio, dit la L. 12, malae fidei possessori non datur, 
quamvis interest ejus rem non subripi, quippe cum res periculi ejus 
sit, SED NEMO DE IMPBOBITATE SUA CONSEQUITUB ACTIONEM et ideo 
soli bonae fidei possessori, non etiam malae fidei furti actio datur » 
et la L. 76 § 1 : « nam licet intersit furis rem salvam esse, quia 
condictione tenetur, tamen cum eo is cujus interest furti habet 
actionem si HONESTA EX CAUSA DITEBEST ». Ici encore SAVIGNY 
nous met en face d'une énigme irrésolue et insoluble, et il n'a fait 
aucune tentative pour concilier avec son idée ces deux passages, 
dont il se sert lui-même dans un autre but, contre ses adversaires 
(p. 47). Si le propriétaire enlève clandestinement ou violemment la 
chose au malae fidei possessor, ou s'il la détruit, ce dernier n'a 
contre lui ni la condictio furtiva, parce qu'elle présume la 
propriété, ni l'act. furti, parce qu'elle présume un intérêt, ni Vact 
legis Aquiliae parce qu'elle présume un droit sur la chose, ou tout 
au moins la bonae fideipossessio; le propriétaire volé repoussera 
l'action ex delicto, en se prévalant simplement de sa propriété (*'). 
Si au contraire le malae fidei possessor se sert d'un interdit 
possessoire, ainsi qu'il peut le 
(«) L. 12 § 1, L. 76 § 1 de furt. (47, 2.) L. 10, § 6, arg. L, 17 pr. ad leg. Aq. 
(9, 2). Mais on leur accorde les actions contractuelles p. ex. Vact. commodati 
L. 15, 16 Commod. (13, 6), Vact. depositi L. 31 Dep. (16, 3 . 
(*') Il repousserait de même Vact. depositi du voleur L. 31 § 1 Dep. (l6, 3) in 
fine. 
16 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
 
faire aujourd'hui pour les meubles aussi bien que pour les j 
immeubles, depuis que Justinien a mis complètement sur la même 
ligne les interdits uti possidetis et utrubi, alors le défendeur ne sera 
pas admis à exciper de sa propriété, et la malae\ fidei posses,sio du 
demandeur ne sera agitée que pour autant que Cexceptio vitiosae 
possessionis soit fondée vis-à-vis de lui. Qui ne sent que la base 
d'appréciation est complètement différente dans les deux cas : dans 
le premier c'est le point de vue du délit qui domine, dans le second, 
il s'agit de tout autre chose. 
4. Inexistence de la nature délictueuse dans tous les interdits 
possessoires. I 
On ne peut reconnaître l'existence de cette nature délictueuse 
que clans un seul interdit, dans l'interd. unde vi, on doit la nier 
dans tous les autres. SAVIGNY. veut la justifier pour l'interd. de 
precario en disant (p. 11) « qu'il est injuste en soi d'abuser de la 
I » bonne volonté d'autrui, tout comme il est injuste de recourir » à 
la violence pour s'emparer d'une chose. » Mais si cette assertation 
était exacte, on devrait aussi appeler actions de délit la condietîo 
ex mutuo, tact, commodati et Cad. praescriptis verbis qui peut 
avoir lieu du chef du precarium. L'interdit de precario peut, il est 
vrai, assumer une couleur délictueuse par le dol du précariste ("), 
tout comme la revendication (par le dolus praete- 
[ ritus du possesseur), mais cette simple possibilité ne convertit 
pas plus l'interdit que la revendication en une action de délit. 
En dehors de cette circonstance, il est dirigé au même titre, 
tant contre l'héritier que contre l'auteur ("). 
Dira-t-on que le refus de restituer renferme nécessairement 
\ 
 
(«) Il en résulte que l'héritier du précariste ne répond ici, comme j partout, du 
délit de son auteur que jusqu'à concurrence de ce dont il s'est enrichi. L. 8, § 8 de 
prec. (48, 26). 
(»») L. 8, § 8 cit. hères ejus, qui precario rogavit, tenetur quemad-modum ipse. 
H. FONDEMENT DES INTEBDITS POS8ESSOIRES 17 
un dolus? Nullement. Supposons par exemple que l'héritier ou 
le tuteur du précariste devenu fou, n'ait aucune connaissance 
du précaire, ou que le précariste lui-même ait appris dans l'in 
tervalle qu'il est propriétaire. Dans ce dernier cas, c'est à fort, 
bon droit qu'il refuse la restitution : « idcirco quia reeeptum est, 
rei suae precarium non esse(u) ».
 
™ 
Des deux interdits retinendae possessions, il en est un., I 
tinterd. utrubi, dans la forme qu'il avait avant Justinien, qui 
résiste à tous les efforts que l'on pourrait tenter pour le mettre 
en harmonie avec l'idée de SAVIGNY. On sait que cet interdit 
pouvait être dirigé non seulement contre celui qui avait immé-
diatement soustrait la possession au demandeur, mais aussi 
contre tout tiers, même contre le bonne fideipossessor,-la seule 
condition était que le demandeur eût possédé plus longtemps 
que le défendeur dans l'année antérieure, à compter du moment 
de l'intentement de l'action. SAVIGNY, que je sache, ne s'est 
jamais attaché à concilier cet interdit avec son opinion; s'il l'avait 
essayé,il se serait convaincu de l'impossibilité de l'entreprise. 
Aux deux endroits où il aurait dû le faire (p. 11, 31),- il passe 
notre interdit sous silence. Lorsqu'il caractérise les interdicta 
retinendae possessions, il insiste sur la condition de la lésion 
violente de la possession, (p. 374), et il invoque, en ce qui 
concerne l'interd. utrubi, les mots « vim fieri veto » delà 
formule de la L. 1 p. utrubi (43, 31). Lorsqu'il traite spéciale-
ment de ce dernier interdit, il ne trouve sur ce point « rien de 
spécial à signaler » (p. 388; ('•). Mais quel était le sens de 
(«) L. 4, § 3ibid„ L. 45p. DeE. J. (50,17), L. 21 p. de usue. (41, 3), L. 31 § 1 
Dep. (16, 3). La preuve de la propriété établit ipso jure le non fondement de 
l'interdit Y. mon Esprit du D. R., IV, p. 63. 
(»*) RUDOBFF lui-même, si versé dans la connaissance du système formu 
laire romain, et dont on aurait dû attendre, plus que de qui que ce fût, 
la démonstration de l'inadmissibilité de cet argument tiré de la formule, 
n'y trouve rien â redire; du moins, je ne trouve aucune observation de sa 
part à la suite du passage cité (p. 374 note 3). 2 
18 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
ces mots : « vim fieri veto » ? Ce n'était évidemment pas qu'une] 
violence devait avoir eu lieu pour que quelqu'un pût intenter) 
l'interdit, mais bien que le défendeur ne pouvait opposer aucune 
violence au demandeur lorsque celui-ci voulait emporter la chose 
{quominus is eum ducat), La violence n'était pas plus' une 
condition de cet interdit qu'elle ne l'était pour les nombreux 
interdits non possessoires pourvus de la même formule. 
Autrement, le Préteur, au lieu de parler au futur, aurait dû parler 
au passé, comme par exemple dans l'interd. quod vi\ aut clam : 
quod — FAOTUM EST, ou dans l'interd. unde vi : uhde 
— DEJECISTI. 
Il me sera permis d'être bref quant à l'tn*. uti possidetis, en 
présence des études minutieuses auquelles il a donné lieu dans 
ces derniers temps (*8). Il n'est pas vrai « que la lésion violente » 
de la possession » soit une des conditions de cet interdit 
(SAVIGNY, p. 374). L'investigation du juge « num vis facta sit 
contra edictum Praetoris, » se réfère au temps après et non au 
temps avant l'octroi de l'interdit. Celui-ci pouvait être invoqué 
sans difficulté par les deux parties dans le cas d'une controverse 
possessoire ( controversia de possessione) toute pacifique et 
exempte de toute violence, par exemple, s'il s'agissait entre deux 
prétendants à une hérédité de savoir lequel avait le premier pris 
possession du fonds héréditaire ; et c'est précisément dans cet 
exemple qu'Ulpien (fr. 1. § 3 uti poss. 43,17) et Gaius (IV, 148) 
trouvent leur point de départ dans la discussion de cet interdit. 
D'après SAVIGNY, l'implorant aurait dû dans ce cas être repoussé. 
5. Inutilité des interdits possessoires considérés comme actions 
de délits spéciales à côté de celles qui existent. 
S'il était vrai que le Préteur eût voulu, par les interdits pos-
sessoires créer seulement une nouvelle espèce d'actions pour 
(**) V. surtout HERMANN WITTB, J)as Interdictum uti possidetis, Leipzig, 
1863, et spécialement p. 40 as. 
|H. FONDEMENT DES INTERDITS POSSE880IBES 19 
délits, ce serait vainement que l'on chercherait à justifier l'utilité de 
son innovation, car les actions existantes suffisaient amplement: 
pour le trouble à la possession, l'interdit quod vi aut clam et Y 
actio injuriarum (*'), pour la soustraction de la possession, Yact. 
furti, qui dans le droit ancien s'étendait même aux choses 
immobilières ("), et comprenait à la fois la soustraction clandestine 
et la soustraction violente ("), et aurait pu, au besoin, s'étendre 
même au précariste (ï0). 
Les condictiones tendant à la restitution de la possession. 
Ce n'est que dans ces derniers temps que BRUNS (") les a 
remises en lumière, et a observé (p. 416) qu'elles ne se » 
concilient pas avec la théorie de S AVION Y. » La possession y 
apparaît comme objet et base indépendante de l'action, en dehors 
de toute violence. Dès lors il est absolument impossible le soutenir 
que, dans l'idée des Romains, c'est la violence seule qui donne à la 
possession son importance juridique. 
Pour résumer tout ce qui précède en une seule proposition, a 
théorie de SAVIGNÏ attribue au Préteur la création d'actions >.x 
delicto : 
1. Qui étaient parfaitement superflues à côté de celles déjà 
ntroduites par* le droit civil (n° 5) ; 
2. Ces actions étaient refusées à ceux auxquels elles auraient lu 
être concédées, d'après les principes qui concernent les étions 
pour délits (n08 1 et 2); 
«7) v. des exemples du premier dans L. 7 § 5, 6, 9, 10, L. 9,11. etc. 
uod vi (48, 24); de la seconde dans L. 13, § 7 de inj. (47, 10) et 
Lulus S. B. V. 6 § 5. (*») 
GelliusXI, 18 §13. 
(») L. 1 vi bon (47, 8) Gains III, 209. ■ 
(30) Cf. Gell. loc. cit. avec L. 66 pr., 67 pr. de furt. (47, 2). ■ 
(**) J)as Recht des Besitzes im Mittelalter und in der Gegenwart. Tûbin-mf 
1848, p. 27 as. 
20 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
3. D'autre part, elles étaient accordées à ceux auxquels 
elles auraient du être déniées, d'après les mêmes principes 
(n° 2) et enfin, ■', 
4. à l'exception d'une seule, on ne peut y découvrir la plus 
légère trace d'un délit (n° 4). :• 
ni 
LES AUTRES THÉORIES RELATIVES 
I 1. Théorie de Thibaut <J 
Le point de départ de THIBAUT (59), dans sa théorie de la 
possession, n'est point le fait pur et simple, mais Y exercice des 
droits (") considéré comme une forme spéciale d'état de fait. Nous 
aurons, par la suite, occasion de montrer quel fécond emploi on 
peut faire de ce point de vue pour l'intelligence de la théorie de la 
possession. Seulement THIBAUT fonde la protection de la 
possession sur "une base très chancelante. « C'est, » dit cet auteur 
« un principe dominant et nécessaire » en raison, que nul ne peut 
vaincre juridiquement autrui, » s'il n'a des motifs prépondérants 
d'un droit meilleur; il en » résulte que cet état de choses, purement 
de fait en soi, devient » de la plus haute importance juridique, 
parce qu'il conduit à » cette règle que tout individu qui exerce de 
fait un droit, doit » être maintenu dans cet état de fait jusqu'à ce 
qu'un autre » ait démontré avoir un droit meilleur. » 
Mais si la possession est simplement un état de fait, pourquoi 
f») System des Pandektenrechts, 8e édit. § 208-204. — Dans son ouvrage sur 
la possession et l'usucapion. Jena 1802. § 2. il n'allègue aucun motif pour la 
protection de la possession. 
(*3) V. aussi dans ce sens HCFELAND. Ueber den eigenthUmlichen Oeist des 
RômUchen Redits. 2° partie lrf section, p. 5 88. p. 18 ss. 
H. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRES 21 
faut-il un droit prééminent pour y mettre fin? Un état de fait/ nait 
et passe sans que le droit y ait aucune part. C'est un fait/ que mon 
tilleul protège le voisin contre les rayons du soleil,! mais qui le 
protège si je veux abattre l'arbre? C'est un fait,] pour un marchand 
d'avoir une clientèle étendue, mais quel est le/ droit qui empêche 
un concurrent de la lui enlever? Si la circonstance que la 
possession renferme l'exercice d'un droit, n'est pas suffisante pour 
lui donner le caractère de rapport juridique, s'il faut au contraire la 
ranger, d'après THIBAUT, sur la même ligne que tous les autres 
états de fait, il faut admettre pour les uns et les autres la même loi 
et dire que leur naissance, leur existence et leur cessation ne sont 
que l'effet de la force physique. 
Vaincre, dans la sphère du droit, suppose certainement un 
droit prééminent, mais transporter cette idée sur le terrain du fait 
c'est oublier ce que l'on a dit de celui-ci. 
Mais admettons même que ce soit la prééminence du droit qui 
décide. Certes, le locataire expulsé par un tiers qui n'a aucun droit 
ni sur, ni à la chose, possède un droit meilleur que ce tiers, car son 
état defait repose au moins sur une concession obliga-j toire de la 
part du vrai propriétaire; pourquoi^donc n'est-il pas écouté, 
pourquoi lui refuse-t-on les interdits possessoires ? Il y a bien plus 
: si ce locataire soustrait à son tour la possession à l'expulseur ou à 
son héritier, pourquoi lui refuse-t-on absolument, dans le procès 
possessoire, la preuve d'un droit meilleur qu'il offre de faire ? 
Il en résulte que l'explication de THIBAUT, qui parait se tenir 
exclusivement sur le terrain du fait, envahit en même temps celui 
du droit, mais qu'elle ne répond ni sur celui-ci ni sur celui-là aux 
principes qui leur sont propres. 
Si la possession n'est réellement qu'un état de fait, elle ne peut 
tirer aucune protection juridique de ce que la force capable 
d'effacer un état de choses doit être plus énergique que celle qui 
le maintient; l'argumentation qui s'agite absolument dans la 
sphère physique ne peut que s'y maintenir quant à ses résultats. Si 
au contraire la possession est un droit, ce point de vue conduit 
22 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
à donner à la protection possessoire une toute autre physionomie 
que celle que lui a donnée le droit romain. Le système spécial du 
droit romain pour la protection de la possession ne peut être 
compris par ce moyen. 
2. L'opinion de Rôder (3J) 
Elle présente le même vice. Cet auteur asseoit le fondement des 
interdits possessoires sur le droit d'irréprochabilité qui s'exprime 
par la règle : Quilibet praesumitur justus {? — bonus) donec 
probetur contrarium. En vertu de ce droit « dont jouit |» tout 
possesseur, il faut admettre provisoirement, que tout » rapport 
extérieur dans lequel il se trouve vis-à-vis d'une » personne ou 
d'une chose, et qui peut avoir pour base et pour » cause un droit 
nécessaire à son exercice, ne subsiste aussi en » réalité qu'en vertu 
de ce droit, et que par conséquent ce » rapport n'est pas injuste. » 
L'application de ce droit primordial à la possession est forcée. 
Il ne s'agit point dans la possession, de l'irréprochabilité d'un 
rapport extérieur, mais bien de l'irréprochabilité d'une personne. Si 
la personne est irréprochable, le détenteur ne l'est pas moins que le 
possesseur juridique, et le non-possesseur pas moins que le 
possesseur. Le non-possesseur aurait le même droit que le 
possesseur, d'être personnellement cru, car cette prétention n'est 
nullement étayée sur le fait extérieur de la possession. Donc si la 
possession est appuyée sur une présomption de légitimité, il faut 
jque cette présomption soit justifiée d'une autre manière : celle tirée 
de la personne ne peut servir ici. Mais en fût-il autrement, — si le 
possesseur n'a qu'une présomption en sa faveur, pourquoi est-il 
défendu à l'adversaire de l'énerver par la preuve contraire? Que 
devient l'irréprochabilité, si l'adversaire établit que c'estl 
■ 
(»*) Orundtûge des Naturrechts oder der Rechtsphilosophie. 2« édit. 2e 
section, p. 250. 
IH. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOHtES 23 
lui-même qui est propriétaire et que le demandeur a volé la^ 
chose? Si dans la procédure possessoire on ne considère point la 
possession comme un rapport juridique indépendant, mais comme 
une preuve de l'existence d'un droit complètement différent, 
pourquoi ne s'élève-t-on pas jusqu'à ce droit lui-même et/ n'admet-
on pas la preuve et la contre-preuve, en d'autres termes / pourquoi 
ne convertit-on point le possessoire en pétitoire ? 
L'idée de RODER peut suffire à expliquer pourquoi, dans la l 
procédure revendicatoire, le possesseur reste exempt de preuve | 
— bien que cette libération du défendeur du fardeau de la ! 
preuve, n'ait, comme on le sait, rien de commun avec la posses-j 
sion comme telle, car elle se représente dans toutes les actions( 
— mais cette idée ne peut certes pas expliquer le caractère 
particulier de la possession, c'est-à-dire l'exclusion de la question 
de droit dans le procès possessoire. Or c'est précisément là que se 
révèle le mérite de toute théorie sur la possession. 
Nous sommes partis de la supposition que RODER a pris pour 
base de sa théorie la notion scientifique habituelle ou romaine de 
la possession ; que celui qui dans un traité de philosophie du droit 
veut en établir une autre, le fasse, je ne conteste ce droit à 
personne, mais au moins qu'il dise alors pourquoi et comment il 
s'écarte du droit ronlain ; c'est ce que Rôder n'a point fait. 
Des trois opinions qui rattachent la protection de la possession 
à la propriété, l'une (la plus ancienne) l'asseoit sur 
3. La probabilité de la propriété 
Cette opinion était autrefois fort répandue (3S). SAVHJNY lui a 
reconnu une certaine autorité dans la 3e, 4e et 5e édition de 
(**) SAVIGNY désigne comme un de ses derniers défenseurs HOFELAKD , 1. 
cit. p. 43, mais on ne l'y trouve pas clairement accentuée. T. aussi BARDA . 1. 
c. note 7. 
24 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
son ouvrage (ïB), tandis qu'il la rejette dans la sixième. Dans la 
7e, qui a été publiée après sa mort, on trouve une addition de 
lui (p. 512) d'après laquelle « cette présomption n'est pas préci-
» sèment erronée en elle-même, puisque certes la majeure » 
partie des possesseurs ont effectivement droit à la possession; » 
il faut plutôt l'écarter à raison de la théorie toute spéciale du » 
droit romain en matière de possession. » 
Le défaut de cette opinion n'est point là où SAVIGNY le trouve : 
dans la circonstance que le droit romain ne reconnaît point 
pareille présomption — il ne s'agit pas ici d'un précepte juri-
dique positif, mais d'une question législative, qui n'a pas été plus 
amplement développée dans le droit romain, et pour laquelle 
nous pouvons nous servir de toute expression, même inconnue 
aux Romains, pourvu qu'elle rende exactement la chose. Le 
/défaut réside en ce que le prétendu motif qu'on allègue aurait 
besoin lui-même d'être justifié. Supposons, en effet, que le 
législateur dise : Je veux présumer que le possesseur est proprié-
taire : chacun lui demandera : Pourquoi voulez-vous présumer 
cela? Il est de règle que tout droit doit être démontré; quel est 
le motif qui oblige à s'en écarter exceptionnellement pour la 
propriété? Il ne suffit pas pour cela du fait statistique que dans la 
plupart des cas le possesseur est en même temps propriétaire, pas 
plus que la statistique de la mortalité ne peut établir la 
présomption qu'une certaine personne est morte à un certain 
(*•) § 2 à la fin : « Si on demande pourquoi a été introduite cette espèce 
» de protection contre la violence, c'est-à-dire pourqnoi l'expulsé doit » 
obtenir la restitution de la possession (peut-être tout-à-fait injuste) qu'il » 
a perdue, on peut dire avec certitude que cette protection repose sur la » 
présomption générale que le possesseur peut être aussi le propriétaire. » 
Sous ce rapport donc on peut considérer la possession comme une ombre » 
de la propriété, comme une propriété présumée, mais cela ne se réfère » 
qu'à la justification de l'instiiution juridique en général, et non au motif » 
juridi iue d'une possession concrète quelconque. » 
rt. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIBES 25 
âge, ou qu'elle vit encore. Du reste, cette présomption devrait ) 
logiquement conduire au résultat d'accorder au précédent pos-/ 
sesseur, en vertu de la seule possession, une action in rem contre j 
les tiers (action pour protéger la possession antérieure); car J 
pourquoi la présomption une fois reconnue fondée, devrait-elle I 
être restreinte à un seul cas? Il en est tout-à-fait de même de la j 
présomption que nous avons rejetée plus haut, de la légalité ou J de 
la bonne foi personnelle du possesseur. Le véritable élément j de 
cette opinion réside dans l'idée, que dans la possession il s'agit 
d'une preuve spéciale et plus facile de la propriété — nommons la 
possession, dans ce sens, une propriété présomptive, provisoire ou, 
comme SAVIGNY,une ombre de la propriété — mais après avoir 
constaté ce fait, on n'a pas encore établi le fondement, ni affirmé le 
besoin, la nécessité de cette facilitation de preuve. Nous 
chercherons plus loin à l'établir nous-même. 
La nuance de l'opinion ci-dessus, d'après laquelle c'est la 
propriété possible qui est protégée dans la possession ("), si elle 
prétend par là indiquer le motif législatif de la protection 
possessoire, aggrave la difficulté, loin de la résoudre. L'écart 
entre la simple possibilité de la propriété et la protection de la 
possession est encore plus grand que celui qui a pour point de 
départ la probabilité. Pourquoi une simple possibilité devrait-elle 
être protégée, et où trouve-t-on ailleurs des exemples d'une 
protection pareille ? 
La seconde opinion qui tire la protection de la possession de la 
propriété est : 
(") On ne la rencontre nulle part scientifiquement développée, mais elle 
repose sur des expressions occasionnelles, sur des nuances linguistiques que je 
n'ai pas rassemblées. Il n'est pas question ici de la « possibilité juridique 
subjective » de POCHTA (Cours § 122), qui n'est que l'expression sous une 
autre forme, de son opinion, que nous examinerons plus loin. 
26 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
4. Vopinion de Gans ('•) : ce qui est protégé dans la possession 
c'est la propriété commençante 
Un des effets de la possession consiste notoirement dans l'usu-/ 
capion. Il est parfaitement exact que Y actio publiciana protège l 
dans la possession ad usucapionem la propriété commençante: 
JVIais aussi, comme nous l'avons déjà souvent remarqué (*•), 
seulement dans la possession ad usucapionem. La possession du 
malae fidei possessor, quelque longtemps qu'elle soit continuée 
ne conduit pas à la propriété, et cependant elle est protégée. Cette 
protection — et c'est précisément là la protection de la possession 
comme telle — ne peut donc être justifiée au point de vue qui 
nous occupe. 
Je devrais placer ici l'exposition de ma propre opinion, mais je 
préfère la reculer encore et examiner d'abord les théories 
absolues. 
VI 
I LES THÉORIES ABSOLUES I 
Les théories de la volonté 
A côté de l'opinion dont nous venons de parler, on trouve dans 
GANS une autre solution de notre question. La détention de la | 
chose, dit-il, considérée comme acte de la volonté du sujet, peut ou 
bien se trouver en harmonie avec la « volonté universelle, » c'est-à-
dire avec la loi — et dans ce cas c'est la propriété, ou bien reposer 
seulement sur la « volonté particulière » — et dans ce cas c'est la 
possession, — et le motif pour lequel la volonté est 
(M) System des Rom. Civilrechts. Berlin, 1827, p. 201, 212. Veber die 
Qrundlage des Besitzes. Berlin, 1839. Voyez plus loin un autre système du 
même auteur. 
| (M) RCDOMT dans Zeitschrift fttr Gesch. R. W. VII, p. 98,99. Savigny 1. c. p. 
42. 
i 
II. FONDEMENT DES INTERDTITS POSSESSOEBES 27 
reconnue et protégée, même dans cette dernière direction, c'est 
que la volonté « en elle-même, est un élément substantiel qui » 
réclame protection; la volonté particulière de la personne, |» 
lorsqu'elle s'applique aux choses, est un droit, et doit être » traitée 
comme telle. » PUCHTA (40) adopta l'idée de GANS et la convertit 
en son opinion connue, que la possession est un droit de la 
personne même. D'après cet auteur, « la volonté d'une per-» sonne 
juridiquement capable, doit jusqu'à un certain point (?) » être 
reconnue en droit, même avant d'être établie juste, préci-» sèment 
parce que c'est la volonté d'une personne juridiquement » capable, 
et que dès lors il est possible qu'elle soit juste. Dans » la 
possession se trouve par conséquent protégée la possibilité » du 
droit, c'est-à-dire la capacité juridique; le droit de posses-» sion 
n'est qu'une espèce particulière de droit de la personna-» lité, le 
droit de la personnalité appliqué à la soumission » naturelle des 
choses. » 
A la différence de GANS et de PUCHTA, qui ne touchent la 
question du fondement de la protection accordée à la possession 
qu'à l'occasion de la nature juridique de la possession, BRUNS (*•) 
en fait l'objet d'un examen séparé. Mais, de prime abord, il place 
la question sur un terrain trop étroit en la limitant à la protection 
contre « la violence, le trouble violent, et la soustrac-« tion. » Il 
ne serait pas difficile, d'après lui, d'alléguer des considérations 
empiriques d'opportunité justifiant une pareille 
(<0) Dans sa monographie : Zu toelcher Klasse von Rechten gehôrt der 
Besitzt parue d'abord dans le Muséum Rhénan III, n° 17, et plus tard recueillie 
dans ses Vermischte Schriften, n° 14, (p. 255 ss.). Voyez aussi la monographie 
publiée, p. la 1" fois dans le même recueil au n° 15 : Ueber die Existent des 
Besitzrechts. Malgré la violente polémique qu'il avait ouverte contre GANS 
dans la première de ces dissertations, PUCHTA admet cependant, dans la 
seconde, p. 265, note a, que « GANS s'est exprimé dans le même sens. » 
(") Recht des Besitzes im Mittelalter, etc. TUBINGEN, 1848, § 58. 
28 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
protection, mais « ce serait avancer de bien peu dans une 
« question où la science exige positivement une nécessité juri- 
« dique interne tirée de la nature même de la possession. » Des 
deux'facteurs de la possession, le pouvoir physique et la volonté, 
le premier, comme simple état de fait, ne renferme pas lel 
moindre fondement d'une protection juridique. Mais il en est 
autrement du second. « La volonté qui se réalise dans la pos- 
« session, bien qu'elle ne constitue aucun droit, et qu'elle existe 
» purement en fait, peut-être même en contradiction des plus 
» ouvertes avec tout droit, doit cependant être protégée à 
» raison de sa nature générale. — La volonté est en elle-même, 
» dans son essence, absolument libre et c'est précisément la 
» reconnaissance et la réalisation de cette liberté qui constitue 
» tout le système juridique. La contrainte et la violence exercées 
» contre la volonté sont donc, en général, par elles-mêmes, et 
» sans égard à sa légalité particulière, des injustices, contre 
» lesquelles la volonté doit être protégée. Ce n'est que lorsque 
» la volonté se met en opposition immédiate, directe, avec la 
» volonté universelle ou le droit (Résistance contre l'autorité de 
» l'État ou voie de fait contre un autre), qu'elle apparaît comme 
» volonté injuste, contre laquelle sont permises la contrainte et 
» la violence. — La possession n'est donc point un droit comme 
» la propriété, l'obligation, etc., mais un fait; seulement, ce 
» fait est protégé contre la violence parce qu'il est la manifes- 
» tation positive de la volonté, et en considération des droits 
» généraux de la volonté. Ce sont donc avant tout la personna- 
» lité et la liberté des hommes qui reçoivent dans la protection 
| » de la possession une pleine consécration juridique. • 
Plusieurs auteurs ont adhéré à cette opinion (*') ; il se peut 
(") Particulièrement RANDA loc. cit. et RUDORFF dans la dernière édition de 
la Possession de SAVIGNT, p. 589. WINDSCHEID Pandectea § 148, note 6. 
B 
H. FONDEMENT DES INTERDITS POS8ESSOIRE8 29 
qu'elle présente un côté séduisant, mais elle est insoutenable à mon 
avis. Bien qu'elle diffère de l'opinion de SAVIGNY en ce qu'elle donne 
à la défense de la violence un motif interne : la volonté concrète 
incorporée dans la possession, tandis que SAVIGNY l'applique à la 
possession comme un postulat externe | de l'ordre juridique, elle se 
confond cependant en dernière ana- / lyse avec l'opinion de SAVIGNY 
("), ainsi que celui-ci l'a remarqué lui-même, avec beaucoup de 
raison, en répondant à PDCHTA I (p. 43). « Moi aussi, dit-il, je base 
cette protection sur l'inviola- j » bîlité de la personne et sur lé rapport 
qui s'établit entre elle I » et la chose qu'elle s'est assujettie. » Je doute 
néanmoinssi le fait de transporter ainsi l'injustice de la violence de la 
sphère de l'ordre juridique dans celle de la volonté subjective, ne rend 
pas l'opinion de SAVIGNY plus fausse encore, plutôt qu'elle ne l'amé-I 
liore. En tous cas, il m'est bien plus aisé de concevoir la défense I de 
la violence au point de vue de l'ordre juridique objectif qu'au / point 
de vue de la volonté subjective. 
I On ne peut espérer résoudre une controverse sans au préalable! se 
mettre d'accord sur le point de vue que l'on veut adopter.! Cette 
observation est de la plus haute importance pour la question qui 
nous occupe, car on paraît loin de s'entendre sur le point de vue 
auquel il faut se placer. Tantôt c'est le droit romain 1 que l'on a en 
vue, tantôt c'est un droit idéal quelconque que l'on Raccommode 
selon les besoins du moment. C'est pourquoi je crois opportun de 
déclarer que toute la discussion qui va suivre est exclusivement 
fondée sur le droit romain. Si je réussis, comme je l'espère, à 
prouver que la théorie de mes adversaires ne peut se concilier avec 
le droit romain, ni avec sa doctrine spéciale sur la possession, ni 
avec ses autres doctrines et ses autres principes, il sera établi que 
cette théorie peut bien avoir une valeur philosophico-juridique ou 
législative — je passe cette 
(*') C'est ce que reconnaît aussi WINDSCHEID loc. cit. I 
30 ÉTUDES COMPLÉMENTAIKES 
question sous silence, bien que je conteste même ce point, — mais 
elle ne pourra certainement aspirer à une valeur historique, à une 
autorité dogmatique en droit romain, et c'est là tout le but de ce 
travail. 
Je suis d'accord avec mes adversaires pour admettre que la 
|volonté est la vis agens de tout le droit privéJMais la loi fixe la 
mesure et les bornes dé la volonté : celle-ci ne devient un pouvoir 
juridique que lorsqu'elle se maintient dans les limites qui lui ont 
été assignées par la loi. Il n'est pas vrai de dire que même au-delà 
de ces limites, sans la protection du droit, et même en 
contradiction ouverte avec lui, elle puisse prétendre à l'efficacité ; 
le droit, pour la lui accorder, devrait se mettre en contradiction 
avec lui-même. C'est, à mes yeux, créer une pure énigme que de 
dire que le but du droit qui est « de garantir dans les limites du » 
possible la réalisation sans entraves (?) de la volonté indivi-» 
duelle », aurait pour conséquence « que la volonté traduite » en 
action doit être juridiquement protégée contre toute con-» trainte 
non légitime, même lorsqu'elle ne se trouve pas sur » le terrain du 
droit, mais seulement sur le terrain du fait. » (RANDA p. 86)("). Il 
faut distinguer la personnalité et le rapport constitué injustement. 
La première, malgré l'injustice commise, reste ce qu'elle est et ne 
perd rien de sa protection juridique; mais il n'en résulte nullement 
que la personnalité puisse, comme un saint miraculeux, ennoblir, 
guérir, épurer tout ce qui est mauvais, malade ou impur, et couvrir 
du manteau de 
(**) Cette thèse me paraît encore plus incompréhensible en présence de la 
sagacité avec laquelle l'auteur montre lui-même, dans la suite, la faiblesse de 
l'allégation de SAVIGNÏ, que la soustraction violente de la possession est par 
elle-même une injustice. V. plus haut note 8. Son prétendu droit de la volonté 
d'être protégée contre toute violence, même en cas d'injustice, n'est pas autre 
chose, en effet, que la répétition, sous une autre forme, de l'idée de SAVIQNÏ sur 
l'interdiction de la défense privée, la transformation d'un principe juridique 
objectif en un droit subjectif. 
n. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOBBES 31 
sa propre protection juridique tous les rapports injustes dans1 
lesquels sa volonté a pu s'incorporer. Ces rapports peuvent être 
parfaitement distincts d'elle; ils sont son ouvrage, mais ils ne sont 
point la personnalité elle-même ; on peut détruire l'œuvre sans 
atteindre l'ouvrier (45). 
« Mais, dit-on, le coup que l'on porte à l'œuvre est déjà par » 
lui-même une injustice ! » C'est précisément ce que je conteste. 
C'est là l'idée de SAVIGNY de l'injustice formelle renfermée 
dans toute lésion de la possession, idée qui, à mon avis, ne peut 
soutenir l'examen en droit romain. 
'L'état peut toujours parvenir, et parvient en effet, à prohiber et à 
maintenir la violence dans de certaines limites, sans faire aucune 
exception en faveur de ceux qui ont été victimes du vol ou du 
brigandage, lorsqu'ils emploient la violence contre le voleur ou le 
brigand. Mais le motif qui détermine l'État, n'est pas la pensée que 
même le voleur et le brigand, ont, de par la liberté absolue de leur 
volonté, un droit irrécusable à être ^protégés dans la jouissance 
pacifique de leur rapine : c'est la .considération législative et 
politique que la défense privée est [une arme à double tranchant et 
qu'il vaut mieux que l'État lui-même tienne en main le glaive de la 
justice. Au point de vue du sujet, je ne puis, en ce qui me 
concerne, arriver à condamner la défense privée et l'histoire elle-
même n'y est parvenue qu'après avoir traversé la phase de la 
subjectivité pure du droit. Quelle injustice subit le brigand si la 
victime lui soustrait la chose ravie, à la première occasion? La 
volonté, dit-on, est libre, toute contrainte est contraire à son 
essence. N'est-ce donc pas par contrainte que l'autorité publique 
enlève violemment la chose à celui qui n'y a pas droit ? Oui, mais 
dit-on, cela se 
('*) C'est ainsi que la considération de la personnalité défend au créancier 
de maltraiter le débiteur fugitif, mais nullement de confisquer les choses qu'il 
peut saisir sur lui. L. 10 § 16 quae in fr. cred. (48. 8.) 
M 
^1 _JÉTUDE3_00ML^ENTAIBES| 
fait avec les formes juridiques. Certes, mais le fait de la 
contrainte n'en subsiste pas moins; la volonté n'est donc pas 
si absolument sacrée et inviolable, ni la contrainte si absolument 
condamnable. - I 
La résistance de la volonté illégale contre le droit peut et doit 
être, le cas échéant, brisée par la violence externe; le moyen 
d'atteindre ce but est une pure question de forme, dont la solution 
convenable est bien un des problèmes les plus importants de 
l'administration de la justice, mais qui ne constitue pas à mes 
yeux, le droit du voleur et du brigand — pas plus que la conduite 
adroite du siège d'une place forte n'est un droit pour l'assiégé. 
Mais écoutons le droit romain sur cette question. Nous deman-
dons : la défense privée et la violence sont-elles, d'une manière 
absolue, une injustice inconciliable avec l'idée de la liberté de la 
volonté telle qu'elle est réalisée dans le droit romain ? 
Cette question doit sans aucun doute être résolue négativement 
au point de vue du droit antique. Ce droit, bien loin de condamner 
et de poursuivre en principe la défense privée, y ivoyait au 
contraire une manifestation naturelle, une conséquence nécessaire 
de la liberté de la volonté, et il veillait seule-jment à ce qu'elle se 
maintint dans les justes bornes et s'exerçât [suivant les formes 
prescrites (*•). 
Mais le droit nouveau lui-même, sous l'influence de ces vues 
nationales antiques, accorde s la défense privée une étendue qui ne 
peut se concilier avec l'opinion que nous combattons. Le 
posMessor justus avait, jusqu'au temps de Justinien, le droit 
d'expulser violemment (pourvu que ce ne fût point à main Armée) 
Je possessor ityustus qui opposait de la résistance; de même, le 
bailleur, et en général le possesseur pouvait expulser | 
^■^^^^^I^^^^BHH 
 
 
II. FONDEMENT DES INTERDITS POS8ESSOIBES 33 
celui qui détenait en son nom("), et l'absent, celui qui durant son 
absence s'était emparé de la possession de son fonds. Comment 
concilier ces théories avec l'opinion que l'idée dirigeante de toute 
la théorie possessoire, est l'inviolabilité ou l'absolue liberté de la 
volonté. Il importe peu que les jurisconsultes romains,en faisant 
fléchir adroitement la notion de la possession, aient rattaché ces 
cas, en tout ou partie, à la notion de la défense privée: ce qui est 
décisif, c'est que toutes ces personnes ont en fait la chose en 
mains; leur volonté de se maintenir dans cet état, se manifeste 
clairement et de manière à ne plus permettre un doute, par la 
résistance qu'elles opposent. Elles subissent par conséquent cette 
injustice qui renferme prétendument une lésion absolue de la 
personnalité et contre laquelle le droit ne peut laisser personne 
sans défense : c'est-à-dire la violence. Et cependant elles sont 
obligées de la subir. 
On voit par là que le droit romain, loin d'appliquer à la doctrine 
de la possession le point de vue formel d'une injustice reposant 
uniquement sur la violence, se laisse guider par le point de vue 
matériel du rapport juridique qui existe entre les personnes. Le 
même acte de violence, selon qu'il est commis par des personnes 
ou contre des personnes différentes, est soumis à une appréciation 
complètement distincte, d'après les rapports réciproques de ces 
personnes. 
Ce que nous venons d'observer par rapport à la possession est 
vrai aussi pour les obligations. Si le point de vue que nous 
combattons était fondé, tout possesseur d'une chose d'autrui, lême 
le voleur et le brigand, devrait avoir, contre la soustraction ou le 
dommage, les actions de délit qui y correspondent. Est-ce le cas? 
Non! Vactio legis Aquiliae, la condictio furtiva, 
(") Cette dernière conséquence que j'ai toujours soutenue, vient d'être 
longuement développée par K. ZIEBARTH. Die realexecvtion und die 
obligation, Halle, 1836. p. 57 ss. 
 
34 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
Yactio furti, Vactio tu* bonorum rnptorum sont refusées à toutes 
ces personnes, et en général à tout malae fidei possessor, et cela 
non-seulement contre le vrai propriétaire, mais même contre 
[ tout tiers (*•). Or, la question qui nous occupe se présentait aux 
jurisconsultes romains d'une manière bien plus nette pour ces 
actions que pour les interdits possessoires, car ici il faut décider ex 
professo la question relative au délit. Si c'est d'une manière 
absolue un délit que d'enlever violemment ou clandestinement une 
chose à autrui, ou de l'endommager et de la détruire, pourquoi ces 
personnes sont-elles privées des remèdes dont il s'agit ? Quelle 
contradiction évidente que celle où tombent nos adversaires! Les 
actions possessoires dont la nature délictueuse est pour le moins 
assez problématique, poursuivent comme délit un acte qui n'est 
point considéré comme tel dans les actions dont la nature 
délictueuse n'est l'objet d'aucun doute! 
Il en était de même de la contrainte, avant le Decretum Divi 
Marti; le débiteur contraint par son créancier n'avait point contre 
celui-ci une action de délit — l'injustice formelle contenue dans la 
violation de la libre volonté du débiteur n'était point prise 
/en considération, vis-à-vis du droit matériel du créancier (*9). De 
tout ce qui précède il devrait au moins résulter clairement 
/ que ce n'est pas une idée romaine mais moderne que de donner 
/ à la volonté illégale une position inattaquable, d'où elle ne peut 
être délogée qu'en forme juridique, et de prétendre que la volonté, 
même quand elle se trouve en contradiction avec les lois, peut par 
elle-même prétendre à être protégée. Il est donc impossible que 
cette idée puisse avoir servi de règle aux Komains dans leur 
conception de la possession. Pour mieux nous en convaincre, 
examinons cette conception elle-même. 
(") V. pour l'act. leg. Aq. L. 11 § 6.8. ad leg. Aq. (9. 2), pour les autres actions 
v. ci-dessus p. lô. (*) L- 12 § 2 quod met. (4. 2.). 
II. FONDEMENT DES INTERDITS POSSE8SOIRES 35 
 
Si le rapport extérieur de la possession n'acquiert de l'impor-
tance que par cette circonstance que la volonté s'incorpore en elle, 
et est lésée avec elle, si par conséquent les interdits posses-soires 
reposent sur l'idée de la lésion de la volonté, on peut se demander 
: 
1. Comment ces interdits peuvent-ils être accordés dans un 
cas où l'on ne rencontre aucune lésion de la volonté et où il 
s'agit plutôt uniquement de l'existence ou de la non-existence 
de la possession ? 
Deux prétendants à une même hérédité, qui ont l'intention de se 
mettre en possession du fonds héréditaire, arrivent, par des] I 
chemins différents, au même moment, sur ce fonds; ils désirent 
savoir lequel d'entre eux a acquis la possession, si c'est un seul in 
solidum, ou tous les deux ensemble. Il ne peut être douteux qu'ils 
doivent débattre cette question au moyen de Vinterdit, uti possi-
detis, car on ne les obligera certes pas à commettre des actes de 
violence afin de pouvoir constater une lésion de la volonté. Deux 
co-possesseurs sont en désaccord sur une réparation à faire, et ils 
désirent provoquer une décision judiciaire. D'après la L. 12 Comm. 
div. (10. 3) ils l'obtiendront au moyen de Vint, uti possidetis, sans 
qu'aucun acte de violence soit exigé. Uinterd. utrubi, avant 
Justinien, permettait de réclamer la possession même contre le tiers 
possesseur qui n'avait pas reçu la chose du demandeur, mais d'un 
tiers quelconque, peut-être même d'une manière parfaitement 
légale. L'idée d'un délit était aussi étrangère à cet interdit qu'à la 
reivindicatio. 
2. Si c'est la volonté qui est protégée, et si la possession sej 
présente seulement comme manifestation de la volonté, pourquoi! 
exiger la condition de la possession lorsque la volonté est mani-j 
festée d'une autre manière ? Un chasseur poursuit une pièce de 
gibier, un autre la tue sous ses yeux : ici aussi pourquoi ne 
pas accorder une action contre le second pour avoir frustré la 
volonté du premier? 
Dans un local public, quelqu'un met un signe sur une chaise; 
I S 
■ 
36 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
un autre, qui l'a vu, s'empare de la chaise. La volonté de prendre 
£ette chaise pour lui était clairement manifestée par le premier : 
qui pourra songer dans ce cas à une action possessoire? Il importe 
peu, du reste, que la volonté ait pour but la détention permanente 
ou passagère de la chose. Si la volonté, par elle-même, mérite 
protection, elle doit être respectée dans l'un cas aussi bien que dans 
l'autre. 
3. Que de choses incompréhensibles, ensuite, dans le sein même 
de la théorie possessoire? Pourquoi n'y a-t-il point de possession 
sur les choses qui n'en sont pas susceptibles, pourquoi 
pas d'action au fils de famille capable de vouloir, pourquoi pas 
de protection pour les possesseurs au nom d'autrui ? Dans tous 
ces cas, la volonté, comme telle, est incontestable, elle existe 
aussi bien que dans le cas du voleur et du brigand, et si pour ces 
derniers, la nature juridique de leur rapport avec la chose n'a 
aucune influence, à cause de la nature de la volonté, pourquoi en 
est-il autrement dans les cas susdits ? C'est à l'aide de pitoyables 
prétextes que l'on cherche à couvrir ou à sauver cette éclatante 
contradiction. Il n'est pas toujours vrai que le détenteur connaisse 
le motif qui exclut la possession juridique dans sa per- 
\ sonne. Un fils de famille qui, d'après une annonce digne de foi de 
la mort de son père, se considère comme père de famille, a indu-
bitablement Yanimus possidendi; et cependant son interdit sera 
, repoussé si l'adversaire démontre que le père est encore en vie. Je 
connais le cas d'un marchand de bois qui avait la persuasion d'être 
propriétaire de la place où il déposait son bois depuis plusieurs 
années, tandis qu'il fut établi plus tard, qu'une partie \de cette 
place était locus publions. L'autorité communale l'invita a la 
débarrasser, et sur son refus, fit enlever le bois d'office. La flésion 
de Yanimus possidendi était indubitable, et cependant le 
/demandeur fut repoussé dans l'instance possessoire, par l'excep- 
Ition péremptoire de l'incapacitéde la chose. L'héritier qui ignore 
'que son auteur n'était que fermier du fonds, doit s'en croire 
propriétaire, il a donc également Yanimus possidendi ou domini. 
I
n. FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIBES 37 
Mais à quoi bon, si le locataire établit le véritable état des choses? 
Mais en admettant même que le détenteur connaisse le motif qui 
exclut la possession juridique dans sa personne, je ne vois pas la 
conséquence qu'on peut en déduire, du moment que l'on n'a égard 
qu'à la volonté comme telle ? Pourquoi les personnes, qui, comme 
le fermier ou le locataire, ont un droit à la jouissance delà chose, 
droit relativement protégé et transmissible à leurs héritiers, ne 
pourraient-elles pas aspirer pour leur volonté dirigée vers cette 
jouissance, à la même reconnaissance et à la même protection que 
le précariste, toujours exposé à une révocation, que le créancier 
antichrésiste qui peut être éloigné à tout moment par une offre de 
paiement ou que l'usufruitier qui ne peut transmettre son droit à 
ses héritiers ? C'est une vaine subtilité que d'objecter qu'ils n'ont 
point la volonté de posséder. D'ordinaire ils n'ont pas la moindre 
notion de la différence qui existe entre la détention et la 
possession juridique, et leur volonté de posséder né se distingue 
en rien de celle des autres personnes indiquées plus haut. Mais 
dira-t-on, ils ne peuvent pas avoir cette volonté. Il résulterait de là 
que le motif pour lequel on leur refuse la possession, ne réside pas 
dans leur volonté mais dans les règles du droit; la possession leur 
fait défautj parce qu'ils n'ont pas la volonté, et pourquoi leur 
dénie-t-on la volonté? Parce que le droit ne leur accorde pas la 
possession ! j 
BRUNS (p. 494), allègue comme explication que « le commodat 
» et le louage ne donnent point de droit réel, ni par conséquent » 
de pouvoir immédiat sur la chose. » Mais je demanderai si le 
précariste a un droit réel ? Il n'a pas même le droit relatif que 
possède le fermier, le précaire peut lui être enlevé à tout instant. 
Et cependant il a la possession juridique! Je suppose un instant 
que le droit romain ne se soit jamais prononcé sur le rapport 
possessoire de ces deux personnes — quelqu'un se serait-il jamais 
avisé de le déduire de l'idée de la liberté et de l'inviolabilité de la 
volonté? 
38 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
Le fermier n'a, en droit romain, aucun remède possessoire, et ce 
précepte était en vigueur, à Rome, à l'origine, même pour les 
fermiers des agri vectigales, jusqu'à ce qu'ils obtinssent, par l'édit 
du Préteur des remèdes pétitoires et possessoires. 
Une pareille innovation répondait-elle à leur volonté? Celle-ci 
était-elle si modifiée que le Préteur dût se croire obligé de les 
reconnaître comme possesseurs? On fera difficilement admettre 
que le fermier d'un ager vectigalis eût une autre volonté que tout 
autre fermier. 
Dans la réfutation qui précède, je n'ai compris que les défenseurs 
principaux de l'opinion que je combats, et l'on n'exigera 
certainement point que je fasse connaître toutes les variations et 
fluctuations avec lesquelles elle est reproduite par les auteurs 
récents (30). Je crois cependant devoir faire une exception pour 
WINDSCHEED, parce que cette idée a été tout autrement présentée 
par cet auteur. « Tout individu, dit-il, dans ses Pandectes /» (I p. 
365) est égal à un autre dans l'État; nul ne doit s'élever S» au-
dessus d'autrui, Toute volonté qui se réalise en fait dans la |» 
possession, a, comme telle et abstraction faite de la justice de I» 
son objet, une valeur égale à celle de toute autre volonté I» isolée 
qui voudrait s'assujettir la chose; si une autre volonté 1» isolée 
veut se réaliser vis-à-vis d'elle, elle peut en appeler à la » décision 
des organes de l'ordre juridique établis par l'État. » Mais où réside 
le motif déterminant de ce recours, si toute volonté a exactement la 
même valeur qu'une autre? De fait, dans ce cas comme dans tous 
les autres où la volonté cherche à l'emporter sur la volonté, et la 
force sur la force, c'est la prépondérance de la force qui décide. 
Que l'on n'objecte pas que le précédent possesseur peut faire valoir 
qu'il a déjà exercé sa force, et que le résultat doit en être respecté. 
Cela serait vrai si 
(so) Quant à l'opinion de LENZ. Bas Recht des Besitzes- und seine grund-
lagen, 1860, voyez WINDSCHEID Pandectes, § 150, n° 1. 
IL FONDEMENT DES INTERDITS POSSESSOIRES 39 
ce possesseur avait le droit de son côté dans l'acte de l'appro-
priation ; sinon, si par exemple le brigand qui se voit enlever la 
chose par un autre brigand plus fort, se réclame seulement de sa 
possession, c'est-à-dire du fait de l'emploi de sa force, son adver-
saire pourra lui opposer exactement le même argument ; le fait 
plaide pour lui. Si l'on asseoit la possession uniquement sur la 
volonté de fait, si on la délie ainsi de tout rapport avec le droit, 
elle n'est rien d'autre qu'une prime offerte à la force, à la puissance 
prépondérante, et c'est en vain que l'on s'efforce au moyen de 
règles empruntées au droit, comme par ex. in pari causa eonditio 
possidentis melior est, d'écarter l'inévitable conséquence que la 
force prime la force. Avec le secours de la simple volonté de fait il 
est impossible de constituer la possession. La volonté qui se met 
en opposition avec le droit ne peut prétendre à être protégée, et si 
le droit a été amené à lui accorder protection par rapport à la 
possession, il faut en chercher la raison non dans la volonté 
même, mais ailleurs. 
LES OPINIONS ABSOLUES (SUITE) 
2. La théorie de Stahl 
Au dire de STAHL (bl), la possession porte en elle-même son 
importance juridique. STAHL exprime donc une opinion absolue. 
« La possession, aussi bien que la propriété, sert à la destina-» 
tion générale du patrimoine : à la satisfaction des besoins » 
humains au moyen des choses. Il convient dès lors, de lui » 
accorder aussi une protection juridique, différente toutefois » de 
celle de la propriété, c'est-à-dire non point une garantie » de la 
chose même, garantie dirigée par conséquent contre toute 
(") Die Philosophie des Reclus. 2 vol. sect. I. p. 364 s. 2° édit. 
40 ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES 
» personne qui détient la chose, mais seulement une garantie » de 
Vétat de fait, dirigée seulement contre celui qui fait cesser 
I,. » cet état (au moyen d'une action positive c'est-à-dire d'un délit). 
, » — L'intention du possesseur est de conserver Y état de fait des\ 
» choses. L'institution de la possession n'est qu'un règlement » 
provisoire ou subsidiaire du même rapport, dont le règlement » 
véritable et définitif est l'institution de la propriété. C'est » 
pourquoi la possession doit être dans un rapport constant avec » la 
propriété. » 
Le fondement de la protection accordée à la possession repose 
ainsi, dans l'idée de STAHL, sur l'intérêt économique que présente 
pour le commerce, même la simple détention. Cet intérêt est, je le 
reconnais, tout-à-fait incontestable pour ce qui concerne 
I' le possesseur en particulier ; pour l'emploi économique qu'il veut 
faire et qu'il fait de la chose, il importe fort peu qu'il y soit 
M autorisé ou non ; si la chose lui est soustraite, il est économique- 
ment lésé. Mais ce point de vue de l'intérêt économique pur n'est 
pas décisif pour le droit. A cet intérêt doit se joindre encore un 
motif qui autorise le possesseur à vouloir être juridiquement 
protégé. Là où manque ce motif, le droit refuse sa protection, et 
l'intérêt reste un simple intérêt de fait; là où il existe, le droit 
accorde sa protection et élève ainsi le simple intérêt au rang de 
droit. Relativement au rapport de la personne avec la chose, le 
droit romain rattache cette protection à la notion de la propriété, 
| c'est-à-dire à la preuve des conditions qui sont déterminées dans 
la théorie sur les modes d'acquisition

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